Ils viennent des quatre coins du globe, vieux vignoble ou nouveau monde, hémisphère nord et sud. Réunir ces talents, c’est faire valoir l’universalité de la joie du grand vin. ces quelques vins nous émeuvent. Nous en avons fait un XV mondial
Retrouvez notre sélection de l’année dans Le Nouveau Bettane+Desseauve 2023 disponible dans toutes les bonnes libraires
Opus One 2018, Napa Valley, USA 98/100 Un vin de grande race, magnifique et puissant. 318 euros Distribué par CVGB
Promontory 2016, Napa Valley, USA
98/100
Un grand vin à la puissance maitrisée. 960 euros Distribué par CVGB
Disznókő, Tokaji Aszú 6 Puttonyos 2016, Tokaj, Hongrie
98/100
Très puissant et riche, grand potentiel. 70 euros Distribué par Compagnie Médocaine des Grands Crus
Yjar 2017, Rioja Alavesa, Espagne
97/100
Magistral, un vin d’une grande richesse. 120 euros Distribué par Joanne
Petrolo Galatrona 2019, Val d’Arno di Sopra DOC, Italie
96/100
Tout en finesse et d’une grande élégance. 105 euros Distribué par Joanne
Ornellaia 2019, Bolgheri DOC Superiore, Italie
96/100
Ce vin très élégant est envoutant. 220 euros Distribué par Joanne
Glenelly Lady May 2015, Stellenbosch, Afrique du Sud
96/100
Grand style impérieux et de garde. 51 euros Disponible chez TWIL
Almaviva 2019, Puente Alto, Chili
95/100
Quelle complexité pour ce vin opulent et élégant 150 euros Distribué par CVGB
Santa Rita Casa Real Reserva Especial 2018, Maipo Alto, Chili
95/100
Délicieux, texturé et tellement long. 81 euros Distribué par Joanne
Cloudy Bay Te Wahi Pinot Noir 2018, Central Otago, Nouvelle Zélande
95/100
Beaucoup de finesse, un équilibre presque parfait. 72 euros La Grande Epicerie de Paris
Ao Yun 2017, Chine
95/100
Du charme et une typicité unique en son genre. 290 euros La Grande Epicerie de Paris
Terra Remota, GG 2019, DO Empordà, Espagne
94/100
Finesse de texture remarquable, grenache de grand style. 45 euros bodega.terraremota.com
Tyrrell’s Wines Hunter Valley Semillon 2019, Hunter Valley, Australie
94/100
Étonnamment aromatique, un sec d’une grande profondeur. 19,90 euros Idealwine
Markus Molitor, Riesling WC Wehlener Klosterberg Kabinett 2018, Moselle, Allemagne
94/100
Fin, floral et cristallin, un équilibre très original. 20 euros millesima.fr
Adrianna Vineyard – Mundus Bacillus Terrae 2018, Mendoza, Argentine
94/100
Fin et précis, texture fondante, c’est la grande élégance. 240 euros Distribué par CVGB
Après plusieurs mois de rumeurs, la famille Pinault, propriétaire d’Artémis Domaines, et la famille Henriot, propriétaire des Maisons & Domaines Henriot ont annoncé aujourd’hui, dans un communiqué de presse, mettre en commun leurs domaines viticoles. Cette nouvelle entité conserve le nom d’Artémis Domaines. Elle est majoritairement détenue par la famille Pinault.
Artémis Domaines regroupe quelques domaines prestigieux. Château Latour à Pauillac, premier grand cru classé en 1855; le Clos de Tart à Morey-Saint-Denis, le domaine d’Eugénie à Vosne-Romanée, le vignoble de Château-Grillet dans la vallée du Rhône, Eisele Vineyard dans la Napa Valley en Californie. Le groupe avait annoncé, plus récemment, prendre une participation minoritaire dans Champagne Jacquesson. « Le rapprochement des propriétés de Maisons & Domaines Henriot et d’Artémis Domaines est une formidable opportunité pour rassembler sous une même bannière des trésors de notre patrimoine viticole. C’est la garantie qu’un groupe français assurera dans la durée la préservation de tels joyaux et poursuivra la quête de l’excellence qui a marqué leur prestigieuse histoire », explique François Pinault.
Maisons & Domaines Henriot, groupe familial propriétaire de Bouchard Père & Fils à Beaune, de William Fèvre à Chablis, de la maison Henriot en Champagne et de Beaux-Frères en Oregon. « Pour les propriétés de notre groupe familial, cette alliance est pleine de promesses. Avec Artémis Domaines, nous partageons un attachement profond pour le patrimoine viticole exceptionnel de la France et l’ambition de mettre pleinement en valeur l’ensemble incomparable que nous constituons par la réunion de nos domaines. Cette opération a vocation à s’inscrire sur plusieurs générations, à l’image du temps long qui fait les grands vins » précise Gilles de Larouzière Henriot, président directeur général de Maisons & Domaines Henriot.
Nous avions consacré deux séries vidéos autour des grands vins de Bourgogne de la maison Bouchard et de ceux du domaine William Fèvre. Ces dix épisodes sont à retrouver ci-dessous.
Bouchard Père & Fils, au cœur de Beaune
Domaine William Fèvre, au plus près des terroirs de chablis
Ces vins sont le bonheur de l’amateur, la joie de l’initié, le rêve du collectionneur et le palmarès du Nouveau Bettane+Desseauve 2023 (En librairie ou disponible ici). Pour nous, ils sont une fierté. Pour rayonner dans le monde, le vin français a besoin d’une équipe. Quinze vins de lieu, quinze vins d’auteurs, un même souci de la performance, une même émotion
Domaine Valentin Zusslin, Clos Liebenberg (Monopole) 2017, alsace 98/100
Ce vin complet a tout pour lui : équilibre, tension, pureté, vibration. Parfait et pour longtemps.
35 euros
Château Mouton-Rothschild 2019, pauillac 100/100
Eblouissement absolu, perfection formelle, sans égal en intensité et en promesses dans le millésime.
492 euros
Château Pavie 2019, saint-émilion grand cru 99/100
Volume parfait, raffinement de texture, puissance corsetée, il a tout pour lui et durera très, très longtemps.
400 euros
Domaine Christophe Perrot-Minot, chambertin grand cru 2020 100/100
Intensité superlative, puissance brute et contenue, il dominera tous ses pairs comme toujours.
NC
Bouchard Père et Fils, La Cabotte 2020, chevalier-montrachet grand cru 97/100
Le vin est génial dans sa pureté de caractère et sa force.
NC
Champagne Philipponnat, Clos des Goisses 2012 98/100
Délicieux et caressant en bouche, très long, très complexe, équilibre souverain. Une perfection.
NC
Champagne Krug, Clos du Mesnil 2008 100/100
Pureté de cristal absolue, éclat aromatique magnifique, extraordinaire précision et force de conviction éblouissante.
NC
Domaine Orenga di Gaffory, Impassito 2013, muscat-du-cap-Corse 96/100
Cette merveille rivalise en grandeur aromatique et en longueur avec les grands liquoreux de la planète.
18 euros
Mas Jullien, Lous Rougeos 2020, terrasses-du-larzac 98/100
Trame calcaire, très belle vinosité, intensité et fraîcheur en bouche, tannins d’une finesse folle. Quelle maîtrise.
38 euros
Gérard Bertrand, Clos du Temple 2021, languedoc-cabrières 96/100
Grand vin onctueux et velouté, grande énergie en bouche, finale sur la fraîcheur, très grande persistance aromatique. Sommet de la couleur.
190 euros
Domaine Jean-Louis Chave, l’ermitage blanc, hermitage 2019 100/100
Signature d’un grand terroir et patiente construction du vin, il entrera dans la légende des blancs de l’Hermitage.
NC
Clos du Mont-Olivet, Cuvée du Papet 99/100
Grandiose délicatesse, volume profond et délicat, intensité finement épicée, fruit ultra précis. Parfait.
55 euros
Château Montus, La Tyre 2019, madiran 98/100
Matière incroyablement noble et puissante, large volume, race absolu du grand vin, perfection du vin de Madiran, à l’épreuve d’un demi-siècle.
112 euros
Domaine Philippe Alliet, Coteau de Noiré 2019, chinon 98/100
Toucher de tannin satiné, soyeux et velouté, texture ample, fraîcheur immense et grande finale très délicate.
27 euros
Domaine du Clos Naudin, Réserve 2018, vouvray 97/100
Tension minérale très pure, bouche souveraine et finale montante radieuse et énergique. Véritable quintessence du domaine.
49 euros
La force tranquille de la coopération • Les rencontres du Clos-Vougeot • Peyrabon et La Fleur Peyrabon changent de main • L’Alsace à pleine vitesse • Le nouvel habit de Cointreau • L’île aux trésors • Chaque jour du nouveau, en voici six
Dans le vignoble
La force tranquille de la coopération
Les coopératives vinicoles sont de plus en plus un modèle de réussite. 33 d’entre elles sont membres de l’Union nationale de services des coopératives vinicoles (l’UNSCV). Salon professionnel, The wine rendez-vous organisé les 26 et 27 septembre à Paris par l’UNSCV est un parfait exemple de cette union qui porte haut et fort le vin français. « Ce salon est une réponse au confinement. Il fallait renouer avec les acheteurs nationaux et internationaux. Dorénavant, ce salon annuel a pour but de proposer à ces acheteurs l’accès à la production d’une vingtaine de coopératives en un seul lieu. Faire ce salon à Paris est devenu une évidence », précise Philippe Tolleret, président de l’UNSCV et directeur général de Marrenon.
112 appellations, 10 régions, 80 000 hectares de vignes représentés grâce à 19 maisons de vignerons et 350 vins.
Les rencontres du Clos-Vougeot
Ce rendez-vous annuel, organisé par la chaire UNESCO Culture et Tradition du Vin, se déroule du 29 septembre au 1er octobre au Clos de Vougeot. Le colloque est un lieu de dialogue et de partage des dernières découvertes scientifiques et historiques de la viticulture mondiale.
Au programme :
29 septembre : développement des cépages et de l’ampélographie
30 septembre : voyage, métissage et renaissance des cépages
1er octobre : adaptation des cépages au contexte environnemental actuel et futur
Ne ratez pas, le vendredi 30 septembre à 9h30, l’intervention de Michel Bettane sur le sujet du goût des cépages en dégustation et de la qualité des vins.
La famille Castéja, déjà propriétaire de plusieurs domaines à Bordeaux dont les cru classés Batailley et Lynch-Moussas, vient d’acquérir les château Peyrabon et La Fleur Peyrabon. Millésima, filiale du groupe Bernard, a cédé ces deux châteaux après la réalisation d’importants travaux de modernisation pour se consacrer désormais à l’e-commerce, son cœur d’activité.
L’Alsace à pleine vitesse
Sur le terrain ou en digital, les rendez-vous avec les vins alsaciens sont nombreux. Les amateurs de bons produits et de découvertes ont rendez-vous à Strasbourg avec le Street bouche festival les 17 et 18 septembre. Six producteurs ambassadeurs vous feront déguster toute une palette de vins. Le 21 novembre au Ground Control à Paris, professionnels et grand public sont invités à venir rencontrer les nombreux producteurs alsaciens présents et goûter leurs vins à l’« Alsace Rock ».
Après plus de 150 ans d’existence, la bouteille emblématique de la liqueur d’orange de Cointreau change. Pas de refonte totale, mais un nouveau look qui concerne principalement l’étiquette avec quelques changements sur la bouteille : lignes, prise en main, composition du verre. L’orange occupe désormais une place de choix sur l’étiquette. Ce changement vient couronner l’engagement environnemental de la maison. Deux tiers de verre recyclé en provenance de France composent désormais la bouteille.
L’île aux trésors
La bonne idée d’Édouard Carmignac, grand collectionneur d’art et propriétaire du domaine de la Courtade depuis 2014, est d’avoir donné les clefs du domaine à l’œnologue Florent Audibert en 2016. Après avoir fait ses armes chez Pibarnon, il a la charge de l’élaboration des vins. La Courtade est l’un des trois domaines de la magnifique île de Porquerolles. L’endroit est magique et le terroir est propice aux blancs. Le 2021 est une réussite. Il est désormais talonné par le rouge.
Domaine de la Courtade, côtes-de-provence blanc 2021, 28 euros sur lacourtade.com
En s’intéressant deux secondes au langage des haut-parleurs du vin (directeurs du marketing, attachés de presse de toutes natures, brand ambassadors, journalistes), on se rend compte que le vignoble est un débutant de la communication. C’est la règle, quand on commence, on reproduit ce qui s’est fait. Mettons qu’il n’y a nul besoin de repartir d’aussi loin en empruntant un langage des plus datés. Le meilleur exemple est l’infernal « cuvée de prestige ». Prestige ? Mais de quoi, de qui ? Ce mot usé jusqu’à la trame en devient transparent, c’est-à-dire invisible, inutile, bientôt laid. Ce n’est pas le seul.
ADN, dans la phrase : « L’ADN de la maison, c’est le pinot noir (ou le chardonnay, etc.) ». Mais non, mon garçon, l’ADN de ta maison, c’est la marge nette, rien à voir. Un mot pour un autre, la mise en perspective d’univers qui ne se croisent pas, c’est une hérésie. Sauf chez les ampélographes.
PASSION, dans la phrase : « Le succès de la maison, c’est…
Vignoble historique, fier de ses traditions jusqu’à sembler longtemps englué dans une routine médiocre, Saint-émilion s’est réinventé pour devenir le plus glamour des grands vins mondiaux. en magnum raconte la saga à rebondissements d’un cru singulier
Cet article est paru dans En Magnum #27. Vous pouvez l’acheter sur notre site ici. Ou sur cafeyn.co.
« Lors de la cérémonie du ban des vendanges, les jurats se réunissent et vont à la messe. Ensuite, ils défilent dans la ville, on procède à des intronisations. Dans l’après-midi, les jurats quittent le déjeuner, remettent leurs robes rouges et grimpent à la Tour du Roi. Il faut le faire, c’est raide. Depuis le haut de la tour, ils proclament le ban des vendanges. Lorsque les jurats sont là-haut, l’un d’entre eux, au pied de la tour, déclame au hasard le nom d’anciens jurats, disparus pour certains depuis très longtemps. Il y a beaucoup d’émotion. Pendant cet instant, il n’y a plus de familles, plus de vignerons, seulement des personnes qui font du vin ici. Chacun porte le même costume, toutes les différences sont abolies. La personne au micro énonce un nom, puis une date. C’est concret, c’est le souvenir de vraies personnes qui nous rattachent tous au même village, à la même histoire. Combien de familles n’étaient pas présentes dans ce village il y a cinq siècles ? Ça n’a plus d’importance. Même si vous êtes là depuis dix ans, vous portez le même costume, vous l’avez accepté. À ce moment-là, entre nous, là-haut, on se serre les coudes, on se tient proche les uns des autres. Le moment est fort. Après, on proclame le vin de Saint-Émilion. »
Les rues pentues de Saint-Émilion enchantent les touristes. À gauche, le Logis de la Cadène, auberge historique reprise par la famille de Boüard.
En racontant avec émotion et sensibilité ce moment fort de la vie des vignerons de Saint-Émilion, Blandine de Brier Manoncourt, propriétaire avec sa mère et ses sœurs du château Figeac, trace le portrait d’un terroir ancré dans l’histoire et la tradition, aussi en perpétuelle évolution. Comme poussées par le souffle épique d’un Homère, magnifiées par la verve poétique d’un Ovide, l’odyssée et les métamorphoses de Saint-Émilion se sont enchevêtrées depuis une trentaine d’années pour faire de cette appellation un cas à la fois unique et exemplaire, spectaculaire, de la civilisation contemporaine du vin. Tout est là. L’aventure, le sublime, le mythe assurément, les modes, les caricatures aussi. Le vignoble et son village indissociable remplissent tous les critères du genre. Dédiée à la culture de la vigne dès l’Antiquité, classée au patrimoine mondial de l’Unesco au début de ce millénaire, entrée depuis maintenant plus d’une génération dans la course folle à la performance, l’appellation a vu son destin basculer dans la légende depuis le début du XXe siècle.
Rien ne destinait ce village paysan à devenir la traduction viticole du mot désir. Absent du classement des vins de la Gironde de 1855, celui de Saint-Émilion est passé de l’oubli à la gloire en moins d’un demi-siècle. Cela se résume par un chiffre, douze millions. Le prix, en euros, de l’hectare du vignoble du château Beauséjour Duffau-Lagarosse, acquis par le groupe français de cosmétiques Clarins en avril 2021. Montant de la vente : 75 millions pour quelques six hectares de vignes, certes d’excellente situation. Si l’affaire a fait les gros titres, la transaction ne fait qu’attester haut et fort du sex-appeal de la cité médiévale, où « combien ? » ne fait plus partie des questions essentielles. Avec ses échanges fonciers records, la course à la valorisation de ses vins cultes, les ambitions des anciennes familles, des investisseurs institutionnels, des nouveaux venus ou de ses self-made men géniaux, le village peut parfois prendre des airs d’univers impitoyable. Et, à Saint-Émilion comme ailleurs, l’épopée peut laisser place à la comédie, voire au fabliau, avec ses personnages fantasques, ses intrigues et sa morale parfois douteuse. À un détail près, essentiel dans la compréhension de ce vignoble. Le village réunit quantité de compétiteurs qui partagent la même quête :atteindre le sommet de la qualité et s’y maintenir.
Dans l’un des premiers numéros de En Magnum, dans la bien nommée rubrique « psychanalyse de terroir », Michel Bettane revenait, dans un article intitulé La passion selon Saint-Émilion, sur le sort de ce microcosme si particulier en détaillant les subtilités de son terroir et les liens des destins qui s’y croisent. Depuis, la concurrence entre les crus s’est intensifiée, exacerbée par la révision du classement prévue en 2022, contribuant à un niveau de qualité encore jamais atteint. Bref, la situation invitait à faire le point sur cette épopée et sur la vie des femmes et des hommes qui entretiennent son mythe. En voici le récit. Il commence par un gel terrible et une crise qui s’installe.
Le grand bouleversement
À Bordeaux, le début des années 1990 contraste violemment avec les trois dernières années que le vignoble a connues. Les trois glorieuses (1988, 1989 et 1990) ont permis aux propriétés et aux négociants d’enfin s’enrichir. La météo met fin à la période d’excitation naissante que tout le monde espérait durable. Avril 1991, le gel. Catastrophique et sinistre. Un article du Monde, daté de l’époque, constate les dégâts : « Un coup de gel printanier, le plus meurtrier depuis 1945. Dans la nuit du 20 au 21 avril, une masse d’air froid nordique à -8° degrés s’abattit sur des vignes dont la végétation avait pris un départ rapide, avec un débourrement précoce, grâce à un début de printemps plus chaud que la normale. Le lendemain, un soleil radieux décongela les bourgeons gelés, les faisant éclater. Ce fut un désastre avec des chutes de rendement de 70 % à 80 %, surtout à Saint-Émilion, où la précocité du cépage merlot infligeait une lourde pénalisation ». Premier coup dur.
Dans le même temps, depuis le printemps 1990, au Moyen-Orient, les États-Unis (et une coalition de plus de trente pays) font la guerre à l’Irak de Saddam Hussein qui vient d’envahir le Koweït. Le pétrole s’enflamme, le cours de l’or noir flambe et dégringole, l’économie mondiale s’effondre. Outre-Atlantique, la bonne santé commerciale affichée par les vins de Bordeaux dégénère. Le marché vacille. Les dernières années excellentes ont poussé les propriétés à investir pour se moderniser. C’est le cas à Saint-Émilion. Thierry Desseauve, alors rédacteur en chef de La Revue du vin de France se souvient : « Il faut bien se rendre compte à quel point ces années sont dramatiques. Le négoce n’avait pas de plan de secours. Grâce à ces trois millésimes glorieux, les vins commencent à bien se vendre. Les prix sont à la hausse, le marché américain est demandeur. Avec 1991, il n’y a plus rien de disponible, et puis tout s’arrête ». La suite n’est pas réjouissante, 1992 arrive avec sa météo pluvieuse. Les vendanges pourries plombent Bordeaux. Médiocres, les millésimes 1993 et 1994 ne sont pas à la hauteur d’un marché exigeant, désormais habitué à un certain standing. Abattues, certaines familles baissent les bras.
La course à la modernité. De haut en bas, Cheval Blanc, Château Pavie, Château Figeac.
Mais, dans la géhenne de ces « petits » millésimes, quelques vins de Saint-Émilion tranchent et attirent l’attention de la critique. Dans cette période difficile, la plupart des propriétés commencent à montrer de sérieuses limites en matière de viticulture. « C’est le moment où l’on se rend compte que certains ont commencé à se mettre au travail et à redonner une définition aux vins », insiste Desseauve. Des vins faits avec des raisins mûrs et sains, vus d’un mauvais œil par les familles historiques, secouées par l’avènement de ces vignerons talentueux, bien plus concernés par les travaux de la vigne. Au sein des familles, les tensions s’accentuent, on s’affronte sur le terrain des idées et du goût juste. L’interview d’Hubert de Boüard, à lire un peu plus loin dans ce dossier, donne une idée assez juste de cette période faite de doutes et de schismes. Interrogé sur le sujet, Michel Bettane résume : « Tout ce riche matériau humain se divise en clans rivaux, parfois jaloux, confortés dans leurs certitudes par une presse souvent partisane et mal informée, qui se plaît à opposer les « classiques » continuateurs d’un type de vin conforme à une tradition, le plus souvent inventée ou fantasmée, et les « internationalistes », corrupteurs du style classique par désir de plaire à certains prescripteurs, américains de préférence, dont le mauvais goût s’accorderait à de nouveaux consommateurs sans culture ». Lors du millésime 1995, la critique française et internationale sonnera le glas de ces « vins en dentelle, maigres et décharnés que certains faisaient passer pour des vins fins et élégants », s’amuse Thierry Desseauve. Le profil du vin est profondément remis en question. Ce qui se traduira, des années plus tard, par cette multiplication des styles, aujourd’hui plus respectueuse de la diversité des terroirs de Saint-Émilion.
Depuis le milieu des années 1980, le Médoc s’est ouvert en se lançant dans des projets spectaculaires. À Saint-Émilion, les observateurs ont parfois l’impression que rien n’a bougé depuis le XIXe siècle. Dans ce pays où la bourgeoisie de campagne vit en autarcie, le vin n’est pas vraiment une préoccupation. Peu de gens se posent des questions, à l’exception d’un petit groupe de vignerons talentueux qui bouscule les pratiques, au tournant de la décennie suivante. Sa vision ? Une conception commune de la qualité et l’envie d’élaborer un grand vin, respectueux des terroirs dont on commence à prendre la pleine mesure. Sa source d’inspiration ? Thierry Manoncourt.
Le grand homme partage tout
Disparu en 2010, laissant Saint-Émilion orpheline de son aura et son talent, le propriétaire du château Figeac a changé la face du vin de Bordeaux. Entre autres faits d’armes, Manoncourt est celui qui a fait basculer la viticulture de Saint-Émilion dans la modernité. L’appellation doit beaucoup à ce jeune homme de bonne famille, « envoûté » par Figeac au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Sa fille Blandine de Brier Manoncourt raconte son parcours. « Il revient de captivité en 1943. Ses parents lui annoncent que sa grand-mère, propriétaire de Figeac, est décédée et lui demandent d’aller voir s’il y a quelque chose à en faire. À l’époque, même les crus les plus renommés sont des gouffres financiers. Lui ne sait rien sur le vin et ne connaît pas bien l’endroit. Il sent pourtant qu’il y a beaucoup de potentiel dans ce lieu. Mais sa priorité reste de faire des études d’agronomie. C’était sa vocation. Il voulait travailler pour un ministère, par exemple. Personne ne faisait ce genre d’études pour devenir agriculteur. Il est diplômé en 1947. Ses parents ont besoin d’aide à la propriété. Le vieux régisseur qui s’en occupe est décédé. Il faut monter une équipe, relancer Figeac. À ce moment-là, il accepte de les aider, seulement pour une année. Il n’est jamais reparti. Il s’est passé quelque chose, une sorte de révélation. » Toutes les personnes que nous avons rencontrées pour réaliser ce dossier ont eu une pensée admirative à l’évocation de Thierry Manoncourt. Un mot est souvent revenu pour décrire sa personnalité : « intuition ». Pour beaucoup, il a été le premier propriétaire à pressentir que son cru pouvait faire l’un des plus grands vins du monde. Une ambition rare pour l’époque.
Dès son arrivée, sa science agronomique le pousse à restructurer le vignoble. Il innove, utilise à grande échelle des produits phytosanitaires pour ne pas produire des raisins pourris et, en matière de savoir vigneron, prend de l’avance sur tout le monde. Le gel de 1956 le coupe dans son élan et l’oblige, lui et son épouse Marie-France, à replanter près de la moitié du vignoble dans les années qui suivent. Elle se souvient : « C’est l’année de mon mariage. Nous avons commencé notre vie commune à Figeac par cette épreuve redoutable, nous n’avions plus d’argent ». Devant l’adversité, le couple rebondit, met en place une autre forme de culture, réfléchit, fait de l’élevage pour reposer la terre, construit une ferme, s’interroge, avance. Le tout sous l’œil critique des habitants du village qui se demandent ce que ce Parisien, « toujours en cravate et en veste sur son tracteur », est en train d’inventer. « Ce qu’il voulait par-dessus tout, c’était faire rayonner la science. Le monde politique ne l’intéressait pas », explique sa fille. « Il avait cette idée que s’il avait reçu quelques dons, quelques qualités, il devait les mettre au service des autres. C’était sa vision de la vie. » Fort de cette volonté, Figeac s’engage alors au cœur du collectif de Saint-Émilion, place que le cru n’a plus quittée, même ces dernières années où l’exceptionnelle qualité des millésimes produits et la perspective du classement de 2022 auraient pu l’inviter à prendre ses distances avec la vie parfois agitée de l’appellation. Au-delà de ses connaissances agronomiques et de son charisme, Thierry Manoncourt a ouvert des portes dans lesquelles la gestion actuelle de la propriété n’a pas manqué de s’engouffrer, avec le succès qu’on lui connaît.
Femmes de tête
À la fin des années 1980, certaines personnalités du village sont en profond désaccord avec ces vieilles familles qui ne se posent jamais de questions. Une femme incarne cette révolution. Alors régisseur du château Pavie-Macquin, l’expérimentée Maryse Barre, acharnée de travail et catholique dévote, semble avoir trouvé dans la biodynamie les réponses aux nombreuses questions qu’elle se pose sur le sujet des pratiques culturales. Associant pragmatisme et idéalisme, elle met en regard l’idée du grand vin en lien avec son lieu de naissance. Selon Thierry Desseauve, « elle a fait prendre conscience à beaucoup de gens dans l’appellation de l’importance des terroirs ». Elle réussit l’exploit de relever la propriété, alors quasiment en ruines, remet en état un vignoble en mauvais état, sans beaucoup de moyens, avec l’aide de Stéphane Derenoncourt, jeune recrue dont elle perçoit le potentiel. Disparue au début de l’année 2022, injustement sous-estimée, Maryse Barre a sans doute laissé une trace indélébile dans l’histoire de Saint-Émilion, inspirant bon nombre des meilleurs vignerons dès le début des années 1990. Ce sont eux qui vont faire basculer l’appellation dans une autre dimension.
Une autre femme bouscule les habitudes avec une étonnante force de conviction. Sous des allures évanescentes d’héroïne proustienne, Christine Valette s’est mis en tête de faire le meilleur vin possible sur son terroir de Troplong-Mondot. Aidée par Michel Rolland qui commence tout juste à se faire un nom dans le village, elle élabore ce qui sera rapidement perçu par le public américain comme le modèle absolu du saint-émilion de l’époque. Puissant, extrait, issu de raisins mûrs, élevé dans du bois de première qualité, Troplong n’en garde pas moins un fort lien d’appartenance à son terroir. Pour beaucoup dans la réputation du cru, le vin inventé par Christine Valette écrase littéralement les vins « maigrelets » qu’on trouvait ailleurs et pousse dans leurs retranchements bon nombre de propriétaires immobilistes qui ne nourrissaient aucune autre ambition que de réussir à vendre leurs vins, peu importe la qualité.
Trente ans d’histoire 1. De gauche à droite, Pierre-Olivier Clouet, Pierre Lurton et Nicolas Corporandy dans le chai de Cheval Blanc. 2. Christine Valette dans les vignes de Troplong-Mondot en 1992 3. Hubert de Boüard et Michel Bettane 4. Thierry et Marie-France Manoncourt 5. Michel Bettane et Robert Parker 6. Jean-Luc Thunevin et Muriel Andraud aux débuts de Valandraud 7. Chantal et Gérard Perse 8. Michel Rolland à Fontenil
D’autres encore bousculent les convenances d’une époque surannée. « C’était une génération vraiment surprenante », s’enthousiasme encore aujourd’hui Michel Bettane. « À Ausone, au cœur d’un conflit familial, le jeune Alain Vauthier cherche à imposer sa vision du grand vin. Au château Angélus, Hubert de Boüard nourrit la même ambition et bouscule son père qui dirige la propriété avec un intérêt limité pour les vignes. Il convainc sa famille de sa vision du grand vin. L’artiste François Mitjavile, les frères Bécot, etc., on sentait bien qu’il se passait quelque chose de formidable. » La raideur disparaît, le tannin s’arrondit, les vins deviennent plus moelleux, plus confortables à boire. Outre-Atlantique, ce type de vin plaît. Rapidement, le public américain, conseillé en ce sens par Robert Parker, se met à les adorer. Bientôt dans le village, l’heure est au rajeunissement et aux nouveaux venus. « Le village voit débarquer dans ses vignes un jeune comte élégant, fin et drôle, qui s’est mis en tête de faire voler en éclats les conventions un peu rigides de l’époque », s’amuse Thierry Desseauve. Dans cette bande, Stephan von Neipperg est celui qui comprend le plus tôt l’importance de la communication, décisive pour accompagner ce moment d’ébullition créative et donner du crédit à cette appellation qui recommence à faire parler d’elle. C’est ce qu’il met en place pour son cru Canon-la-Gaffelière. Malgré tous les efforts de cette nouvelle génération pour aller plus loin, l’appellation continue d’être engluée dans une torpeur d’une autre époque. Lié sans doute à un classement encore conservateur et rigide, consacrant de vieilles réputations plus que la course vers l’avant de vignerons novateurs et enthousiastes, l’immobilisme règne, les lignes ne bougent pas, les prix sont figés.
Jean-Luc Thunevin (encadré page 46) va tout changer. Vin de garage, vin de jardinier, tout a été dit et écrit sur le saint-émilion de Valandraud. Sauf peut-être l’essentiel. Faire ce que Murielle et Jean-Luc Thunevin ont fait sur le terroir excentré de Saint-Étienne-de-Lisse, aux confins est de l’appellation, relève du prodige. À l’époque, seules sont considérées comme étant le vrai terroir de Saint-émilion les vignes situées dans le village, sur le plateau partagé avec Pomerol et sur les deux flancs de la côte qui enserrent le village. Tout le reste, les terroirs de sable des environs de Libourne, le pied de côte et la plaine du sud de l’appellation et, bien sûr, toute la partie orientale sont considérés comme secondaires. Sorti de nulle part, Thunevin produit un grand vin, encensé par Bettane et Parker, dans un volume incroyablement limité. Et le vend au prix d’un cru classé. Rastignac saint-émilionnais, il incarne avec Valandraud – devenu premier grand cru classé sans passer par l’étape cru classé – la force du classement. Un tremplin formidable pour les plus méritants et la possibilité de passer outre toute forme de déterminisme social, conformément à l’esprit égalitaire des appellations d’origine contrôlée. Dans les années 1990, Saint-Émilion entre véritablement dans une nouvelle ère. La transformation œnologique s’accentue, le consulting proposé par Michel Rolland commence à se généraliser. Partout dans les propriétés, on veut du raisin mûr, des beaux merlots riches sans avoir à les chaptaliser, des bois de qualité pour donner ces arômes torréfiés qui plaisent tant aux consommateurs américains. Le modèle change. Saint-Émilion commence à prendre conscience de ses terroirs et de son pouvoir de séduction.
La folie critique
Le millésime 1995 permet aux propriétés de Saint-Émilion de retrouver le moral. Abondante et d’excellente qualité, la récolte de l’année permet de partir à la reconquête d’un marché américain de plus en plus vigilant sur la qualité. Le rôle de la presse spécialisée a de plus en plus d’importance. Les conséquences de la crise économique de 1991 sont brutales. Les faillites de revendeurs s’enchaînent aux États-Unis et de nombreux stocks de millésimes antérieurs restent bloqués dans les entrepôts et dans les containers. Le négoce brade ces encombrants « retours d’Amérique » à des prix cassés. La grande distribution s’empresse de les acheter pour les revendre lors d’opérations spéciales et leurs foires aux vins tournent alors à plein régime. Les acheteurs ont besoin d’expertise et de notes pour s’y retrouver, comme l’explique Thierry Desseauve : « Paradoxalement, ces méventes permettent à la critique française de décoller. Il y a beaucoup de vins sur le marché. Les notes commencent à avoir de l’importance ». Les vins de Saint-Émilion n’échappent pas à la mise en place de cette hiérarchie du bon goût. Le fossé se creuse entre les crus. Un certain nombre de valeurs sûres et historiques périclitent devant les progrès des propriétés engagées sur la voie de la modernité. Ce qui accentue la méfiance des vieilles familles traditionnelles. Sans possibilité ou envie de s’inscrire dans la course au grand vin, elles commencent à vendre. La vie du village, figée depuis les années d’après-guerre, se désorganise. Des tensions apparaissent. On agace son voisin en se positionnant sur telle ou telle opportunité de s’agrandir, on aiguise les jalousies en obtenant une excellente note dans un guide reconnu.
Au début des années 2000, ces changements sont significatifs. Le système Parker est à son apogée. Une bonne note de la part du « Ralph Nader du vin » (du nom d’un avocat ardent défenseur des droits des consommateurs, NDLR) revient à tout vendre dans la demi-heure aux États-Unis. À Saint-Émilion, le style des vins évolue, on abandonne la diversité de goût au profit d’une vision plus monolithique que le marché international plébiscite. Une flopée de nouveaux crus, souvent microscopiques, émergent au tournant du siècle, sollicitant et obtenant parfois des notes maximales lors de dégustations « en primeur » qui prennent alors l’allure d’un festival de Cannes du vin, avec défilé de starlettes et excès œnologiques en tout genre. C’est l’apogée des vins de garage, qui bousculent un temps les hiérarchies. Déjà quelques réticences s’expriment. On cherche le responsable qui a corrompu le vin pur de Saint-Émilion. On regarde du côté des consultants et, de manière abusive, on accuse Michel Rolland. Les vins qu’il élabore, corsés et puissants, sont au goût de Parker. Ils se vendent. Cette période de lutte d’influence dans le village s’accompagne d’un évènement qui va changer durablement le visage de l’appellation, achevant de la faire passer du glamour à un niveau de séduction encore supérieur, celui du luxe.
Cheval Blanc est en vente
Désormais ouvert sur le monde, le village de Saint-Émilion intéresse les amateurs et les curieux. De plus en plus nombreux, les touristes se pressent pour visiter son riche patrimoine architectural, et goûter son vin et ses macarons. Sa notoriété planétaire atteint son apogée avec la vente du château Cheval Blanc, cru parmi les plus célèbres de tout le Bordelais et propriété durant un siècle et demi de la famille Fourcaud-Laussac. Un duo en fait l’acquisition en 1998. Le financier belge Albert Frère et Bernard Arnault. L’arrivée du patron de ce qui devient vite le premier groupe mondial de luxe, LVMH, marque le début d’une nouvelle période pour la vie de l’appellation. Venus de tous les horizons, des investisseurs fortunés sont attirés par la présence de l’homme d’affaires français et cherchent des vignes. Le monde fermé de Saint-Émilion déploie à bras ouverts son capital. La plupart des propriétés, dont la gestion restait encore familiale, bascule dans l’univers des grandes entreprises. L’ensemble des métiers de la vigne et du vin se professionnalisent. Les crus investissent massivement, commencent à construire des chais pharaoniques, signés par des architectes fameux, engagent de jeunes et brillants œnologues et agronomes pour prendre en charge la partie technique, s’adjoignent les conseils et les analyses de consultants brillants, les Rolland, Derenoncourt, Dubourdieu, de Boüard, plus tard Thomas Duclos. La cité s’ouvre au tourisme de masse. Le moment est décisif dans l’histoire récente, impliquant des changements économiques et structuraux fondamentaux.
Après un long combat, Alain Vauthier prend le pouvoir à Ausone en 1997. Le self-made man Gérard Perse arrive à Pavie en 1998. Tous deux signent aussitôt des vins réussis qui deviennent des références stylistiques pour l’appellation. Jean-Luc Thunevin explique avoir vu débarquer des « compétiteurs qui n’étaient pas là pour faire de la figuration ». Dans l’optique des classements de 2006, puis de 2012, les propriétés se répondent coup pour coup dans leur volonté d’élaborer le plus grand vin possible. L’importance du terroir, un peu mise de côté lors de la prédominance du goût Parker, revient sur le devant de la scène. Les directions générales et techniques des crus s’emparent des questions liées aux pratiques culturales, au cœur des attentes du marché. On pousse plus loin les recherches liées à la géologie, on reconstruit des terroirs historiques, on défriche des zones reculées, on morcèle et découpe à l’extrême les parcellaires. Le modèle bourguignon s’installe.
François Despagne, propriétaire et vigneron du château Grand Corbin-Despagne, s’interroge sur ce changement de mentalité : « Faire du vin ici est devenu une affaire de passionnés. Autrefois, les gens n’étaient pas impliqués et faisaient ça par défaut. De nos jours, ce n’est plus possible, autant vendre la propriété. Depuis dix ans, on sent que l’appellation se remet tout le temps en question. Il y a plus de passion que dans la génération de nos parents ». À mesure que les familles historiques deviennent moins nombreuses, les nouveaux venus s’impliquent et se mettent au service du vin. « Ici, on se prend au jeu. Au bout d’un moment, on aime ça, on aime être en concurrence avec des produits aussi spectaculaires et des vignerons aussi doués. Les gens qui viennent tombent amoureux de l’appellation. Tout ce monde se croise et vit ensemble, sur place, dans les châteaux, dans le village. Les propriétés qui fonctionnent le mieux sont gérées par des gens qui sont viscéralement attachés au village. »
Saint-Émilion et son clocher, sans doute l’un des plus beaux villages viticoles de France.
L’arrivée de tous ces investisseurs étrangers a permis à Saint-Émilion de trouver un second souffle. Venus concurrencer les familles historiques sur leurs terres, ils ont contribué grandement à la réputation du vin et à faire de l’appellation ce qu’elle est aujourd’hui. Moins évidente, leur implication dans la vie du village est en revanche plus difficile à mesurer. Si le tourisme de masse a quelque peu étouffé l’ancienne vie authentique et locale, certains regrettent également la disparition des formes de collégialité qui ont fait la grandeur collective de l’appellation, incarnée de manière triomphale par la Jurade de Saint-Émilion.
Un nouveau paramètre s’est invité dans l’ébullition permanente de Saint-Émilion. Le climat et ses transformations. Durant les décennies 1990 et surtout 2000, le réchauffement global associé à des pratiques culturales innovantes a provoqué la fin de la chaptalisation, puis l’augmentation des degrés, en particulier ceux du précoce cépage merlot. À la fin des années 2000, le glorieux et très opulent 2009 fait réfléchir. Certains se rappellent alors que leur encépagement traditionnel comporte une part non négligeable de cabernet franc, parfois même de cabernet-sauvignon. Le « bouchet », comme on appelle le cabernet franc dans la région, avait une réputation paradoxale, celle de ces cépages tardifs qui savent, lorsqu’ils sont mûrs, donner un éclat et un dynamisme incomparables au vin. Autrefois, la bonne maturité arrivait une année sur cinq. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Saint-Émilion est donc entré dans une nouvelle phase de ses métamorphoses, où les mots « fraîcheur », « éclat », « pureté », « croquant » tiennent le haut du pavé. Au-delà de cet énième rebondissement stylistique, il faut voir ici l’effort permanent d’un vignoble et de ceux qui l’incarnent de se réinventer. Ce n’est pas rien.
Le classement est mort, vive le classement
Nous ne pouvions refermer ce récit sans aborder la délicate question du classement. Pas question de nous risquer au jeu des pronostics. Depuis 2012, on pourra se faire une idée de notre appréciation en consultant librement l’ensemble des notes que nous attribuons à chacun des crus engagés dans la démarche. Né de l’esprit révolutionnaire des appellations d’origine contrôlée, ce classement devait permettre, selon son intention originale, de présenter une hiérarchie solide entre les crus, discutable tous les dix ans selon la qualité affichée. Idée d’autant plus fabuleuse que, comme le rappelle Michel Bettane, elle reposait sur « la sportivité d’une collectivité de producteurs acceptant de soumettre au jugement de la nation la qualité individuelle de leurs produits. Ce qui contraste avec les palmarès inamovibles de tous les autres secteurs prestigieux du Bordelais ». Sans doute, ce postulat de départ a été mis à mal par la brutale montée en puissance de Saint-Émilion et la découverte de son fort potentiel de valorisation. Saint-Émilion est une appellation compliquée. Les enjeux politiques ont façonné son identité. Ainsi, les liens entre les paroisses qui dépendaient de l’église du village et la mise à l’écart pendant longtemps de celles qui n’en dépendaient pas se sont traduits, côté classement, par un rejet (jusqu’au dernier classement) de tous les crus périphériques. Parmi toutes les raisons possibles aux tensions et aux non-dits que chaque nouveau classement vient réveiller, le découpage de la première aire géographique de l’appellation a probablement frustré les plus puissantes et les plus vieilles familles du village, sceptiques quant à l’intégration dans le décret de toutes les autres communes. Michel Bettane détaille : « Elles ont profité de cette première classification pour faire un palmarès à l’intérieur de l’appellation grand cru. Seuls les meilleurs terroirs de l’appellation pouvaient prétendre à un rang de cru classé. Or, à l’exception de Larcis-Ducasse situé dans le prolongement de la côte Pavie, tous les premiers crus classés promus en 1955 sont situés sur la commune de Saint-Émilion ». Un entre-soi mal digéré par tous les autres crus qui nourrissaient l’envie d’accéder au rang supérieur.
Pourtant, pour la majorité des producteurs de l’appellation, la force d’attraction de ce classement ne s’est jamais démentie, même au plus fort des crises judiciaires. Bien sûr, le retrait récent des candidatures des châteaux Ausone, Cheval Blanc et Angélus – trois premiers crus classés A – sème le doute. Pour autant, le classement a moins de plomb dans l’aile qu’on aimerait le faire croire. La volonté de produire des grands vins et la valorisation qui les accompagne sont encore très liées à la possibilité d’y être promu et à son principe de révision. On lui doit, en partie, la qualité exceptionnelle des vins ces dix dernières années. Comment expliquer autrement cette émulation réunissant autant de talent, de savoir-faire vigneron, de compétence œnologique, d’intelligence commerciale, de stratégies d’entreprises, de consultants géniaux et d’agronomes brillants ? Au fond, Saint-Émilion est à l’image de la société française, écartelée entre un héritage rural commun à défendre urbi et orbi et la liberté individuelle toujours plus forte d’entreprendre et de réussir. Prions pour que ce génie sans commune mesure ne se perde pas dans les basses besognes essentielles des procédures et sous les coups fourbes de ceux qui ne sont pas capables d’en saisir la grandeur. Celle-ci contribue à faire de la civilisation du vin une civilisation vivante.
L’avis de notre expert Système U est le sixième réseau français de distribution. Sa singularité vient de ses origines. Un commerçant de Loire-Atlantique crée au XIXe siècle un des premiers réseaux d’achats en commun qui deviendra la coopérative Unico. En 1982, le groupement invente « Système U » – Système comme celui de la coopérative et U comme Unico – pour fédérer ses enseignes.
Le réseau de 1 600 magasins a conservé cet esprit de groupe qui se retrouve dans les sélections de la foire aux vins. S’il existe une équipe nationale dédiée aux achats de vins, chaque région dépêche également des adhérents qui connaissent le terrain pour former les équipes de dégustation et de sélections. Chaque vignoble est dégusté par six à huit personnes. Au final, plus de 5 000 vins dégustés pour 720 sélectionnés.
En progression constante Les enseignes U ont dépassé les 50 millions de chiffre d’affaires en 2021. Le consommateur s’y retrouve. Comme dans toute enseigne de grande distribution, les acheteurs sont vigilants sur les prix. L’organisation et le maillage territorial permettent à U de faire un vrai travail de sélection qualitative et d’entretenir des relations avec les producteurs qui ne sont pas uniquement de l’ordre du registre économique. Crucial une année comme 2022 puisque la récolte 2021 a été faible. La foire U est très éclectique et couvre bien tout le territoire. Les amateurs de bordeaux y trouveront naturellement leur compte, mais l’enseigne a des propositions intéressantes dans tous les vignobles et a fait un focus cette année sur les vignobles de la Méditerranée.
Sur le terrain dans la durée Nous avons pu assister à une journée de dégustation au Conseil Interprofessionnel d’Alsace. Journée de travail intense où les vignerons se succèdent toutes les dix minutes pour présenter leurs vins. Pas le temps de papoter, mais la garantie que tous les vins sont goûtés.
Les acheteurs présents, dont Renaud Guerre-Genton, chef de groupes vins et effervescent, et Vincent Bacquet, associé à Boofzheim et fin-connaisseur, se retrouvent pour délibérer sur les 140 échantillons dégustés. Une vingtaine de vins seront retenus, avec un ratio national d’un vin retenu sur cinq à sept dégustés. Certains vins dits « classiques » vont en sélection nationale et des références plus pointues viennent étoffer l’offre locale. Guerre-Genton précise que « le consensus se fait assez facilement. Je ne sais pas si on a développé un palais U avec le temps, mais on est sur la même longueur d’onde. »
Autre spécificité, « on ne tape pas du prix, du prix, du prix. Les clients nous font confiance. On peut avoir du premier prix sans tirer tout le monde vers le bas. On peut aussi proposer des appellations plus valorisées, mais qui permettent de récompenser un vrai travail de vigneron. »
Ce que confirme le passionné Xavier Baril, œnologue et mari de Sandrine Engel. « Notre domaine Fernand Engel marche bien. 65 hectares en bio en Alsace, il y en a peu. On est leader sur les liquoreux. En Angleterre j’ai fourni 25 000 bouteilles d’un vin qui a été noté 95 sur 100. On intéresse les acheteurs car on peut sortir des produits de qualité en quantité. Ce que j’aime avec Système U c’est qu’ils sont fidèles. S’ils accrochent au produit, s’ils voient que vous êtes réguliers, ils vont vous prendre de nouvelles cuvées, augmenter les quantités. Avant, on ne faisait que de la foire aux vins avec eux. Maintenant on a des vins référencés toute l’année. On construit une relation. Et c’est de la notoriété croisée. La grande distribution fait souvent peur aux vignerons, mais Système U m’a rendu visible, et je leur envoie aussi des clients. C’est une belle enseigne. »
Les dates Jusqu’au 8 octobre
Nos préférés
Alsace Domaine Fernand Engel, Pinot gris sélection de grains nobles, alsace 2015 Domaine familial de 65 hectares qui perpétue la tradition des liquoreux d’Alsace. Nez intense de coing. Bouche enveloppante qui n’en finit jamais. Prix attractif. Et en plus c’est bio.
15,95 euros
Beaujolais Domaine Anita, Aux Michelons, moulin-à-vent 2021 Anita Kuhnel, installée depuis 2015 à Chénas, produit des vins sérieux. La preuve avec ce moulin-à-vent fermé au nez, à la bouche serrée et au potentiel évident. À garder quelques années. Vu le prix, il faut foncer.
8,95 euros
Bordeaux Château de Rouillac, Le Baron de Rouillac, pessac-léognan 2019 Laurent Cisneros achète le château de Rouillac en 2010 et relance cette propriété de 36 hectares. Elle est classée Hauve Valeur Environnementale de niveau 3. Mélange de cabernet sauvignon et de merlot, ce Baron est plaisant à boire, équilibré, sans boisé ou alcool excessif.
12,95 euros
Bourgogne Domaine Julie Belland, maranges premier cru La Fussière 2020 Julie a rejoint son père Roger sur le domaine familial de 23 hectares à Santenay. Joli nez ouvert qui donne envie. La bouche est complète, enrobante, avec une bonne longueur. Excellent pinot noir de Bourgogne à prix raisonnable.
22 euros
Champagne Charles Bossonge, champagne Blanc de blancs. Vincent Gonet et Davu Sulcova ont leur propre domaine. Charles Bossonge est leur marque installée à Epernay. Nez de mie de pain, assez gourmand. Bouche directe, dense et droite. Un champagne facile et séduisant.
18,28 euros
Loire La Roulerie, Cep by Cep, anjou 2021 Le bordelais Philippe Germain s’est installé au Château de la Roulerie dans le Layon. Ce chenin élevé en barriques sent intensément les fleurs blanches et le lys. La bouche est droite, parfumée et subtile. Bon et bio, à un prix défiant toute concurrence.
5,50 euros
Domaine des Bouquerries, Tradition, chinon 2021 Jérôme Sourdais représente une famille installée depuis quarante ans à Cravant-Les-Côteaux. Nez dense et profond, avec un joli fruit. La bouche est aromatique et droite, avec une bonne longueur. Un cabernet franc de Loire bien positionné.
6,50 euros (+ remise par six bouteilles)
Rhône Domaine des Carabiniers, Lunar Apogée, lirac 2021 Fabien et Magali Leperchois ont repris le domaine des Carabiniers. Ils ont donné le nom Biodynamic Wines à leur société. Nez équilibré, arômes de café et de moka. La bouche est riche et reste droite. La biodynamie apporte de l’acidité. Joli vin.
11,30 euros
Domaine de la Présidente, cairanne 2020 Domaine familial qui exploite 40 hectares en AOC cairanne. Le nez est gourmand et prenant. La bouche est caressante, équilibrée, séduisante. Jolie fraîcheur pour un vin sudiste.
5,95 euros
Savoie Domaine Philippe et Sylvain Ravier, savoie Apremont 2021 Sylvain a rejoint son père Philippe en 2004. Le domaine a grossi à trente hectares. Le nez est parfumé, légèrement grillé. La bouche est vive, droite, parfaite pour réveiller les papilles avec du fromage ou des poissons en sauce.
6,20 euros
Le Nouveau Bettane+Desseauve 2023 • Vignobles Bouygues, nouvelle gouvernance • Le guide des vins bio 2023 • Un beau cliché champenois • Orange comme macération • Le whisky du chef • Chaque jour du nouveau, en voici six
Dans le vignoble
Le Nouveau Bettane+Desseauve2023
Notre grand guide, tant attendu, est enfin dans toutes les bonnes librairies. A mi-chemin entre un beau-livre et un magazine, cette 15e édition est encore plus riche et plus belle avec une ligne éditoriale qui reflète au mieux l’évolution du monde du vin. « Fort de l’expertise qui a fait le succès et la renommée de son guide éponyme, l’équipe de dégustateurs et de journalistes autour de Michel Bettane et de Thierry Desseauve célèbre le vin dans une version remaniée et contemporaine. La quête initiale du duo n’a pas changé : rechercher les vins de qualité, de toutes les appellations et à tous les prix, pour tous », précise Louis-Victor Chavet, rédacteur en chef.
La promesse est bien là. Immersion totale dans le vignoble grâce aux portraits, aux entretiens, aux reportages, aux conseils, aux études de terroirs, aux coups de cœur et aux bonnes notes, sans oublier les adresses gastronomiques sélectionnées par le guide Lebey. « Le vin offre une profusion de bonheurs variés, petits et grands, amplifiés bien sûr par la gastronomie. Cette nouvelle édition célèbre ou révèle le TOP des grands noms et des futurs grands noms, tout en racontant avec plus d’analyse les histoires du vignoble, la beauté des lieux et le talent de ceux qui les cultivent et les incarnent », explique Thierry Desseauve. Un livre 100 % plaisir à lire toute l’année. Le Nouveau Bettane+Desseauve 2023, Édition Flammarion, 360 pages, 19,90 euros
Vignobles Bouygues, nouvelle gouvernance
A partir du 1er octobre 2022, Pierre Graffeuille succèdera à Hervé Berland en tant que directeur général de SCDM Domaines, l’entité dédiée aux activités viticoles et agricoles de la holding familiale de Martin et Olivier Bouygues. Il pourra compter sur le soutien de Charlotte Bouygues, récemment nommée directrice stratégie et développement. « Je suis très heureux que Pierre Graffeuillenous rejoigne. Je lui souhaite un plein succès dans ses nouvelles fonctions. Je tiens aussi à remercier chaleureusement Hervé Berland pour tout le travail réalisé au cours de ces dix années passées à nos côtés. Hervé a joué un rôle majeur dans le développement de SCDM Domaines. Grâce à lui et à ses équipes, SCDM Domaines constitue désormais un petit groupe diversifié, composé de domaines iconiques unis autour de l’excellence », déclare Martin Bouygues. SCDM Domaines possède châteaux Montrose et Tronquoy-Lalande à Saint-Estèphe, le Clos Rougeard à Saumur, la Distillerie de La Métairie à Cognac, le domaine Henri Rebourseau à Gevrey-Chambertin et la Truffière de Cément à Chinon. Dans le seul souci de l’excellence, ce tandem donne confiance. Il a les moyens de ses volontés ce qui est indispensable dans l’univers des grands vins.
Le Guide des vins bio 2023
Transparence et diversité sont les deux maître mots de la nouvelle édition du guide Bio de Pierre Guigui. L’auteur vous propose de découvrir les 400 vins produits en France en agriculture biologique qu’il a minutieusement sélectionné. Une bonne partie des vins proposés ont été médaillées au concours Amphore 2022 des vins bio. Connu pour son professionnalisme et sa transparence, Pierre Guigui accompagne chaque vin d’une notice nutritionnelle qui présente la quantité de sulfites, le degré d’alcool, le taux de sucre et le nombre de calories présent dans chaque pouteille. « Une nouvelle sélection encore plus pointue et dont je suis fier », ajoute Pierre Guigui. Guide des vins bio 2023, BBD Édition, 224 pages, 24,90 euros
Un beau cliché champenois
Mettre en lumière le travail de jeunes photographes, c’est l’objectif du prix organisé pour la quatrième fois par la maison Ruinart avec le soutien de Picto Foundation. Cette édition distingue les talents de Matthieu Gafsou, un photographe Suisse sélectionné au sein de la section Curiosa de Paris Photo. « Ce qui nous a attiré dans le travail de Matthieu Gafsou, c’est son approche plus plasticienne que documentaire. Au-delà de représentation du réel, il tente de transfigurer la photographie, y apportant de nouveaux procédés et techniques pour l’amener vers une nouvelle esthétique », déclare Fabien Vallerian, directeur art et culture de Ruinart. Matthieu Gafsou a fait un séjour estival en Champagne durant lequel il a réalisé la série intitulée « Cette constante brûlure de l’air ». Elle sera dévoilée du 10 au 13 novembre au Grand Palais Éphémère lors de l’édition 2022 de Paris Photo. Prix Maison Ruinart 2022, à Paris Photo, du 10 au 13 novembre 2022, au Grand Palais Ephémère
Dans le verre
Orange comme macération
Cette cuvée est la dernière création du château de Lastours. Elle est inspirée de la tradition des vins blancs de macération. Situé entre la Méditerranée et le massif des Corbières, ce domaine possède entre 850 hectares de garrigue un vignoble de 100 hectares et une oliveraie de 10 hectares. Optimus est une sélection de vieux roussannes de plus de 50 ans qui proviennent de la parcelle les Escareilles. L’accent est mis sur l’équilibre, du tanin et du fruit grâce à un élevage en amphore. Optimus existe aussi en rouge. Château Lastours 2021, Optimus, 18 euros sur chateaudelastours.com
Le whisky du chef
Rue du Nil, c’est d’abord une adresse. Celle du restaurant Frenchie, une étoile au Michelin, du chef Gregory Marchand et de son bar à vin situé juste en face. Depuis peu, « Rue du Nil », c’est aussi un whisky, né de la rencontre entre le chef étoilé et le talentueux Mark Reynier, fondateur de Waterford et de Ned Gahan, maître de chai et distillateur de la marque.
« Nos échanges avec Waterford faisaient vraiment sens pour nous. Son approche du terroir, son respect des matières premières, du travail de la terre, font écho à notre philosophie. Ned Gahan nous a proposé plusieurs versions pour cette micro-cuvée. Celle que nous avons choisie, issue d’une orge cultivée en biodynamie, est aussi élégante qu’authentique, marquée par la céréale », précise Grégory Marchand. En vente chez Frenchie Caviste, La Maison du Whisky et sur whisky.fr au prix de 99€
Après Cairanne (n°25) et Lirac (n°26), En Magnum continue de se promener sous le soleil des crus du sud de la vallée superbe. Cette fois, Rasteau sort de l’ombre
Retrouvez cet article dans son intégralité dans En Magnum #29 disponible sur mybettanedesseauve.fr – cafeyn.co et chez votre marchand de journaux
Comme Cairanne et Roaix, ses communes limitrophes, Rasteau, beau village du Haut-Vaucluse situé à trente minutes d’Orange, est une étape sur la route qui relie Sainte-Cécile-les-Vignes à l’ouest et Vaison-la-Romaine à l’est. Entre les vallées de l’Aigues et de l’Ouvèze, le cru s’appuie, à l’instar de ses voisins, sur un relief de coteaux qui délimite son aire d’appellation au nord. Majoritairement, le vignoble est planté sur les pentes de la montagne de Ventabren, massif arrondi d’argile rouge parsemé de galets roulés et de débris calcaire. Au-dessus de cette zone, le plateau boisé constitue un sanctuaire de biodiversité que les Rastellains ont judicieusement protégé. Dans cet ensemble, des îlots de vignes épars émergent au milieu de la flore provençale – merveilleuses cartes postales. L’amateur de blancs sera attentif aux parcelles de vieilles clairettes souvent invisibles depuis la route qui serpente jusqu’aux hauteurs. À la même altitude que celle du village, environ 200 mètres, le vignoble est posé sur une géologie variée et abritée de la violence du mistral par la présence de haies, de talus et de sous-bois. Un peu d’argile donne au sol de bonnes capacités de rétention d’eau, utile dans des millésimes de sécheresse. Empruntant la pente douce qui va vers le sud, la vigne finit par se confondre avec celles de la plaine de Plan-de-Dieu. Partout dans l’appellation, l’irrigation est autorisée. Elle est souvent impossible à mettre en place dans les meilleurs secteurs faute d’infrastructures et d’accès proches de l’eau, réservoirs ou rivières.
La diversité, cette chance
Deux saisons marquées. Hiver clément, même si certains secteurs peuvent geler. Été brûlant, peu de pluie, du vent, de la lumière. Elevés au rang de cru en 2010, les 1 300 hectares sont en quasi-intégralité voués à l’élaboration de vins rouges tranquilles. Plus ou moins 2 % de la production servent à l’élaboration d’un vin doux naturel rouge, ambré, tuilé, rosé ou rancio, en voie certaine de disparition. Ce VDN parmi les plus célèbres de France a contribué à la notoriété de Rasteau, permettant à la commune d’atteindre le rang d’appellation d’origine contrôlée en 1944, avant d’être intégrée à l’AOC côtes-du-rhône en 1965, puis côtes-du-rhône villages en 1999. Cépage chéri de toute cette zone, le grenache (50 % de l’encépagement minimal) est majoritaire dans les assemblages. Il s’exprime bien dans ses trois versions (noir, gris et blanc) sur les sols sableux. Cépages complémentaires, syrah et mourvèdre sont plantés davantage dans les marnes et les argilo-calcaires. Le duo tempère l’ardeur du roi grenache et équilibre le feu de son alcool et la mollesse de son moelleux. Au regard de la longue liste des cépages accessoires (17 variétés), on pourrait croire que le cahier des charges laisse aux producteurs une certaine liberté d’expérimenter, en particulier quant aux cépages résistant au stress hydrique, première cause des blocages de maturité. Hélas, la proportion de l’ensemble des cépages accessoires est inférieure ou égale à 15 % de l’encépagement.
Nouveau style, nouvelle génération
Rasteau est un pays de vignerons indépendants et de coopérateurs. Quelques négociants historiques (Maison Lavau, Gabriel Meffre, Chapoutier) proposent des versions sérieuses et représentatives de l’appellation. La cave coopérative, acteur historique désormais intégré à Rhonéa, participe activement à la vie rastellaine. De jeunes vignerons motivés mettent tout en œuvre pour faire rayonner les vins à l’export (Canada, Belgique, Royaume-Uni, etc.) et de plus en plus en France. En dépit de ses terroirs de premier ordre, le rasteau souffre d’a priori tenaces qui veulent y voir un vin puissant, massif et boisé, riche en alcool. Bien sûr, le profil existe, mais on le rencontre de plus en plus rarement. La diversité géographique du lieu permet aux meilleurs vignerons de jouer sur les origines et les cépages, proposant un profil sur la finesse et la fraîcheur plus que sur l’opulence…
Les Foires aux vins, c’est comme les fraises, il y a une saison pour ça. L’évènement inventé en 1973 par ce qu’on appelait alors les Centres Leclerc est vite devenu un incontournable des animations de la grande distribution. Une manière de déstockage des chais du Bordelais à un moment où c’était indispensable. Tout ceci a beaucoup évolué, les Foires aux vins présentent aujourd’hui des vins de toutes les régions de France et, même, de l’étranger. La GD a été rejointe par les magasins à succursales comme Nicolas ou les Repaires de Bacchus. Et, bien sûr, par les sites de vente de vin sur internet. On ne va pas se raconter les avantages de l’achat sur internet, on les connaît. Je me suis intéressé à une Foire aux vins assez spéciale, celle du site iDealwine, grandissime pro de la vente aux enchères et/ou à prix fixe. J’ai tout goûté, voilà ma sélection.
Un rivesaltes de 1972
Cinquante ans, cinquante euros. Un rivesaltes de 1972. Le gros mérite d’iDealwine de mettre sous les sunlights des vins oubliés. Les vieux rivesaltes sont des vins oubliés et c’est complètement idiot. La profondeur caressante, la texture gourmande, les arômes de noix, de cuir, tout concourt à en faire de merveilleux vins de méditation, des vins enveloppants qui vous emmène au dodo avec infiniment de tendresse. Des vins rares, en plus et pas chers. Tout amateur sérieux est obligé d’en avoir dans sa cave.
Une côte-rôtie La Giroflarie 2016 de Patrick Jasmin
Un assemblage de parcelles avec 5 % de viognier pour la souplesse. Un grand rouge d’un vignoble héroïque dans un grand millésime. Pas mieux. À 79 euros le magnum, une petite foule se précipitera. Dont moi. J’en veux.
Un magnum de sauternes Château Doisy-Daëne 1986
Les sauternes et les barsacs (ici, un barsac) sont les moins chers des grands vins français. Et les plus difficiles à produire, mais c’est une autre histoire. 115 euros ce magnum de doisy-daëne, millésime 1986. Oui, c’est un petit prix et oui, c’est un vin immense. Élaboré à l’époque par le très regretté Denis Dubourdieu, ce barsac légendaire mérite qu’on l’acquiert. L’étiquette porte la mention Sauternes. Je pense qu’en 1986, on ne faisait pas la différence entre sauternes et barsac. Elle est bien réelle pourtant. Le barsac est plus fin, moins riche que le sauternes, c’est une de ses qualités.
Un hermitage la-chapelle 2014 de Paul Jaboulet Aîné
C’est-à-dire de Caroline Frey aux commandes du domaine depuis le millésime 2006. Encore un peu sauvage à ce stade de son évolution, on lui accordera trois à cinq ans pour arriver à son mieux. Et son mieux, c’est énorme. Bien sûr, 160 euros est une somme, mais d’autres stars de la divine colline de l’Hermitage s’envolent bien plus haut.
Un vin de Toscane Colore Bianco de Bibi Graetz
Une merveille inconnue, rare et coûteuse. Colore Bianco du vigneron star Bibi Graetz, l’un des princes de Toscane à Fiesole qui exploite aussi des vignes d’ansonica (le cépage) sur l’île de Giglio, au sud de la province en face de la Maremme, d’où nous arrive cette splendeur et ces trésors aromatiques. Malgré le prix (180 euros), les vrais amateurs vont se jeter dessus puisqu’on n’en trouve jamais nulle part.
En pratique : toutes ces bouteilles sont proposées à la vente sur www.idealwine.com
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