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Moulin-à-Vent fête ses cent ans

« Moulin-à-Vent est certainement le cru du Beaujolais qui, au vieillissement, propose des vins avec le plus de complexité et de longueur, ce qui est connu depuis toujours », explique Michel Bettane qui connaît l’appellation « comme sa poche ». C’est d’ailleurs pour cette raison que le cofondateur du guide Bettane+Desseauve animera deux masterclasses pour présenter les caractéristiques des terroirs d’une appellation qui fête ses cent ans en 2024.
Organisée par Millésima, cette opération « panorama » propose aux clients de l’enseigne mais aussi aux amateurs et aux passionnés de vin de découvrir des appellations ou des régions viticoles selon des thématiques précises. Douze domaines seront ainsi présents pour faire découvrir leurs vins, en plein cœur de Paris. Si le millésime 2022 sera mis à l’honneur, deux à trois millésimes supplémentaires seront également proposés. Une opportunité unique d’échanger avec les producteurs et de plonger dans l’histoire captivante de l’appellation, racontée autour de deux masterclasses passionnantes, animées par Michel Bettane. Une chance pour tous les amateurs des grands vins du Beaujolais mais aussi pour les lecteurs de En Magnum qui peuvent bénéficier d’une réduction de 20 % sur les billets d’entrées et les masterclasses avec le code MAGNUM20.

Masterclass « Les lieux-dits mythiques de Moulin-à-Vent »

La découverte des parcelles renommées de l’appellation et présentation des caractéristiques de ces terroirs emblématiques.

Masterclass « Moulin-à-Vent à travers le temps : 1971-1993 »
Voyage dans le temps et focus sur le potentiel de garde des grands vins de l’appellation, avec la dégustation de millésimes entre 1971 et 1993.

Les domaines présents :

Château du Moulin-à-Vent
Château des Jacques
Domaine de Rochegrès (Maison Albert Bichot)
Domaine Louis Boillot
Domaine Merlin
Domaine Mont Bessay
Domaine Paul Janin
Domaine Richard Rottiers
Domaine des Moriers
Joseph Drouhin
Maison le Nid
Thibault Liger-Belair

Millésima Panorama
100 ans de Moulin-à-Vent
Quand ? Jeudi 17 octobre 2024 de 18h30 à 22h30
Où ? Pavillons Étoile & Presbourg, 12 rue de Presbourg – Paris
280 places disponibles, 20 places pour chaque masterclass.
Réservations sur www.millesima.com

Vieux Château Certan, un siècle de lumière


Retrouvez cette verticale  dans En Magnum #37. Vous pouvez l’acheter en kiosque, sur notre site ici, ou sur cafeyn.co.


Dans le vaste patrimoine des crus bordelais, Vieux Château Certan, souvent abrégé VCC par ses intimes, est à la fois l’une des propriétés les plus mythiques et les plus discrètes. Mythique, VCC l’est d’abord par sa situation géographique. Installé au cœur du plateau de Pomerol, croisant en son sud les châteaux Cheval Blanc, La Conseillante et L’Évangile, au nord-est Petrus et Lafleur, à l’ouest Trotanoy et tant d’autres noms illustres, le vignoble de Vieux Château Certan est une représentation idéale de son appellation, avec ses trois terroirs associés ou plutôt intimement imbriqués sur quatorze hectares. Les sols argileux y sont très présents, même si une terrasse de graves spectaculaires affleure par endroits ; ils offrent un terrain idéal pour le merlot qui trouve ici une expression profonde et marquante, d’une grande singularité. La forte présence de ce sol argilo-graveleux favorise aussi l’expression du cabernet franc, qui atteint aujourd’hui 25 % de l’encépagement du vignoble de VCC après avoir été replanté dans les années 1980. Les sols les plus graveleux permettent au cabernet-sauvignon (5 % du vignoble) de constituer un complément d’expression très racé et toujours très frais.

L’histoire d’une famille
Au-delà de son exceptionnel terroir, la singularité de VCC tient dans la personnalité de ceux qui l’incarnent depuis maintenant un siècle, la famille Thienpont. Négociants en vin depuis 1942, ces Flamands travailleurs et prospères s’intéressèrent avec passion au vignoble de Bordeaux. Propriétaires en 1921 du château Troplong-Mondot (cédé en 1934 aux Valette, une autre famille fameuse de la rive droite), les Thienpont firent l’acquisition de cette propriété majeure de Pomerol en 1924. À l’époque et durant longtemps encore après, Georges Thienpont, marchand talentueux et amoureux fou de sa propriété, mit en bouteille son vin soit au château, soit dans les chais du manoir d’Hof te Cattebeke, dans le village flamand de Maarkedal où la famille vit et travaille. Les enfants, petits-enfants et désormais arrière-petits-enfants de Georges ont perpétué l’œuvre familiale. Parmi ceux-ci, Jacques, par ailleurs seul propriétaire de l’illustrissime Le Pin, continue la mission de négociant en vin en Belgique tandis que son cousin Alexandre s’est installé à VCC pour diriger le vignoble et les vinifications, comme son père Léon avant lui. Son fils Guillaume l’aide désormais.

La verticale
C’est dans le manoir historique d’Hof te Cattebeke que nous avons pu réaliser une dégustation rare et exceptionnelle, avec des bouteilles venant pour la plupart de la cave de cette propriété et n’en ayant jamais bougé auparavant. De 1923, premier millésime commercialisé par Georges Thienpont (mais non produit par lui-même), à 2020, le voyage dans ce cru toujours mené par cette attachante famille révèle certaines périodes proprement extraordinaires (en particulier la décennie 1940) ainsi que de nombreux vins démontrant avec force encore aujourd’hui la personnalité unique de VCC. Cette singularité est certainement due à son terroir remarquable, mais aussi, assurément, à la continuité et à la cohérence du travail de cette famille hors norme. Nous n’avons noté les vins sur 100 qu’à partir des années 1990. Notre appréciation des millésimes antérieurs dépend trop de paramètres liés à l’état de la ou des bouteilles dégustées pour que nous utilisions une telle échelle. Nous avons donc établi un barème composé d’étoiles (allant jusqu’à cinq) pour donner une indication de l’émotion ou du plaisir procuré par notre dégustation.

 

De 1923 à 1948

1923
Le dernier millésime d’avant l’ère Thienpont, mis en bouteille par Georges Thienpont. Robe acajou, très joli floral, cuir fin, bouquet magnifique plein de charme. Bouche tendre et délicate, d’une grande fraîcheur, les tannins sont cependant présents et laissent une finale droite, épurée, persistante sur le floral. Mémorable.

1925
Robe de belle profondeur, brillante et intense. Distinction du fruit, fraîcheur délicate, charmeur et plus en liberté que le 1923, mais sa persistance est moins affirmée.

1928
Charme subtil malgré une acidité volatile présente : il séduit par sa finesse florale et sa délicatesse dans un registre en dentelle. Pour l’avoir plusieurs fois dégusté, Jacques Thienpont assure que le flacon du jour n’est pas à la hauteur des meilleures bouteilles du millésime.

1934
Robe assez profonde et bouquet sur les notes de pivoine et de cuir (même si le bouchon n’est pas absolument parfait). Charnu et tannique, puissant et séduisant, impressionnant par sa longueur et sa fraîcheur tonique. Le caractère frais du cru s’affirme toujours, même quatre-vingt-dix ans après sa naissance.

1936
Robe élégante, assez fluide mais avec une brillante teinte rubis. Le nez est délicat, sur les notes de fleur et de fruits séchés, bouche tendre et longue, avec de la finesse et de la délicatesse, c’est un vin long et frais, auquel on s’attache facilement.

1940
Robe profonde, presque opaque. Fruit profond, bouche charnue, avec de la sève, de l’intensité et de l’équilibre. Magnifique par son amplitude et son intensité entre longueur et fraîcheur, grand tannin « moderne » et mûr. Le premier chef d’œuvre d’une décennie magique.

1942
Robe profonde, bouche charnue et intense portée par un tannin puissant, grande longueur. La finale est un plus sèche que celle du 1940, mais affiche une grande profondeur.

1943
Robe brunie et fatiguée. Malgré une évolution marquée, le vin a gardé une matière dense et profonde dont on apprécie la sève, le tannin ferme et la grande intensité finale.

1945
Dès la robe d’une teinte juvénile et d’une profondeur impressionnante, on comprend que l’on est devant un monument. Bouquet magnifique d’intensité et de fraîcheur, grande vigueur et profondeur en bouche, avec un grain de tannin magique et une allonge époustouflante. Immense vin à la hauteur de ce millésime mythique.

1947
Robe profonde, un peu de volatile, mais de la fraîcheur florale et une grande maturité aromatique. Bouche enveloppante, séveuse, voluptueuse, avec une allonge savoureuse et onctueuse. Le plaisir et la vigueur définissent un profil énergique, moins monumental que le 1945, mais d’une fantastique originalité.

1948
Dernier millésime extraordinaire de cette incroyable décennie, ce 1948 impose une personnalité sereine et lumineuse. Robe profonde, nez fin, délicat et intense, d’une grande fraîcheur. L’harmonie domine, tout est serein, profond, frais, précis, long et brillant. Parfait vin d’équilibre.

 

De 1946 à 1988

Plusieurs millésimes de cette période ont été dégustés pendant le dîner qui a séparé les deux sessions principales de dégustation. Nous retranscrivons ici de manière rapide (et parfois elliptique) notre impression sur ces vins.

1946
Vin droit, ferme, linéaire et frais.

1950
Élégant, complet, droit et minéral.

1952
Épicé et fumé, avec un petit manque de netteté aromatique, mais porté par beaucoup de corps.

1953
Quelques notes de champignon et un peu de volatile, mais de la finesse et de l’intensité.

1955
Magnifique par sa grande fraîcheur et son intensité.

1959
Complet, ample, profond par sa grande sève.

1961
Une impression aromatique qui manque un peu de finesse, mais un vin ample, généreux et profond.

1962
Un magnum fatigué, mais une bouteille florale et brillante, élancée et svelte, d’une grande profondeur.

1964
Profond et magnifique de fraîcheur.

1966
Grande fraîcheur pure et élégante.

1970
Evolué, mais avec de la vigueur.

1971
Solide, mais de la rondeur en bouche et beaucoup de fraîcheur

1975
Belle réussite avec de la vigueur et de la droiture

1988
Savoureux par sa bouche charnue et matière consistante.

 

De 1982 à 2000

1982
Aujourd’hui très agréable à déguster, souple et en suavité. Bouquet sur les notes florales et les fruits compotés. Bouche gourmande et savoureuse, tannin mûr et souple, allonge brillante.
96

1983
Quarante ans plus tard, ce millésime fameux pour Vieux Château Certan est à la hauteur de sa légende. Robe élégante, fraîcheur fruitée, longueur brillante. Notes truffées, allonge épurée, grande classe, brillant et intense, savoureux et long, droiture parfaite, fraîcheur superlative.
99

1985
Robe profonde et assez jeune, nez de cuir et truffe, le floral arrive ensuite. Il y a de la densité, peut-être moins de charme immédiat que les 1983 et 1982, mais de la profondeur et de l’intensité. Même si le vin est dans sa maturité, il a encore beaucoup de potentiel. Bel équilibre frais.
95

1989
Robe brunie mais vive, nez épanoui sur un grand registre floral. En bouche, c’est ample et voluptueux, avec une fraîcheur brillante et un charme ample et savoureux. Belle persistance aromatique.
97

1990 (en magnum)
À la hauteur de la réputation et du style du millésime. Robe profonde, nez fin, concentré sur les petits fruits compotés. Allonge mûre, tonicité et dynamisme, beaucoup d’allant, entre souplesse et concentration. Vin brillant et intense.
99

1996
Robe profonde, grand fruit précis, allonge mature et harmonie brillante, volume onctueux et plein d’énergie, bouteille admirable.
98

1999
Gourmand, suave et velouté, il affiche cette générosité voluptueuse parfaitement fraîche et équilibrée, facile d’approche mais donnant beaucoup de plaisir.
96

2000
Robe assez profonde (reflets acajou), notes de petits fruits rouges confits, fines épices. Onctuosité en bouche, mais tannin ferme et mature, finale veloutée sur la crème de pruneau. Séduction fine.
96

2001
Robe assez vive, nez discret sur l’écorce d’orange et les fruits secs. Le floral se révèle dans une bouche droite, aux tannins fins, linéaire et persistante. Vin vertical et racé.
95

2002
Grenat acajou fin, avec une chair délicate et une fraîcheur florale superbe, corps épanoui et charmeur, qui allie allonge persistante sur le floral et les petits fruits rouges avec une sapidité magnifique et tendre.
95

2004
Robe aux reflets brunis, notes de pruneau et d’orange sanguine confite, allonge veloutée, tannin fondu et harmonieux, avec du velours et de la séduction, le corps affiche moins de persistance que les 2000 et 2001 et moins de fraîcheur que le 2002.
94

2005
Grande robe juvénile et profonde, maturité du fruit impressionnante avec ses notes de fruits rouges et d’épices fines, beaucoup d’amplitude et de générosité en bouche, trahissant un merlot mûr. Plus grand pomerol que vraiment dans le style VCC. Riche et complet, fraîcheur intense en finale, hédoniste en diable.
97

2006
Robe profonde et vivace, nez floral et fruits rouges frais, avec des touches minérales. En bouche, droiture brillante, intensité, verticalité avec de la chair, un VCC iconique, avec une allonge profonde.
98

2008
Robe vive, nez floral et sur les notes de fruits rouges, dimension verticale, élancée et tonique, ultra séduisant par l’énergie apportée par le cabernet franc, allonge svelte et intense. Le cabernet franc s’affirme dans ce millésime à forte personnalité.
97

2009
Robe profonde, grand fruit mûr, bouche spectaculaire, onctueuse et riche, superbe de générosité avec de la fraîcheur, de l’intensité et un équilibre ample et gourmand. On retrouve sa longueur savoureuse avec une grande fraîcheur.
98

2010
Puissant, dense, solide et épicé, la fraîcheur revient ensuite avec beaucoup de volupté et un charme onctueux. Très généreux et encore massif, il est capable de vieillir longtemps.
98

2011
Robe profonde, fraîcheur florale brillante, délicatesse élancée, charme brillant, onctuosité fine de la chair, allonge pleine de sève, fraîcheur épicée, style brillant avec moins de profondeur et de potentiel de garde que les 2009 et 2010.
97

2012
Robe jeune et assez vive, nez plutôt discret à ce stade, un rien végétal, mais la bouche fruitée est charmante, fraîche et croquante.
94

2014
Gourmand, tendre, avec une souplesse harmonieuse, bouche fruitée, florale et toujours un peu végétale. Charmant et prêt à boire.
94

2015
Une magnifique rencontre entre puissance, opulence, fraîcheur et intensité. Grand millésime, associant beaucoup de séduction générosité et saveur.
98

2016
Tonicité et intensité, fraîcheur fruitée, minéralité profonde, longueur intense et brillante, potentiel magnifique.
99

2017
Notes de mûres, bouche gourmande et tendre. Vin charmeur et fruité, avec beaucoup de fraîcheur et une dimension néanmoins plus limitée que celle des millésimes suivants.
94

2018
Grande classe, spectaculaire par sa droiture, son intensité et sa profondeur, racé et précis, tannin sculptural, énergie brillantissime et fraîcheur unique. Assurément un millésime de légende pour VCC et le début d’une nouvelle période de grâce pour le cru.
99

2019
Ample, gourmand, riche et généreux. Profondeur musclée, saveur délicate et beau potentiel entre opulence et fraîcheur.
97

2020
Magnifique réussite dans un millésime de grand potentiel. Profondeur florale brillante, allonge savoureuse, fraîcheur et verticalité. Il entre incontestablement dans la légende du cru.
99

20 ans de Whisky Live

« On est vite dans le super ou l’ultra premium. C’est à l’image de ce que l’on veut créer. Aujourd’hui, si le blend produit en volume et vendu dans les grandes surfaces à son public, il ne reflète pas, pour nous, la réalité de ce qu’est l’art de la distillation », explique Nicolas le Brun, organisateur du salon qui se tiendra ce dernier week-end de septembre à la Grande Halle de la Villette (Paris 19e). Écosse, Irlande, États-Unis, France, whiskys, rhums, sakés, gins, agaves, le salon propose aux amateurs et aux curieux de découvrir des spiritueux travaillés avec soin tout en leur permettant de faire des découvertes. « Une sorte de voyage, qui permet de faire des diagonales entre des marques populaires et connues, comme Aberlour et Glenmorangie, tout en faisant un pas de côté pour retrouver le Single Barrel américain de Jack Daniel’s. Ou encore en découvrant, Holyrood, la dernière distillerie écossaise ».

 

Le plateau de dégustation de l’édition 2023.

Trois nouveautés
Pour cette édition anniversaire, le salon innove avec des tables rondes animées par des spécialistes, notamment à propos des terroirs ou des nouvelles vagues du whisky écossais. Autre nouveauté, la tenue à la tour Eiffel de l’édition française de la cérémonie World Drinks Awards, en avant-première du salon, qui récompensera le savoir-faire et la créativité française en matière de spiritueux. Enfin l’inédit « patio des agaves » met cette année en lumière le dynamisme et l’engouement pour la tequila et du mezcal. Rendez-vous phare du Whisky Live, l’incontournable Cocktail Street restera cette année encore un événement dans l’événement, avec ses espaces food et cocktail. Lancée en 2016, son ambition était de démocratiser le cocktail, longtemps considéré comme un univers « underground ». L’espace permettra aux différentes marques de la catégorie de faire découvrir leurs produits à un public de plus en plus large.
Créé au départ comme un « club », le Whisky Live souhaitait proposer « un rendez-vous un peu plus formel à l’ensemble des adhérents de la Maison du Whisky, l’organisateur du salon », précise Nicolas le Brun. Si ces adhérents étaient initialement des amateurs de whisky, le salon s’est progressivement ouvert à d’autres spiritueux à partir de la dixième édition. L’an dernier, l’événement a réuni plus de 300 exposants et a accueilli environ 50 000 personnes. Les 150 références proposées dans le nouveau catalogue de la Maison du Whisky intitulé « Foundations » seront disponibles à la dégustation sur le salon.

En bref
Whisky Live Paris 2024
20e édition
40 pays représentés
300 distilleries et marques
2 000 références à déguster
350 nouveautés en avant-première

En pratique
Grande Halle de la Villette (75019 Paris)
Pour les particuliers : 28 et 29 septembre de 13h30 à 19h
Pour les professionnels : 30 septembre de 10h à 18h
Réservations sur www.whiskylive.fr/billetterie

Château La Dominique, l’étoile montante

Découverte en vidéo d’un rosé de plaisir, de deux 2019 plein de promesses et d’un 2009 ultra gastronomique. Le château La Dominique à Saint-Émilion a tout pour plaire aux amateurs et aux restaurateurs. Explications dans notre nouvel épisode de classe de maître avec Gwendeline Lucas, la directrice générale des vignobles Fayat, et Thierry Desseauve

Production : Jeroboam
Productrice : Juliette Desseauve
Image : Lucas Chaunay
Montage : Nicolas Guillaume
Motion Design : Maxime Baïle
Musique originale : Arthur L. Jacquin

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

La main dans le sac


Retrouvez cet article  dans En Magnum #37. Vous pouvez l’acheter en kiosque, sur notre site ici, ou sur cafeyn.co.


Je crois savoir que le petit monde du commerce bordelais, indépendamment de la conjoncture franco-française, n’a pas encore pleinement pris conscience de l’ampleur du phénomène de désamour envers ses vins, qu’on résume sous l’expression « bordeaux bashing ». La campagne de vente en primeur 2023 s’achève sans gloire, malgré des baisses non négligeables de prix (devenus raisonnables par rapport à leurs pairs de Bourgogne ou d’ailleurs), des volumes de mise en vente réduits, et surtout, une qualité globale remarquable et – j’ose le dire – incomparable. Tous les jours, au restaurant, chez les cavistes, et dans le comportement et les paroles des amateurs que je rencontre, je vois l’étendue de ce désamour. Par exemple, il y a quelques jours, dans un sympathique restaurant certes bourguignon, bar à vin et cave à vin, je vois des dizaines de caisses de grands bordeaux prestigieux servir de décor. Pas simplement des planches étampées, mais bien des caisses, toutes remplies de vins venus de partout, sauf des crus mentionnés sur les caisses elles-mêmes, évidemment situés à Bordeaux. À la vente, un seul petit vin, de qualité et de réputation sans intérêt, de type « glou glou », conformément à cette mode qui convient encore moins à un vin de bordeaux qu’à tous les autres. Le caviste de ce restaurant sourit de ma surprise et de ma remarque, comme si son choix de décoration allait de soi. Celle-ci n’empêchait d’ailleurs pas une très judicieuse sélection de vins hexagonaux, engagée et responsable. Allez voir toutes les cartes de restaurants branchés, les livres des cavistes tout aussi branchés, les plus compétents comme les plus stupides, vous constaterez une immense sous-représentation des vins de Bordeaux, même pour les plus raisonnables en prix et les plus respectueux en matière de culture de la vigne et de vinification. Il y a dans ce rejet quelque chose qui ressemble à un trait de caractère national que l’on retrouve dans bien d’autres secteurs : cette jubilation à casser le jouet dont on ne veut plus.
Mais la responsabilité depuis tant d’années des producteurs et des distributeurs bordelais est tout aussi immense que leur déni à la penser et à l’avouer. Après tant d’années difficiles entre 1930 et 1985, la place de Bordeaux a gagné beaucoup d’argent à partir du moment où elle a choisi de ne distribuer que les vins à plus forte marge, ceux dont le marché international est le plus demandeur et donc ceux qui lui demandent en retour le moins d’effort. Ce faisant, elle a oublié sa responsabilité envers tous les autres, mais aussi envers l’image de marque de l’origine du vin, noyée sous la fausse magie de l’étiquette « château ». C’est cette fausse magie qui a d’ailleurs conduit la grande distribution à faire le choix de distribuer des centaines de « petits châteaux » de prix à peu près semblables, aussi inconnus les uns que les autres du public, perdu devant les rayons des magasins et la multiplicité des noms. Leur manque de personnalité et même de plaisir dans leur saveur n’a pas alerté pendant trop longtemps les grands acheteurs. Cela se vendait bien auprès d’un public populaire qu’on croyait peu connaisseur. Et quand cela a commencé à moins bien se vendre, c’était trop tard. L’intelligence champenoise qui a su créer des marques de large diffusion sous une même appellation a cruellement manqué au commerce bordelais. Il pouvait pourtant s’appuyer sur le nom de la ville du vin le plus connu au monde. Son erreur la plus grave est, hélas, liée à son mode de fonctionnement qui repose sur la spéculation au sens strict du mot, c’est-à-dire l’anticipation qui permet d’acheter moins cher et en avance ce qui se vendra plus cher et plus tard. C’est en tout cas comme cela que cela fonctionnait. Et que cela doit fonctionner avec les professionnels, les acheteurs en gros, les restaurateurs, les cavistes, les distributeurs, etc.
Le premier qui eut l’idée d’étendre à la clientèle privée ce mode de fonctionnement a été vraiment mal inspiré. Faire croire qu’en achetant le vin très tôt, avant même qu’il soit mis en bouteille, on pouvait le payer moins cher est moralement inadmissible. Cette clientèle de particuliers ne peut pas savoir à quoi le vin ressemble. Et même si elle peut déguster l’esquisse que représente un vin après quelques semaines d’élevage, elle n’a pas la compétence nécessaire pour imaginer sa forme définitive et juger de la concordance entre cet échantillon précoce et ce que sera le vin dans sa bouteille définitive. Elle laisse ce soin à la merci des experts autoproclamés, eux même plus ou moins bien formés pour ce rôle, qui parfois assurent leur succès par la démagogie de leurs jugements et d’une note chiffrée qui fait tourner les têtes en s’approchant trop souvent du mythique 100 sur 100. Dans les faits, le public voit bien qu’il n’est pas toujours gagnant et même de plus en plus souvent perdant, retrouvant parfois cinq ans plus tard dans certains circuits de distribution le vin qu’il a acheté au même prix ou presque en primeur. On imagine sa frustration et sa colère. Il reporte alors sur le système, et logiquement sur le produit, ce que sa naïveté ou son appât du gain l’ont conduit à faire. Avec deux réactions possibles. Soit il cesse d’acheter des vins de Bordeaux, en accusant les producteurs de préférer le commerce à l’agriculture et l’argent à la qualité et la typicité du produit, soit il décide que les marques les plus célèbres sont des moyens de gérer son patrimoine. Il devient alors lui-même grand spéculateur, achète les vins célèbres comme on achèterait des actions d’entreprises performantes, surtout pas pour les boire, même comme lot de consolation, mais pour les revendre et contribuer à nourrir une spéculation qui explique les écarts incompréhensibles de prix entre vins de qualités finalement assez proches.
Des fonds bancaires gèrent même de plus en plus cette spéculation. Elle déshonore le produit agricole le plus artiste et le plus estimable, destiné à être bu. Et elle le fait devenir le support de l’amour propre de riches acheteurs venus de pays leur permettant de multiplier leur niveau de vie, par rapport au nôtre, ou le support de l’inquiétude d’une catégorie sociale qui place en lui un espoir de maintien ou d’augmentation de son statut.