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Adieu Jérôme

Jérôme Malet, disparu trop tôt vendredi dernier, était fils de vigneron devenu vigneron lui-même. Entre les deux, cet esthète passionné avait créé une belle entreprise de design et d’architecture d’intérieur, mais la fibre vigneronne l’avait toujours poursuivi. Ses parents, Max et Suzy, avaient beaucoup contribué au renouveau des vins du Roussillon avec leur Domaine Sarda Malet. Associé dans un premier temps à Frédéric Engerer, patron d’Artémis Domaines, puis seul aux commandes, Jérôme avait fait de même dans la Drôme, en faisant de son Domaine de Fontbonau un petit bijou de précision rhodanienne en blanc comme en rouge. Il transmettait avec verve et un vrai sens de l’amitié cette passion du vin qui nous anime. À Isabel et à sa famille, toute l’équipe de Bettane+Desseauve transmet ses sincères et tristes condoléances.

Châteauneuf-du-Pape, l’assemblée des merveilles

Photo : Fabrice Leseigneur

Retrouver l’article  dans En Magnum #37. Vous pouvez l’acheter en kiosque, sur notre site ici, ou sur cafeyn.co.


Château de Beaucastel, Roussanne Vieilles Vignes 2021
Depuis 1909, Beaucastel est la propriété de la famille Perrin, aujourd’hui sous la direction de Jean-Pierre et François, les fils de Jacques Perrin, accompagnés de Cécile, Marc, Pierre, Thomas, Charles, Mathieu et César, la cinquième génération. Situé sur un terroir de cent hectares de galets roulés, le domaine produit quatre vins en appellation châteauneuf-du-pape dont deux blancs. Parmi eux, cette cuvée parfois abrégée RVV, mondialement célèbre et considérée par beaucoup comme le plus grand vin de roussanne dans le monde à l’heure actuelle. Je dois reconnaître avoir parfois rencontré quelques difficultés, dans des millésimes antérieurs, à saisir la beauté de ce vin impressionnant de richesse et de matière, élevé pour 30 % en pièces bourguignonnes et pour 70 % en cuves. La recherche de tension est clef dans l’équilibre de ce blanc sphérique produit à partir de raisins dorés et récoltés en légère surmaturité. Un équilibre trouvé par César Perrin lors des derniers millésimes, plus évidemment digestes et salins que par le passé. Ils sont cependant toujours aussi merveilleux de complexité après un long vieillissement qui transforme cette roussanne en une sorte de montrachet du sud, génial et inoubliable.
210 euros

Domaine de Beaurenard, Le Boisrenard 2021
Il faut féliciter Victor et Antonin Coulon, la dernière génération de la famille, pour la réflexion mise en place dans ce domaine quant à ses pratiques viticoles. Très préoccupés par les enjeux environnementaux, les deux frères ont déployé un arsenal de gestes exemplaires pour assurer la pérennité de leurs terroirs. Au-delà de la biodynamie, mise en place par la génération précédente, Beaurenard va aujourd’hui plus loin, notamment sur la question du matériel végétal. Autre fait d’arme, avoir complètement repensé la manière de travailler sur les sols calcaires durs, très impactés par la sécheresse et le manque d’eau. En progrès constants, les vins vont vers plus de finesse immédiate dans leur jeunesse, abandonnant un caractère parfois un rien austère au profit d’un fruit énergique et vibrant, que l’on retrouve dans ce boisrenard irréprochable d’équilibre. L’assemblage des treize cépages autorisés par le cahier des charges de l’appellation en fait un vin résolument à part, d’autant plus qu’il est produit à partir de vieilles vignes complantées sur différents terroirs, entre calcaires, galets roulés et sables fins.
70 euros

Domaine André Brunel – Les Cailloux, Cuvée Centenaire 2022
Le jovial Fabrice Brunel, vinificateur bien connu des amateurs des vins de Châteauneuf-du-Pape, propose des rouges et des blancs qui associent générosité, finesse et fraîcheur. Si toute la gamme est recommandable, cette cuvée s’appuie sur de très vieilles vignes de grenache situées sur le plateau de Mont-Redon, au lieu-dit Farguerol. Elle a été créée en 1989 par Lucien et André Brunel pour célébrer les cent ans de cette plantation. Dans ce secteur argileux, ces grenaches expriment une minéralité assez originale, faisant de ce rouge un vin très droit, parfois un rien austère dans sa jeunesse. Fidèle à ses principes, le domaine privilégie des élevages en cuves béton ou inox afin de préserver les qualités premières du fruit. Ce choix renforce, selon les millésimes, une sensation tactile du tannin parfois un peu pointue. Elle disparaît après quelques années en bouteille. Avec l’arrivée de Fabrice et la création d’une nouvelle cuverie, ce vin, comme tous les autres du domaine, gagne en pureté et en élégance immédiate. Ainsi de ce 2022 superbe par sa palette aromatique entre notes de fruits rouges et noirs confits, de laurier et d’épices. Déguster cette cuvée, c’est comprendre l’intensité des vins donnés par de très vieux grenaches sur un terroir spécifique.
110 euros

Le Clos du Caillou, Les Quartz 2022
Sylvie Vacheron et sa fille Marilou s’appuient sur un vignoble situé au nord-est de l’appellation, dans un secteur très particulier, pour proposer des vins originaux et identitaires. Ces derniers atteignent récemment un haut niveau d’expression, avec des matières habilement élevées. Adresse idéale pour découvrir la richesse et la diversité du terroir châteauneuvois, on trouve ici des vins commercialisés selon des logiques de terroirs. Créée lors du millésime 1999, la cuvée Les Quartz met en avant les sols sablonneux du lieu-dit Les Cassanets en assemblant 80 % de grenaches et 20 % de syrah. Grand vin d’équilibre, délicat et précis, classique par ses notes de fruits noirs et de garrigue, ce 2022 est porté par des tannins fins et présents ainsi que par une finale herbacée pleine de subtilité et de fraîcheur.
58 euros

Clos St Patrice (monopole) 2018
Ce cru minuscule, 1,8 hectare situé au cœur du village de Châteauneuf-du-Pape, était autrefois considéré comme le meilleur vignoble de l’appellation. Renommée qui se confirma au début du XXe siècle avec le succès rencontré par le vin dans les années 1920. Il a pourtant failli disparaître avant de renaître de ses cendres en 2008 sous l’impulsion de la maison Grandes Serres et de l’excellent Samuel Montgermont. Grâce aux efforts d’une équipe dynamique, le projet s’est recentré sur le patrimoine de vieilles vignes de grenache et de mourvèdre plantées dans un sol particulier et complexe, entre sables bruns profonds et galets roulés. L’une des particularités de cette cuvée tient dans la forte proportion de vendanges entières (à hauteur de 80 %), ce qui lui donne une signature reconnaissable entre toutes. La macération pré-fermentaire à froid et une infusion de quelques semaines assurent à la fois la recherche de fruit et une profondeur de corps subtile. Toujours floral, on retrouve dans ce 2018 le charme de ce grand vin à son meilleur : notes de laurier et d’épices, allonge veloutée et profonde, tannin fin, équilibre sans lourdeur et superbe énergie finale.
103 euros

Dauvergne Ranvier, Du soleil à la terre 2022
François Dauvergne et Jean-François Ranvier font partie d’une nouvelle génération de négociants de la vallée du Rhône. Très impliqués dans la production de leurs vins, ils travaillent avec leurs amis vignerons tout au long de l’année et conservent les expressions des terroirs partout où ils décident de faire du vin, qu’ils veulent accessible et sur le registre du fruit. C’est le cas de cette micro-cuvée (4 150 bouteilles) produite à partir de vignes situées dans le nord-ouest de l’appellation. Composé pour majorité de grenache complété d’un peu de syrah, ce qui lui donne un caractère épicé, ce vin est souple, agréable, équilibré et frais, dans un style structuré sans excès. Précis dans ses arômes, il déploie ce qui fait le charme du vin de Châteauneuf-du-Pape, cette générosité de saveurs qui se renforcera encore avec les années. Rapport qualité-prix évident, comme toujours avec les vins produits par ce duo travailleur.
35 euros

Romain Duvernay, châteauneuf-du-pape 2022
Cette maison rhodanienne est menée par Jean-Marc Pottiez, qui dirigea autrefois une grande marque de Champagne, et l’œnologue Romain Duvernay. Dans la gamme assez complète des vins du sud de la vallée, ce châteauneuf gourmand et fruité, sur des notes de fraises et de framboises, s’appuie sur un tannin souple et présent, qui lui donne de l’ampleur et un certain confort en bouche. Plantés sur des sols de galets roulés, grenache, syrah et mourvèdre sont assemblés pour donner un vin classique, représentatif de l’appellation et capable de vieillir harmonieusement. À noter, les derniers millésimes marquent une belle progression de l’ensemble de la gamme vers encore plus de personnalité.
33 euros

Domaine Giraud, Les Galimardes 2022
Avec leurs 35 hectares en appellation, Marie et François Giraud peuvent s’appuyer sur d’excellents terroirs pour proposer des vins d’une grande finesse. Millésime après millésime, le duo frère-sœur réussit à dompter comme peu de domaines le caractère spécial du quartier des Galimardes et de son sol de gros galets roulés. Ces dernières années, ce grand lieu-dit situé au sud de l’appellation a souffert des sécheresses et des épisodes caniculaires, obligeant à une viticulture exigeante et avant-gardiste dans la gestion de la canopée ainsi qu’à une attention particulière quant au matériel végétal, son enracinement et son alimentation hydrique. De magnifiques grenaches centenaires (et un peu de syrah) permettent de produire ce galimardes, vin harmonieux élevé avec intelligence entre cuves béton et veilles barriques, à la fois moderne et accessible dans sa jeunesse (après trois ans) et capable de vieillir avec grâce pendant plus d’une décennie. Fraîcheur, pureté, équilibre, race, ce 2022 est une grande expression de fruits noirs très séduisante en bouche.
80 euros

Domaine du Grand Tinel, châteauneuf-du-pape 2022
Grand Tinel est la propriété de la famille Jeune qui exploite 56 hectares en appellation châteauneuf-du-pape. Ce 2022 affiche une finesse et une précision ainsi qu’une mise en avant de l’intensité et la concentration propres aux vieilles vignes de grenache et de syrah qui entrent dans l’assemblage de cette cuvée tradition (80 ans en moyenne). Elles sont situées sur deux terroirs de galets roulés, aux lieux-dits La Gardiole et Palestor, réputés pour donner des vins puissants. Vinification et élevage suivent ici un schéma classique et donnent un vin charmeur, savoureux et mûr, équilibré par un tannin frais et plus fin que par le passé. Le blanc du domaine, un 100 % roussanne issu des parcelles situés dans les secteurs de Crousroute et de Boursan, était lui aussi réussi dans ce même millésime.
32 euros

Domaine La Barroche, Pure 2021
Vignerons exemplaires, Julien et Laetitia Barrot, frère et sœur dont l’histoire de la famille remonte à 1703, ont fait de ce domaine historique l’une des propriétés les plus excitantes à suivre à Châteauneuf-du-Pape, aussi bien pour la qualité de ses vins que pour les pratiques agronomiques intelligentes mises en place. Le vignoble de la Barroche est principalement situé sur des terroirs sablo-calcaires, ce qui donne aux vins une finesse particulière avec un caractère floral et un déroulé tannique très soyeux dans les rouges. Avec cette cuvée Pure, Julien avait l’ambition de produire un vin issu de ses vignes centenaires de grenache, plantées sur les sables purs des quartiers Rayas, Grand Pierre et Pointu. Vendangés à maturité optimale, ces raisins sont ensuite vinifiés en cuve béton, sans extraction prononcée afin de conserver un maximum de subtilité. Le charme de cette cuvée tient aussi à son caractère fruité très prononcé et toujours savoureux. Elle est idéale pour découvrir la beauté des vins donnés par les grands grenaches sur sables.
120 euros

Domaine de la Charbonnière, Cuvée Mourre des Perdrix 2021
Ce domaine classique, dirigée par Caroline et Véronique Maret s’appuie sur dix-neuf hectares de vignes répartis dans plusieurs lieux-dits de l’appellation, dont celui dit du Mourre des Perdrix, situé dans la commune de Courthézon. Pleine de charme, cette cuvée parcellaire est un assemblage complexe de grenache, syrah, mourvèdre et cinsault, complété par une proportion infime d’autres cépages. C’est sans doute, millésime après millésime, la plus réussie du domaine, originale et expressive par ses arômes de laurier et de fruits délicatement compotés. Son élaboration suit un schéma classique avec des choix à la vinification ou lors de l’élevage qui permettent d’en faire un châteauneuf-du-pape accessible, souple et profond qui exprimera son plein potentiel avec des plats de gibiers. Il est fidèle en cela à l’esprit classique et intemporel du rouge châteauneuvois, subtil mais aussi franchement réjouissant.
43 euros

Château de la Gardine, Cuvée des Générations – Gaston Philippe 2022
Grand classique de l’appellation, la Gardine est un vaste domaine d’un seul tenant, se terminant au bord du Rhône, face à Roquemaure, et reposant en grande partie sur une base calcaire à l’ouest de l’appellation. La cuvée classique du domaine est d’une régularité sans faille depuis presque trois quarts de siècles, ce qui n’est pas un petit exploit. J’ai une tendresse particulière pour cette famille attachante et accessible, cultivant son identité rhodanienne par une ouverture d’esprit et une humilité inaltérables. Cette cuvée nommée Gaston Philippe, hommage au patriarche des Brunel, représente une forme de quintessence du savoir-faire maison en matière d’assemblage, réunissant à part égales trois cépages (grenache, syrah, mourvèdre) et trois terroirs (galets roulés, calcaires de l’Urgonien, sols de safres). On recherche pour l’élaborer de petits rendements sur des vignes plantées pour la plupart en 1925, ce qui donne un vin concentré que le temps affine sereinement. Cette intensité explique un élevage du vin exclusivement en barriques neuves, pas si fréquent aujourd’hui dans l’appellation et susceptible de dérouter certains amateurs. Il en ressort pourtant toujours un vin d’une grande complexité aromatique, étonnant de finesse de corps et de saveurs. L’arrivée de la nouvelle génération permettra d’assurer la suite du travail exceptionnel réalisé par Eve et Patrick Brunel et d’aller encore plus loin sur la réflexion à mener au vignoble.
70 euros

Domaine de la Mordorée, La Dame Voyageuse 2022
Madeleine Delorme et sa fille Ambre continuent avec soin et détermination de travailler dans l’esprit d’excellence propre à cette famille vigneronne, tristement endeuillée par le décès brutal de Christophe Delorme il y a maintenant près de dix ans. Sur les plus beaux crus du Vaucluse et du Gard, tout est fait ici dans un profond respect des terroirs, avec la volonté de produire des vins dignes de leur potentiel, notamment en châteauneuf-du-pape où le domaine produit deux cuvées, La Dame Voyageuse et La Reine des Bois. Issu de parcelles cultivées en bio certifié et en biodynamie (Demeter), ce dame-voyageuse brille par son amplitude et son caractère velouté, caractéristiques des vins du domaine. On y retrouve souvent beaucoup de fraîcheur aromatique avec des notes mentholées qui contrebalancent agréablement les arômes intenses de chocolat, de fruits noirs et d’épices, présents dans ce millésime. Large en bouche et structuré par un tannin fin et précis, l’ensemble ne manque ni de personnalité ni d’allure, à l’image du duo mère-fille qui élabore cette cuvée parfaite pour s’initier à la magie des meilleurs vins châteauneuvois.
42,50 euros

Domaine de La Solitude, Vin de La Solitude 2021
De la famille toscane Barberini, installée à Châteauneuf à l’époque des papes d’Avignon, jusqu’à Florent Lançon, actuel et brillant patron, il y a un écheveau inextricable de descendance qui fait de La Solitude un cru familial historique. Longtemps discret, le domaine a révélé le génie de ses vins au cours des deux dernières décennies, tant en blanc qu’en rouge, avec des cuvées toutes d’un formidable niveau et toutes d’une personnalité affirmée. J’avoue avoir un faible pour la dernière d’entre elles, sobrement baptisée Vin de La Solitude. Elle rend hommage à un des descendants des Barberini et ancêtre des actuels Lançon, Paul Martin, qui fut au XVIIIe siècle l’un des premiers à vendre directement son vin en bouteille et sous son étiquette. Ainsi, en sensationnel hommage à ce novateur, la bouteille reprend la forme élargie des flacons de l’époque et l’étiquette est, elle aussi, une reproduction historique. Mais la présentation n’est pas la seule originalité de ce vin hors norme. Florent Lançon associe ici, comme on le faisait à l’époque, une dizaine de cépages, dont des blancs, le grenache ne représentant qu’un quart de l’assemblage. Les cuvaisons sont longues, le vin se fait paisiblement. Profond, parfumé et intense, le 2021 est certainement l’expression la plus aboutie à ce jour de ce vin à la fois jeune et éternel. T. D.
56 euros

Domaine de la Vieille Julienne, Les Trois Sources 2022
D’un seul tenant, cette propriété de vingt hectares cultivés en bio depuis 1990 et en biodynamie depuis maintenant une dizaine d’années fait partie de celles qui ont le plus spectaculairement progressé au cours de la dernière décennie. Elle pratique une vendange soignée, toujours 100 % éraflée, qui donne des vins frais et élancées. Sept hectares répartis entre les lieux-dits Clavin et Hauts-Lieux, secteurs de safres et de galets roulés, permettent d’élaborer cette cuvée à l’assemblage complexe dans laquelle sont intégrés presque tous les cépages de l’appellation. Elle témoigne de la délicatesse de texture propre aux vins du domaine, superbes par leurs notes de pierre sèches, leur longueur et leur énergie. Dans ce millésime, c’est l’un des vins les plus racés rencontrés. Impressionnant par cette pureté aromatique et cette fraîcheur qui peut faire penser à celle de certains crus du nord de la vallée, il évoluera avec grâce au fil des années.
64 euros

Le Vieux Donjon 2022
Avec sa cave installée dans le village de Châteauneuf-du-Pape, ce petit domaine de dix-sept hectares dont le vignoble est situé plutôt dans le nord de l’appellation s’est imposé comme une signature classique et incontournable, d’une régularité sans faille à chaque millésime. Il produit des vins dans un style très défini, sur la droiture, la minéralité, l’élégance et le raffinement. Dans le millésime 2022, il affichait aussi des notes plus aimables, dans un registre floral (pivoine, rose) du plus bel effet, donnant à la production de ce domaine star de l’appellation encore plus de finesse et de longueur que dans les millésimes précédents. La nouvelle génération de la famille Michel devrait continuer à veiller sur ce cru exemplaire, avec beaucoup d’attention et de sérieux.
35 euros

L’Oratoire des Papes, Les Chorégies 2022
On lira avec attention (page 42) l’article que ce dossier consacre à François Miquel, l’excellent directeur de ce domaine, propriété de l’entreprise Advini. Les projets se sont succédé à vive allure afin de rétablir le rang de ce cru dont l’histoire remonte à 1880. Initialement issu d’une unique parcelle de vignes située dans un clos, le vin de L’Oratoire des Papes s’est depuis étendu à plusieurs terroirs de l’appellation, notamment en ce qui concerne les rouges. Après avoir rénové un magnifique prieuré dans le secteur de l’étang salé de Courthézon et y avoir installé trois chais distincts, l’équipe souhaitait donner un équivalent blanc à la cuvée Les Chorégies, son grand vin rouge. Elle a ainsi décidé de consacrer une cave troglodyte magnifique, creusée à même le safre, à l’élaboration de cette sélection parcellaire inédite. Édouard Guérin, directeur technique aussi à l’aise au vignoble que dans sa cuverie, a d’abord pris le temps d’identifier les terroirs à même de donner un vin blanc de lieu, singulier et original. C’est sur les éclats calcaires durs qu’il a trouvé de vieux ceps de clairette et de bourboulenc capables de restituer une fraîcheur naturelle dans les vins. Vendangés tôt pour garder un maximum de tension, les raisins sont pressés à l’aide de pressoirs champenois avant d’être vinifiés pour 40 % en amphores de 600 litres et pour 60 % en barriques de 300 litres. Le millésime 2022 se présente avec beaucoup de finesse, de la tension et de la droiture, mais aussi une certaine gourmandise finale qui lui donne un grand potentiel gastronomique. C’est à table, et après plusieurs années de garde, que ce blanc déploiera la pleine expression de sa personnalité.
120 euros

Château Mont-Redon 2022
Vaste propriété d’une centaine d’hectares de vignes, Mont-Redon est un monde en soi qui occupe une bonne partie du plateau de galets roulés du même nom. Il faut insister sur la beauté de cet endroit, avec son vignoble isolé par sa situation du reste de l’appellation, entrecoupé de bois et de chemins pierreux, et ses bâtiments formant une sorte de petit village dans lequel il y a toujours de la vie. Pendant longtemps, le vin de Mont-Redon ne s’imposait pas comme l’un des plus spectaculaires du secteur, restant souvent un peu sur la retenue et se présentant parfois de manière austère dans sa jeunesse. Nombreux sont ceux qui savent pourtant que le domaine produit des vins de très grande garde, magnifiques, voire carrément prodigieux pour certains vieux millésimes qui ont écrit sa légende. La dégustation récente du millésime 2022 témoignait avec beaucoup d’évidence des progrès du cru quant à la précision aromatique de ses vins. Merveilleux, il affichait de manière inédite d’intenses notes graphites, un fruit (cassis) étonnant de fraîcheur et d’une intensité magistrale, une matière pleine d’élégance et un tannin d’une finesse jusqu’ici jamais entrevue en vin jeune. Il fera date dans le projet engagé par Pierre Fabre et ses équipes en même temps qu’il donne rendez-vous aux amateurs pour un moment d’émotion d’ici une dizaine d’années. L’assemblage complexe (grenache, syrah, mourvèdre, cinsault, counoise, muscardin) montre à ceux qui en doutent la valeur d’un encépagement varié, véritable force des grands vins de Châteauneuf-du-Pape.
45 euros

Château Rayas, châteauneuf-du-pape 2021
On ne peut résumer la place du rayas parmi les vins de l’appellation avec les quelques lignes de cette sélection. La propriété de la famille Reynaud est une légende du vignoble français, dans des proportions partagées par seulement deux ou trois autres vins dans le monde. Rappelons seulement que ce grand rouge est produit à partir de dix hectares de vignes réparties en plusieurs petits îlots au milieu des bois, sur le lieu-dit Rayas. Les sols sableux, qui ont fait la célébrité du lieu et le style du vin, y sont d’une immense pauvreté capable de restituer l’atmosphère des nuits, un peu plus fraîches dans cet environnement qu’ailleurs. Antoine Pétrus, dégustateur pour notre guide Bettane+Desseauve et grand connaisseur des vins d’Emmanuel Reynaud, résume parfaitement ce style : « Il y a une ligne directrice que l’on retrouve toujours. La même sensation que lorsque l’on plonge les mains dans la terre où le sable file entre les doigts. Les rouges sont des vins d’infusion plutôt que d’extraction, de grande subtilité. On y retrouve souvent des arômes de fraise, de petits fruits rouges acidulés, des notes kirschées, de figue fraîche. Avec le temps, des arômes de maturité, âtre de cheminée, cigare, tabac, prune, chrysanthème, arôme rare dans les vins, rose ancienne. Et puis il y a cette fraîcheur caractéristique, très différente de l’acidité. On la sent dans le goût et dans la texture ». Dans quelques années, la profondeur de ce 2021 soutiendra sa texture satinée et aérienne. Et le parfum unique de rose fraîche gagnera en intensité. Les vrais amateurs des vins du Rayas savent qu’il faut les laisser vieillir patiemment, souvent au moins pendant dix ans.
Prix NC

Tardieu-Laurent, Cuvée spéciale 2022
Les cuvées spéciales des domaines châteauneuvois font rarement l’unanimité au sein de notre comité de dégustation. Pour ma part, j’ai toujours eu tendance, à quelques exceptions près, à préférer spontanément les cuvées dites Tradition pour ce qu’elles représentent en matière de savoir-faire d’assemblage de terroirs, de cépages ou de modalités d’élevage. Il faut pourtant reconnaître que cette cuvée spéciale signée par Michel et Bastien Tardieu était prodigieuse le jour de notre dégustation. Elle est élaborée à partir de très vieilles vignes de grenache, pour la plupart centenaires, plantées dans des terroirs de premier ordre, plutôt sableux, situés en contrebas du plateau de La Crau. Une large partie du vignoble châteauneuvois s’intéresse d’assez loin aux élevages pratiqués, appliquant une logique traditionnelle qui a fait ses preuves. La force des Tardieu est de savoir élever les vins en leur donnant un style propre, jamais ostentatoire, en choisissant des origines de bois parmi les plus qualitatives (Allier et Tronçais pour cette cuvée) et en harmonisant la proportion de foudres par rapport à celles de fûts de deux ou trois vins. Ce 2022, éblouissant de finesse aromatique (rose, pot-pourri, fraise des bois), magnifique par son toucher de bouche, donnera d’ici une dizaine d’années un vin supérieurement racé.
56 euros

Domaine du Vieux Télégraphe, Piedlong 2021
Splendide propriété de Bédarrides, nichée sur son coteau au milieu de vieux arbres majestueux, Vieux Télégraphe a toujours eu un statut à part pour les amateurs des vins de l’appellation. Elle tient son nom d’une tour relais d’un télégraphe optique installée dans ce secteur au début du XIXe siècle. La famille Brunier, établie ici depuis six générations, veille sur son vignoble principalement situé sur le plateau de La Crau, qui signe toujours de manière évidente le vin d’assemblage produit par ce cru. Elle propose aussi quelques cuvées parcellaires très recherchées comme ce piedlong issue d’un lieu-dit de onze hectares situé au nord du village de Châteauneuf-du-Pape. La sol y est majoritairement argileux, avec la présence de quelques galets roulés. Une petite partie (deux hectares) de cet ensemble s’étend cependant sur le lieu-dit Pignan, réputé pour ses sols de safres. Cette particularité donne à la cuvée Piedlong un supplément de finesse qui équilibre toujours et adoucit la puissance naturelle des vins issus de secteurs de galets roulés. Dans ce millésime 2021, tendre et accessible, c’est un candidat de premier choix pour montrer ce que la texture d’un grand châteauneuf-du-pape peut offrir en matière de sensualité.
60 euros

Thibault et Benoît Brotte : la route de l’excellence

Photo : Mathieu Garçon

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Cap excellence, c’est le nom choisi pour leur projet par Thibault et Benoît Brotte, deux frères incarnant la cinquième génération d’une famille présente à Châteauneuf-du-Pape depuis 1880, via les Amouroux qui y cultivaient vingt hectares à la fin du XIXe siècle. Thibault Brotte, qui supervise la partie commerciale de l’activité, précise : « Aujourd’hui, la maison Brotte a une activité de négoce essentielle pour nous, mais également trois domaines, avec des vignes dont nous sommes propriétaires, ici à Châteauneuf-du-Pape, à Cairanne avec le domaine Grosset et à Laudun avec le château de Bord. Pour mon frère et moi, c’était important de montrer que nous sommes aussi une famille de vignerons, dans la lancée de ce que nos parents ont construit depuis le début des années 2000 à la suite du travail de notre grand-père Jean-Pierre ». Les deux frères savent qu’ils ne bousculeront pas une institution comme la leur en un claquement de doigt, mais bien avec la volonté farouche de pérenniser les acquis et de renforcer le niveau d’implication pour continuer à progresser. Discrète à l’égard de ses pratiques, la maison a mis en place un important programme d’innovations depuis le début des années 2000 sous la direction judicieuse de Laurent et Christine Brotte. Aujourd’hui présente dans plus de cent pays, la société fondée en 1931 a consenti à de nombreux investissements : agrandissement de la cave en 2013, labellisation Terra Vitis du vignoble depuis 2014, renouvellement du parc à foudres en 2018, vinifications en amphores dès 2019 et, récemment, mise en place de sélections parcellaires à grande échelle et extension du chai d’élevage. Au total, entre 2001 et 2021, deux millions d’euros ont été dépensés pour consolider le statut de la maison au sein de l’écosystème châteauneuvois. Depuis, la famille a dépensé 500 000 euros dans de nouveaux outils pour permettre à Benoît Brotte, maître de chai depuis 2019, d’aller plus loin dans la précision. Ce qu’il a fait d’ailleurs de manière spectaculaire avec les millésimes 2022 et surtout 2023.

Tout progresse vite
En appellation châteauneuf-du-pape, les Brotte ont fait l’acquisition d’une partie du vignoble de la famille Armenier, situé dans le lieu-dit l’Arnesque, pour compléter les parcelles qui entrent dans le grand vin de leur domaine Barville. Avec 20,10 hectares en appellation papale, les deux frères ont franchi une étape supplémentaire en imposant une sélection drastique sur ces parcelles (seuls 3,83 hectares entrent dans l’assemblage), ce qui explique les progrès des derniers millésimes. « Le cahier des charges nous accorde une liberté appréciable, permettant de valoriser un cépage issu d’une parcelle spécifique. Cela donne l’opportunité de mettre en valeur nos vieilles vignes de grenache, exceptionnelles sur le terroir du coteau de l’Ange. » Produit en moyenne à 7 000 bouteilles, ce châteauneuf réunit donc les beaux grenaches de l’Arnesque et du lieu-dit Coteau de l’Ange avec les syrahs (10 % de l’assemblage) plantées au lieu-dit Pradel, exposé plein sud. Pour Benoît Brotte, la qualité passe par différents leviers, suivi précis des maturités, vendanges en petites caisses ou encore « un recours systématique au froid pour protéger le potentiel aromatique des raisins ». Bref, une quête du fruit revendiquée. C’est sur les élevages que leur apport pèse, avec l’intégration dans le schéma traditionnel (barriques et foudres) de contenants variés (demi-muids, amphores de grès et cuves en béton brut). Même approche dans l’élaboration du châteauneuf blanc, un 100 % roussanne élevé en amphores et en fûts issu d’une parcelle de moins d’un hectare (0,63 ha) sur le qualitatif lieu-dit Beaurenard. Un peu de clairette le complétera peut-être à l’avenir. Le duo ne s’interdit rien, aussi bien sur ses terres historiques que dans ses deux autres domaines. Son cap vers l’excellence porte l’ambition de conduire le tout en bio à l’horizon 2026, de continuer à favoriser la biodiversité dans leur vignoble de Châteauneuf-du-Pape et de signer de grands vins de propriété, profonds et intenses. De bien vendre aussi, notamment dans le cadre du partenariat de distribution conclu par la maison avec Campari France. Leur projet est passionnant à suivre. Nous le ferons.

Châteauneuf-du-Pape, le dernier sanctuaire

Les ruines du donjon du château de Châteauneuf-du-Pape dominent le village et son vignoble depuis près de 800 ans. Il fut un temps la résidence d’été des papes en Avignon. Photo : Leif Carlsson

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Chapitre 1
L’histoire d’un village

L’activité du village et des communes alentours (Orange, Sorgues, Courthézon et Bédarrides), aujourd’hui dans l’aire d’appellation, n’a pas toujours été liée à la culture de la vigne et du vin. « Du temps des papes d’Avignon qui construisent une résidence d’été à Châteauneuf-du-Pape, le vin fait partie de l’agriculture locale. Des centaines de paysans possèdent un ou deux hectares exploités à très faible rendement, cinq hectolitres par hectare ou guère plus, et produisent du vin pour leur consommation particulière. La richesse du secteur provient de l’exploitation de la chaux qui sert à construire les fours à pain », rappelle Michel Bettane, fin connaisseur de l’appellation. Au Moyen-Âge, cette chaux est la richesse principale de ce pays exclu du Comtat Venaissin, propriété de la papauté romaine à la fin du XIIIe siècle. Sans oublier quelques cultures céréalières et maraîchères, comme partout dans les territoires du sud de la vallée du Rhône. Jusqu’en 1893, l’actuel village porte le nom de Châteauneuf-Calcernier en raison de l’exploitation des carrières de calcaire qui occupe la majeure partie des habitants du secteur. Sous l’impulsion des évêques d’Avignon, dont le village dépend, et à partir de l’installation des papes en Avignon (notamment, Jacques d’Euze, le second d’entre eux, connu sous le nom de Jean XXII), le village acquiert un nouveau statut auprès de cette papauté délocalisée. Le vin de Châteauneuf-du-Pape ne jouit cependant d’aucune réputation. On lui préfère celui de Bourgogne ou des contreforts de l’Auvergne. Ce qui n’empêche pas le vignoble de s’étendre, de manière aveugle, pour répondre aux besoins des buveurs d’Avignon, de plus en plus nombreux.

Du calcaire à la vigne
Quelques années après la mort de son pape bienfaiteur, le vignoble de Châteauneuf-du-Pape s’est implanté dans certains secteurs historiques, toujours réputés aujourd’hui, comme les lieux-dits de Mont-Redon, Beau-Renard ou encore Cabrières. Il s’agit de petits îlots de vignes disséminés un peu au hasard, sans suivre une organisation structurée capable de produire des quantités importantes. Il faut attendre le XVIIIe siècle pour que la culture de la vigne prenne vraiment son essor. Deux familles importantes, dont les propriétés acquièrent à cette époque une certaine notoriété, vont contribuer fortement à cette dynamique. D’une part, les Tulle de Villefranche au château La Nerthe, de l’autre, les Martin, héritiers Barberini, au domaine de La Solitude. La Nerthe, anciennement nommé Beauvenir, est à l’époque le plus grand domaine de la commune. On y produit à partir de la deuxième moitié du siècle un vin remarquable, que les visionnaires frères Tulle de Villefranche, originaires du Piémont, embouteillent (déjà !) à la propriété. Cette production commence à être recherchée dans le pays, à Paris, mais aussi en Bourgogne où elle est utilisée pour améliorer des vins faméliques. Au milieu du XVIIIe siècle, le vin récolté dans le clos de La Nerthe, considéré par le topographe André Jullien comme le meilleur avec celui du clos Saint Patrice, se vend dans plusieurs pays européens (Allemagne, Espagne, Angleterre) mais aussi, il faut le souligner, en Amérique où il contribue à la notoriété des vins de Châteauneuf-du-Pape outre-Atlantique. Avant la Révolution française, un peu plus de 650 hectares sont exploités dans la commune. Devenu la principale activité du village au lendemain de ce moment charnière de l’histoire, le vin de Châteauneuf s’échange à bon prix, bien mieux en tout cas que tous les autres vins produits dans les secteurs alentour.

La naissance d’un projet commun
S’ensuit une période faste jusqu’à ce que le phylloxéra, découvert dans la région, ne détruise l’intégralité du vignoble ou presque et marque un coup d’arrêt au développement des vins châteauneuvois. Les familles s’organisent pour reconstruire le vignoble, sans s’arrêter dans cette mission au XXe siècle puisque l’aire d’appellation atteint aujourd’hui quelques 3 200 hectares. Un atout au début du siècle dernier pour créer une marque forte, mais insuffisant pour éviter d’éventuelles dérives de qualité logiquement susceptibles d’apparaître dans une production d’une telle ampleur. Pour cette raison, le vin de Châteauneuf-du-Pape est l’un des premiers en France à se prémunir des mauvaises imitations pouvant nuire à son image en imposant à ceux qui le produisent, dès le début du XIXe siècle, une interdiction de mélanger les raisins récoltés au sein du cadastre de la commune avec ceux vendangés en dehors. Soit une zone de qualité reconnue, bien avant la naissance des appellations d’origine contrôlée. Au début du XXe siècle, pour donner plus de crédit aux vins en France, la loi de 1919 renforce l’importance de l’origine en tant que prérequis de la qualité, en plus d’établir les fondations des futures appellations. Le vignoble devient une propriété collective dont la délimitation est soumise à des décisions de justice, indépendamment des administrations territoriales.

La reconnaissance de la qualité
L’année 1919 est décisive dans l’histoire de Châteauneuf-du-Pape. Le baron Pierre Le Roy de Boiseaumarié, homme de loi et pilote de chasse durant la Première Guerre mondiale, épouse Edmée Bernard Le Saint, héritière du château Fortia, domaine important. Les vignerons locaux voient en lui un homme providentiel, capable de donner un cadre légal à leur activité pour les protéger face aux problèmes agronomiques et économiques qu’ils rencontrent. Charismatique et politique habile, le baron devenu vigneron à plein temps œuvre à la réunion des vignerons châteauneuvois sous la bannière commune d’un syndicat à partir de 1923. Ce dernier doit faire pression sur la justice d’Orange afin qu’elle reconnaisse officiellement l’appellation châteauneuf-du-pape. Visionnaire par sa conception de la qualité, le baron complète cette demande avec des mesures fortes, comme celle d’imposer une délimitation parcellaire, un choix restreint de cépages qualitatifs, des modes de taille de la vigne ou, plus fort encore pour l’époque, l’interdiction d’arrosage et de chaptalisation. En bref, le syndicat établit un cahier des charges, geste bientôt repris par les futures appellations d’origine contrôlée (AOC). Avignon entérine cette demande en 1929, même si les nouvelles limites géographiques sont contestées. La situation s’apaise. En 1935, l’institut national des appellations d’origine (Inao) voit le jour sous l’impulsion du baron Le Roy et de son ami bordelais Joseph Capus, ministre de l’Agriculture de la Troisième République. Sans doute, la nomination du baron au poste de secrétaire général de l’Inao favorise le vin de Châteauneuf-du-Pape. Il devient le premier, en 1936, à être reconnu en tant que vin d’appellation d’origine contrôlée. Cette consécration récompense une vision claire et unifiée de la qualité. Elle s’appuie pourtant sur un terroir protéiforme.

Territoire et batailles. L’appellation châteauneuf-du-pape s’étend sur quelques 3 200 hectares, répartis autour du village et dans les communes alentours (Orange, Bédarrides, Sorgues et Courthézon). Première à être reconnue appellation d’origine contrôlée (1936), elle fut la seule à s’organiser en syndicat viticole (1894), puis en syndicat de propriétaires-viticulteurs (1923). Le baron Pierre Le Roy de Boiseaumarié, grand homme de la viticulture française, vigneron au château Fortia et premier président de l’Inao, a beaucoup œuvré à cette reconnaissance. Photos: leif carlsson, N. Sabon, presse

Chapitre 2
La découverte des terroirs

Dans un ouvrage de référence consacré à Châteauneuf-du-Pape, édité au sein de l’excellente collection du « Grand Bernard des vins de France » (Jacques Legrand), le regretté Michel Dovaz, dont nous saluons une nouvelle fois la mémoire, écrit : « Le terroir est trop connu pour qu’il soit nécessaire de le décrire. On ne cesse de le photographier. Il faut dire qu’il n’en est pas de plus photogénique : qui n’a vu cette mer de galets roulés d’où jaillissent des ceps noueux ? ». Pendant longtemps, il est vrai, le vin produit ici a été inexorablement associé aux sols de galets roulés. On les retrouve en de nombreux endroits de l’aire d’appellation, du nord-est, sur le vaste plateau de Mont-Redon, où ils sont énormes, jusqu’au sud, près de Sorgues. Le géologue Georges Truc, autorité en matière de compréhension de la formation des terroirs rhodaniens, date la naissance de ce terroir châteauneuvois spécifique à l’ère Quaternaire. Ce substrat de galets roulés, que l’on appelle aussi terrasse villafranchienne, est né du déplacement de matériaux alpins charriés par le fleuve alors immense et déposés à plusieurs reprises en divers endroits du secteur, à des altitudes différentes, selon la topographie des lieux. Dans son livre Châteauneuf-du-Pape, Histoire géologique & Naissance des terroirs, Truc attribue plusieurs qualités à ce sol. Outre le rôle (bien connu) joué par les galets, qui restituent la nuit la chaleur du rayonnement solaire emmagasinée la journée, ces quartzites ont d’autres fonctions : « [Ce] pavement s’oppose au ruissellement […], favorise l’infiltration de la pluie et la constitution de réserves souterraines [et] limite l’évaporation directe de l’eau du sous-sol ». Dans l’imaginaire de nombreux amateurs, ces sols sont associés à des terroirs solaires, chauds et secs. Si, l’été, la chaleur peut y atteindre des températures extrêmes, ils sont plutôt bien équipés pour affronter les épisodes de sécheresse extrême à condition que l’argile sur laquelle ils reposent ne perde pas ses qualités de rétention. Ces sols de galets sont parmi les plus durs à travailler tant la masse de ces alluvions est par endroits impressionnante. Un enracinement profond de la vigne permet la pleine exploitation de ce terroir, ce qui implique des choix décisifs et pérennes quant au matériel végétal privilégié afin que la plante atteigne un certain âge et développe un système racinaire dense et complexe. La réflexion est d’ailleurs aussi importante concernant le choix d’un porte-greffe adapté à cette géologie particulière. Ce travail agronomique sur mesure est d’autant plus compliqué que nombreux sont les producteurs qui disposent de parcelles dans différents « quartiers » de l’appellation, les réunissant au moment de procéder à l’assemblage de leur vin.

Les sables de la mer
Autre terroir, les safres. La réputation du château Rayas, châteauneuf-du-pape le plus iconique de l’appellation, a contribué à attirer la lumière sur ces sols sableux. Plus âgés que les galets roulés du Quaternaire, on les retrouve plutôt dans la moitié nord de l’appellation, parfois très purs, comme dans le vallon de Pignan où sont situés les sables du Rayas, parfois mêlés à d’autres alluvions (galets), comme c’est le cas de quartiers connus (Maucoil, Clos du Caillou, Cristia, Solitude, Fines Roches, etc.). Ajoutons, pour être précis, que les sables de l’appellation ne sont pas tous issus de la dégradation des safres. On rencontre aussi des sables argileux du Pliocène dont les propriétés sont quasiment identiques, pour le moment. « Les sables de safres ont souvent souffert d’une méconnaissance », précise Georges Truc. On les associe, au moment d’établir les qualités organoleptiques qu’ils peuvent conférer aux vins, à de la finesse et de la fraîcheur. Emmanuel Reynaud, dont la famille s’occupe du château Rayas depuis 1880, insiste sur ces qualités : « Ce sable est un matériau qui reprend vite sa température. Il est très léger avec des grains qui sont ceux que l’on boit quand on boit un vin du Rayas ». Pauvre et filtrant, ce sol permet au système racinaire des vignes d’y pénétrer en profondeur et de trouver dans le sous-sol des nutriments et un apport hydrique modéré. Le succès des vins issus de ces secteurs a parfois tendance à placer ces sables en haut de la hiérarchie qualitative des terroirs de l’appellation. La situation, on le voit, est plus complexe et l’on aurait tort de synthétiser le vin de Châteauneuf aux seules possibilités de goûts données par ces sables si spécifiques.

Territoire et possibilités. Le vignoble de Châteauneuf-du-Pape est complexe. Par facilité, on l’a longtemps résumé aux seuls galets roulés, spectaculaires par leur taille et leur nombre. Trois autres sols sont pourtant représentés dans l’appellation : des roches calcaires dures, des sables ou safres et des grès rouges, riches en oxyde de fer. Chaque terroir donne évidemment un profil gustatif différent.

Dur comme le calcaire
Ainsi, dans le secteur de Vaudieu et de Nalys, on découvre des sols d’argiles ocres, voire rouges, riches en oxydes de fer. Ces grès rouges sont bien pourvus en nutriments et les vins qui en sont issus sont souvent colorés, profonds et généreux, équilibrés pour les meilleurs par une tension minérale qui leur donne un style à part. Là aussi, dans ces secteurs, la géologie n’est pas homogène et il n’est pas rare de voir de beaux galets roulés piqueter cette terre compacte. On le sait moins, mais la situation du vignoble est liée au massif calcaire du Lampourdier et ses contreforts. Présente majoritairement à l’ouest de l’appellation, une pierraille calcaire, austère et aiguisée, donne par endroits des vues au moins aussi impressionnantes que les étendues de galets roulés. Il faut voir ces bancs de roches saillantes chauffées à blanc par le soleil épouser les coteaux des secteurs de la Gardine, Beaurenard ou ceux situés en contrebas du plateau de Mont-Redon. Ce terroir est le plus compliqué à exploiter de l’appellation. Pendant longtemps, lorsque le climat ne permettait pas d’obtenir de manière régulière des raisins à maturité, ces calcaires donnaient des vins durs, aux tannins revêches pour les rouges. Il faut pour les dompter mener une viticulture de qualité où la concurrence végétale doit être attentivement suivie. Avec le réchauffement climatique, les raisins y atteignent désormais des maturités intéressantes. Mais la difficulté de les travailler reste la même, voire devient encore plus importante, tant ces secteurs souffrent tôt dans l’année du manque d’eau lors des années sèches. Beaucoup de parcelles sont équipées de systèmes d’irrigation par goutte-à-goutte. Et ces mêmes secteurs profiteront sans doute un jour de la réfection prochaine de l’obsolète système de canaux des eaux du Rhône, permettant un arrosage maîtrisé. Certains vignerons, insatisfaits de cette solution peu durable, réfléchissent activement à une viticulture adaptée à ce type de sol. En effet, ces calcaires durs n’ont pas une faculté de rétention similaire à celle des calcaires plus tendres (craie, tuffeau, etc.). Ainsi, Victor et Antonin Coulon, au domaine de Beaurenard, propriété de leur famille depuis de nombreuses générations, ont mis en place un programme de mesures agronomiques censé permettre à ces sols d’emmagasiner en profondeur davantage d’eaux pluviales lors de la basse saison de la vigne. En plantant des couverts végétaux dans ces secteurs où d’habitude rien ne pousse, ils créent un paillage humide, à même d’abriter une biodiversité importante. L’avenir de quelques-unes de ces parcelles, posées sur sols calcaires, est évidemment incertain. En particulier celles où la viticulture est peu réfléchie. Les cépages rouges (à l’exception du mourvèdre et du cinsault qui peuvent s’y plaire) y luttent pour donner des raisins aux équilibres optimaux. Ces sols sont cependant très intéressants pour les cépages blancs. Citons, à titre d’exemple, la travail des équipes de L’Oratoire des Papes pour élaborer ici un grand blanc, Les Chorégies, assemblage de clairette et de bourboulenc. D’autres domaines de grande valeur proposent avec des cépages différents des blancs tout aussi réussis.

Liberté totale
Si le terroir de l’appellation est ainsi divisible en quatre ensembles, impossible de trouver une homogénéité géologique propre à chacun (à l’exception de quelques quartiers) tant ces sols se mélangent et se complètent. Impossible aussi d’établir une échelle de valeur entre eux. C’est ce qui fait l’intérêt de cette appellation où les profils de vins sont variés et plus ou moins représentatifs de chacune de ces grandes familles de sols. Pour l’amateur, c’est une chance, d’autant que l’appellation n’encourage pas à outrance un modèle parcellaire en dépit des 134 passionnants lieux-dits référencés. Tant mieux, parce qu’on ne peut pas ignorer la difficulté d’établir un portrait-robot du vin de Châteauneuf-du-Pape, lequel cultive avec intransigeance ses possibilités créatrices. Cette liberté s’appuie sur la variété de terroirs énoncée ci-dessus, où la topographie joue un rôle important, comme le climat (gels, mistral desséchants, pluie lors de la floraison pouvant engendrer de la coulure, grêles et orages estivaux, ensoleillement, etc.). Et cette liberté s’exprime aussi par un encépagement complexe, capable de répondre aux problématiques posées par le réchauffement climatique, sans avoir à se réinventer.

Le monde de demain #3 : Révolution variétale


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Marselan, œillade, terret gris, calabrese, touriga nacional, assyrtiko, agiorgitiko, etc. Ces noms qui sentent bon l’Italie, le Portugal ou la Grèce ne vous parlent sans doute pas. Ce sont des variétés d’intérêt à fin d’adaptation, dites Vifa. L’Inao a mis en place la démarche qui porte cet acronyme en 2018 avec l’idée de donner aux vignerons la possibilité d’essayer ces variétés, en les plantant mais aussi en les utilisant dans leurs assemblages. Pas question pour autant de remplacer grenache, chardonnay, merlot ou syrah. Face aux changements imposés par le dérèglement climatique, ces cépages plus tardifs, dits « patrimoniaux » ou étrangers, qui peuvent échapper aux gelées de printemps, chargent moins le vin en alcool et offrent plus d’acidité naturelles, forment un complément. Car il faut faire des choix. Parmi les multiples outils qui existent pour s’adapter (le mot « boîte à outils » revient dans toutes les bouches), le matériel végétal est un point essentiel. Trois options s’offrent au vigneron : changer radicalement de cépage, tenter les cépages expérimentaux qui résistent aux maladies fongiques ou tolèrent la sécheresse, privilégier la sélection massale. Toutes représentent un coût et doivent être bien pesées, chaque région, sous-région, appellation ou vigneron ayant sa propre problématique. « Nous faisons face à deux problèmes liés mais bien distincts », note ainsi Stéphanie Daumas, directrice du syndicat de l’appellation languedoc. « La sécheresse avec le manque d’eau et le coup de chaud, qui fait l’effet d’un sèche-cheveux posé longtemps sur les vignes, comme fin août 2023. Le grenache par exemple, n’aime pas du tout. » Tout est question de mesure, dit-elle. « Nous devons trouver la solution la plus adaptée. Elle ne sera pas forcément idyllique. Dans certains cas, la réponse sera le gobelet, dans d’autre une densité de plantation plus basse, un apport de matière organique, un itinéraire technique différent. Ce qui est sûr, c’est qu’arracher les vignes de trente ans pour replanter en massale semble impossible à ce stade. Il n’y a pas de réponse unique dans des cultures vivantes. »

Piocher dans la diversité
D’où le choix des Vifa. « Ce sont des variétés Vitis vinifera qui ont existé, mais n’ont plus leur heure de gloire, des variétés enregistrées au catalogue français. Ce ne sont pas des hybrides, ni des croisements, ni des variétés ex nihilo. Après les avoir étudiées, les organismes de gestion ont décidé qu’elles pouvaient d’adapter à notre région. » Pour maintenir une viticulture pérenne, l’Inao a compris que l’innovation variétale pouvait être une réponse à ce double défi « sécheresse-coup de chaud » et a donc offert cette possibilité de mener des expériences sur la base d’une convention tripartite entre l’organisme, le syndicat et le vigneron motivé. L’AOC languedoc fut la première à réagir. L’introduction de ces variétés est soumise à des conditions. En les limitant à dix par appellation et par couleur, en autorisant seulement 5 % de plantation de ces nouveaux cépages sur le domaine et leur intégration à hauteur de 10 % maximum dans l’assemblage final des vins, aucun risque de modifier le goût ni la typicité des AOC. L’appellation languedoc étant, de fait, bâtie sur la diversité des cépages, ajouter de la diversité à la diversité ne mange pas de pain. « Pendant longtemps, l’œillade, le terret gris, le carignan gris ne répondaient plus au contexte de production dans notre région. On les a oubliés et décriés. Aujourd’hui, on s’aperçoit qu’ils cochent certaines cases. En tant qu’organisation, nous souhaitons que le vigneron puisse aller piocher dans cette diversité pour faire face aux enjeux de demain », précise Stéphanie Daumas. Au bout de dix ans, trois voies s’ouvriront au syndicat, soit éliminer le cépage, soit l’intégrer définitivement, soit prolonger l’observation encore cinq ans. C’est grâce, entre autres, à Jean-Pierre Venture (Mas de la Séranne, à Aniane) que les Vifa sont entrés dans le cahier des charges des languedocs. Du fait de son parcours atypique, chercheur et biologiste avant d’être vigneron, il a toujours été curieux. Se lancer dans ces expérimentations lui fut naturel. « Un couple d’Anglais m’avait fait part de sa colère devant l’excès d’alcool des vins de la région. Et puis l’avancée des vendanges a été un déclencheur. » Sa reconversion sur le tard l’a amené à solliciter Jean-Michel Boursiquot, le grand spécialiste des cépages, comme professeur à la fin des années 1990 puis comme conseiller. Sur sa quinzaine d’hectares, au pied des terrasses du Larzac, il jongle avec vingt et une variétés différentes, dont la syrah, le grenache, le carignan, le mourvèdre et le cinsault à parité. Dès 2005, Jean-Pierre entame sa réflexion. « Plus on peut retarder la maturité, mieux c’est, le carignan est très bien pour ça. » Va pour le carignan (noir). En 2012, il plante counoise (0,3 hectares) et morrastel (0,5 hectares), des variétés tardives déjà présentes dans le cahier des charges des AOC languedoc et terrasses-du-larzac.

Le nero d’avola à la hauteur
En 2018, quand l’opportunité se présente, il se lance dans la plantation de Vifa et ouvre la voie de cette nouveauté. D’abord le cépage calabrese, alias nero d’avola (Sicile), puis du montepulciano (Abruzzes), de l’agiorgítiko (Péloponnèse), de l’assyrtiko (Santorin, Mer Egée), mais aussi du terret, du piquepoul noir, du rivairenc, pour dix ares chacun. Pourquoi pas, en effet, commencer par les cépages accessoires avant d’aller chercher plus loin ? « Il y avait des choses à faire comme demander l’autorisation de les utiliser à plus grande échelle dans les assemblages. Au lieu de 10, pousser à 30 %. Nous avons obtenu 20 % », explique le vigneron qui fait bouger les lignes, mais souhaiterait encore plus de liberté. « Je voulais rester dans les origines de notre culture, des cépages du Sud adaptés à la sécheresse et aux températures élevées. » Son plantier est sur un sol géologiquement homogène, pour pouvoir faire des comparaisons. Naturellement, le carignan sert de cépage témoin, sur trente ares. Le vigneron se doit de tout noter, la précocité, la date de débourrement, la date de récolte, le rendement, l’état sanitaire à la vendange, les degrés alcooliques à date égale, etc. Après quatre récoltes d’observation, exit le rivairenc qui ne correspond pas à ses critères. Trop dilué, pas de couleur. Il l’a déjà transformé en nero d’avola (par regreffage) qui, lui, se montre à la hauteur. C’est celui qui lui plaît le plus pour l’instant pour son aromatique, sa typicité. Les degrés se montrent légèrement inférieurs (1 à 1,5 degré de moins). Plus tardif, plus d’acidité, plus de fraîcheur. De ces jus, Jean-Pierre Venture ne produit que 200 litres, impossible de faire des cuvées monocépages. « En tout, j’en obtiens 8 hectolitres sur 700, je suis largement inférieur aux 10 %. » Dans les clous, mais pas complètement satisfait. Il aimerait que le cahier des charges soit plus ouvert aux autres variétés pour produire des vins typiques du coin, avec cette diversité bienvenue, sans être poussé à les déclasser en vin de France ou vin de pays. Ce n’est pas une question de valeur. Sa cuvée Bonaventura 2022, composée de morastel et de montepulciano (mille bouteilles seulement), est la plus chère de sa gamme même si elle est en dénomination vin de France (35 euros). « C’est que je suis d’ici, j’aime ma terre et je défends l’appellation et l’origine. Le goût du vin est plus important que le cépage. » Autre regret, il se sent un peu seul dans cette démarche aussi innovante que nécessaire. Le manque d’aide financière de l’Europe ? « On a essayé d’œuvrer au plan collectif pour restructurer le vignoble », explique Stéphanie Daumas. « On aurait aimé aider au financement des plantations, pour soutenir les vignerons qui prennent des risques. Les aides ont été refusées, allouées aux cépages classiques qui ont des débouchés commerciaux. Sans aide, moins d’engouement, ce qui entraîne moins de commandes. Du coup, les pépiniéristes ne se précipitent pas pour reproduire des plants et quand un vigneron veut se lancer, il n’y en pas. » Le serpent qui se mord la queue.

Un défi collectif
Il n’en reste pas moins qu’une vingtaine d’appellations ont entamé une démarche Vifa dans toute la France. Au cahier des charges des AOC côtes-du-rhône et côtes-du-rhône villages se sont notamment invités le floréal et le carignan blanc, qui affiche 13 degrés potentiel d’alcool, voire 12 sur les sols pauvres, quand le grenache blanc chauffe à 15 ou 16 degrés à la vendange. Les esprits s’ouvrent et les règles aussi. Même la Champagne a intégré fin 2022 le voltis, devenant ainsi la première appellation à accueillir un cépage résistant au côté de ses cépages classiques. Pour l’instant, il semblerait apporter une certaine rondeur au chardonnay. Jamais autant de projets n’ont été développés en commun que pour faire face à ce défi climatique préoccupant. Du côté de l’Inrae, dix ans de travail conjoint de la profession, des chercheurs aux interprofessions, ont permis de souligner l’importance de la diversification du matériel végétal (projet Laccave, 2012-2021). Des cépages se montreraient plus tolérants (cabernet-sauvignon, grenache, roussanne, xinomavro, mourvèdre, bobal, garnacha peluda, mazuela, xynisteri) quand d’autres y seraient sensibles (merlot, tempranillo, syrah, viognier, sémillon, forcallat, garnacha tintorera). À l’unité de Pech-Rouge, à Gruissan dans l’Aude, pas moins de trois cents variétés sont étudiées pour comprendre comment la plante peut produire du raisin avec peu d’eau. Mais tout cela est encore en phase expérimentale. Et pour longtemps. Le temps de poser plein de questions. Ou pas. Au château Mont-Redon, historique domaine de Châteauneuf-du-Pape, hors de question de modifier le style de la maison : « Changer l’encépagement ? ça me choque. Une appellation est un concept local, loyal, et constant. Si l’on modifie les cépages d’origine, même pour des variétés résistantes, on change le goût du vin. Nous sommes ancrés dans la tradition. C’est ce qui fait la réputation de nos crus. Sur les vins de pays, c’est autre chose. » Plus au nord, on lorgne sur les cépages du Sud. À Chinon, Jean-Martin Dutour (Baudry-Dutour) veille sur six domaines couvrant 200 hectares, dont le château de La Grille, acheté en 2009, et le dernier en date, le domaine Nau, un coup de foudre pour ce superbe terroir de cabernet franc, en 2021. Il craint les gels, récurrents. « Soit on protège la vigne, soit on change de cépage. Si l’on annonce un risque de gel accru sur les trente ans à venir, qu’il gèle une année sur deux, alors je suis mort. Arracher pour du mourvèdre ? J’y ai pensé. Dans la région, les essais se font de manière très timide, syrah, grenache, on anticipe un peu. Nous sommes très attachés à nos cahiers des charges. Tout nous lie au cabernet franc, l’histoire avec Rabelais comme les copains qui finissent toujours leur réunion en criant “Vive le cabernet franc !”. Et puis, il faut trente ans pour connaître les dates de débourrement des autres options. Je crois plutôt en un cocktail de solutions. »

Adieu merlot, je t’ai aimé
Chez Plaimont, le changement ne fait pas peur. En perpétuelle adaptation, le groupe gersois prend le taureau par les cornes. « J’ai une conviction, le cépage est une mise en valeur d’un endroit à un moment donné », dit Olivier Bourdet-Pees, le directeur général de ce groupement de vignerons. « Et quand la terre tourne, des pages se tournent. Le merlot, si adulé dans le monde entier pour sa douceur et son velouté, se montre aujourd’hui un bien mauvais compagnon. Sensible aux maladies, prompt à couler à la moindre pluie à la floraison, flétrissant en fin de cycle, il accumule les travers. Il y a dix ans, on rêvait de ce cépage, aujourd’hui, les vignerons n’en veulent plus. » Jusque-là, les parcelles de tannat de ce vignoble étaient situées plein sud, à la recherche des degrés. Changement radical, avec l’autorisation du grand manitou. « Il a fallu passer en force avec l’Inao, on s’est battus comme des chiens pour autoriser les pentes nord pour notre tannat en appellation saint-mont. Dans les années chaudes et solaires, il monte en alcool. Cette fois, c’est le consommateur qui n’en veut plus. » Heureusement, le tardif s’est invité. Ce cépage porte bien son nom. D’origine pyrénéenne, il avait totalement disparu car il ne mûrissait pas. Aujourd’hui, c’est l’aubaine. « Il s’adapte bien, porte le raisin à maturité pleine. Assemblé au tannat, il maintient l’équilibre et la fraîcheur. » Reconnu grâce à Plaimont au catalogue des cépages autorisés en France, le voilà entré par la porte des vins de France en AOC saint-mont, en observation (à hauteur de 10 % maximum) jusqu’en 2023. Il deviendra un cépage accessoire à partir de 2024 et sera alors autorisé à hauteur de 30 à 35 % de l’assemblage. « Il entrera dans l’histoire de l’appellation, l’aidera à être en harmonie avec son temps. Ce tardif sera déterminant dans le décret. » Il n’est pas le seul. Le manseng noir, totalement disparu, produit des vins à 12 degrés maximum. Jadis, il plafonnait à 7 degrés quand le tannat montait à 11 ou 12. Il a donc été supplanté à l’époque, mais revient aujourd’hui en toute logique. « En IGP côtes-de-gascogne, on a arraché tous nos tannats jusqu’au dernier pied ! » Étudié depuis 2002, le manseng noir complète désormais les restes de merlot. « On a toujours besoin d’un plus petit que soi », s’amuse Olivier Bourdet-Pees. Inutile il y a cent ans, ce cépage modeste et très acide contrecarre la lourdeur du merlot, lui permet de subsister dans un vin frais et facile à boire.

Cépages uniques
Les choix de cépages se corsent quand la possibilité d’assemblage se réduit. En Bourgogne, on marche sur des œufs. Pinot noir et chardonnay ne se remplacent pas d’un claquement de doigt. Or, comment conserver les équilibres, les rendements, résister au stress hydrique et retarder le débourrement, questionne Christophe Deola, le directeur du domaine Louis Latour. « Nous n’avons pas le choix que de faire des essais, nous devons nous préparer. » La Bourgogne et la Champagne, qui partagent ces deux cépages essentiels, se sont donc unies autour d’un projet commun, Qanopée, qui vise à produire du matériel végétal, greffons et porte-greffes, sain et de qualité. Le Beaujolais s’est joint à eux. Une serre située à Oger, dans la Marne, a vu le jour pour un montant de 8,2 millions d’euros. Y seront reproduites les souches de chardonnay et de pinot noir les plus pures possible, ainsi que d’autres cépages. « Car les pépiniéristes, à force de dupliquer, dupliquer et dupliquer, produisent des plants qui ne sont plus très propres, issus de bugs génétiques », explique Frédéric Drouhin, président du directoire de la maison Joseph Drouhin. Ces nouveaux plants seront revendus aux pépiniéristes. Une étude a été faite qui a identifié 500 souches de pinot et 300 de chardonnay, ce qui est énorme. « On se rend compte que les porte-greffes d’avant ne sont plus adaptés aux conditions d’aujourd’hui, les pieds de vigne meurent de manière précoce. » Enfin, la maison beaunoise a partagé avec d’autres acteurs sa base de données de vieux matériel génétique, « les pieds du grand-père » qui semblent mieux résister aux conditions actuelles. « Le problème, c’est que tout cela prend du temps ! », déplore-t-il. En Alsace, région où le cépage trône sur l’étiquette, la situation est également complexe. Que faire pour calmer la souffrance du riesling qui peine à supporter les chaleurs intenses à la veille des vendanges ? « Le déplacer sur des pentes moins exposées au soleil, le cultiver différemment », commente avec sérénité Arthur Froehly, responsable du pôle technique du comité interprofessionnel des vins d’Alsace. Rassemblé depuis juin 2024 au sein de Vinipole, une plateforme commune à la région, comme en Occitanie, le vignoble alsacien se donne les moyens de s’adapter vraiment en « changeant des petits paramètres ». En s’appuyant sur la commission technique nationale de sélection et de participation (CTNSP), en remettant le nez dans les collections, il s’agit de rechercher parmi les rieslings, gewürtztraminers et pinots abandonnés jadis des critères jugés favorables aujourd’hui. On voulait du sucre, on cherche l’acidité. « D’ici cinq ans, on sera prêts », promet le chercheur. Côté Vifa, le dossier est en cours ici aussi, piloté par l’organisme de défense et de gestion de l’appellation. Voltis, rouges, blancs, résistants et non résistants, chenin, syrah, un peu de tout, on devrait vite en savoir plus. Enfin, des variétés spécifiques sont en cours de création. En tout, 280 génotypes, la moitié de parenté riesling, l’autre de gewürtztraminer. En 2026, une quinzaine auront été sélectionnées avec l’idée d’obtenir une ou deux perles rares d’ici 2030. De la chambre d’agriculture au service R&D de l’interprofession, tous auront un livré un maximum de matériel pour s’adapter. Il ne restera plus qu’à inscrire le meilleur dans le cahier des charges.

Le monde de demain #2 : La guerre de l’eau


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Le Languedoc-Roussillon souffre du manque d’eau. Comment gérer le vignoble dans des conditions aussi extrêmes ? Et comment apprendre à cultiver l’eau ? Sans eau, la vigne crève, ni plus ni moins. Dans notre imaginaire, la plante doit souffrir pour faire bon : le manque d’eau lui serait favorable. Et l’irrigation passe au mieux pour une béquille, au pire pour un outil booster de rendements. Il est temps de changer notre perception des choses. Car les vignerons du Sud font aujourd’hui face à des réalités bien rudes. Combien sont-ils à voir leurs pieds périr, même élevés dans d’excellentes conditions ? Au domaine de Trévallon, en Provence, Ostiane Icard constate de plus en plus de manquants alors que le vignoble, en agriculture biologique depuis toujours (1976), est entouré de forêts de chênes et de pins et qu’une pluie salvatrice vient ici et là arroser la terre. Il y a moins d’eau, certes, mais il y a de l’eau. Alors que dire des coins de France touchés de plein fouet par la sécheresse ?
Virgile Joly, qui exploite 30 hectares dans l’Hérault, en sait quelque chose. Situé à Saint-Saturnin-de-Lucian, il compte sur le Salagou, comme d’autres vignerons concernés. Un projet collectif d’irrigation sur 700 hectares est en cours, alimenté par l’association syndicale autorisée (ASA) et financé par l’Europe, le département et la région. L’eau viendra de ce petit lac charmant offrant un cadre idyllique aux baigneurs et aux sportifs avec son drôle d’air lunaire et sa terre rouge surprenante. Il fut conçu dans les années 1960 pour atténuer les crues de l’Hérault et subvenir aux besoins de l’agriculture. Une méga-bassine avant l’heure. « Les travaux ont commencé. Les gros tuyaux sont en train d’être posés, ce sera fini en mars 2025. Cela concerne les vins en appellation. Il s’agit de préserver le vignoble, la bonne santé du végétal, et non de tirer sur les rendements. Ce sera limité à mille mètres cube par an et par hectare, pour compenser l’équivalent de trois orages de moyenne importance qu’on n’aura pas eu naturellement. » Lui compte irriguer 60 % de son domaine, au goutte à goutte, avec un système de pilotage à partir du smartphone. Tout le monde respectera la quantité attribuée. Une formation est prévue pour savoir quand irriguer et comment ne pas gâcher l’eau. Car l’eau est le nerf de la guerre. Comment donner à boire à sa vigne quand elle se fait plus rare ? Trois choix s’offrent au producteur : quitter le lieu et en chercher un plus favorable, recourir à l’irrigation ou tout faire pour que la vigne puise ses ressources vitales ailleurs, en profondeur, tant que c’est possible. Concernant la pratique de l’irrigation, Jean-François Blanchet, le directeur général de la compagnie d’aménagement du Bas-Rhône et du Languedoc (BRL), tient à rétablir quelques vérités. Ainsi, l’irrigation telle qu’on l’entend en France consiste à « amener l’eau qui ne vient pas de manière régulière comme elle venait avant les changements climatiques ».

Gérer le manque
Le dérèglement a pour conséquence des sécheresses plus longues, plus fréquentes et plus intenses avec des facteurs de canicule plus élevés. La température augmente, donc le besoin en eau des végétaux aussi. L’irrigation n’est que la compensation de ce que le climat n’apporte plus : 500 à 700 m3 d’eau par hectare, soit l’équivalent de 50 à 70 millimètres de précipitation selon les types de sol. C’est un complément, la très grande majorité des besoins en eau de la vigne venant de la terre (la réserve utile reconstituée en hiver et au printemps) et du ciel. L’irrigation représente tout au plus 10 à 20 % du besoin total : « Il ne s’agit pas de produire davantage, mais de produire un vin de qualité satisfaisante et régulière ». Le spécialiste ajoute que, comparativement à un pêcher ou au maïs, la quantité d’eau utilisée par la vigne est ridicule, distillée au goutte à goutte, bien loin de la technique – qui pourtant porte le même nom – appliquée dans les vignobles en Argentine, au Chili, en Afrique du Sud ou en Australie, où la quantité d’eau utilisée n’est pas comparable. Opérateur de la région Occitanie, le groupe BRL alimente ainsi 50 000 hectares de cultures dans le Gard, l’Hérault et l’Aude, principalement Picpoul-de-Pinet, le Minervois et les Costières de Nîmes, dont 70 % sont des vignes. Plus loin encore ? Le programme Aqua Domitia apportera de l’eau dans les Pyrénées Orientales, dans la vallée de l’Agly qui tire sérieusement la langue. Le projet a été pensé dès 2010 et son coût est de 220 millions d’euros. Aujourd’hui réalisé à 85 %, il transférera l’eau du Rhône jusque dans le Biterrois et le Narbonnais.
Mais le fleuve est-il inépuisable ? Tous les ans, 57 milliards de mètres cube d’eau coulent inlassablement vers la Méditerranée. Trois milliards sont prélevés, dont 150 millions de mètres cube par le réseau BRL, « soit 5 % de tous les prélèvements sur le bassin versant du Rhône ». Une goutte d’eau, sans mauvais jeu de mot. Pas de risque d’épuiser le plus puissant fleuve de France de sitôt, rassure l’opérateur, même s’il est lui aussi soumis au changement climatique. Selon l’Agence de l’eau et les études scientifiques, son débit a baissé de 13 % à Beaucaire en été et devrait encore fléchir d’ici 2050 (-20 % selon les estimations). Côté aménagement, les seules limites sont les coûts d’investissement (tuyaux et stations de pompage) et les tarifs de l’eau. Côté vignoble, on appréhende de mieux en mieux cette technique « Sur les vingt dernières années, les viticulteurs ont gagné en compétence de façon remarquable », note Jean-François Blanchet. « Cela leur permet d’avoir le frein et l’accélérateur sur la manière d’apporter de l’eau au bon moment, dans la bonne quantité. Les vignerons ne font pas n’importe quoi en matière d’irrigation ! » Ce que détaille Nicolas Saurin, directeur de l’unité expérimentale de Pech Rouge à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) : « Il faut un peu de stress hydrique, mais il doit rester modéré. S’il est insuffisant, la vendange risque la dilution. S’il est trop fort, on risque le blocage de maturité. L’idée est de faire mûrir le fruit dans les meilleures conditions possible. Quand on commence à irriguer, il faut continuer jusqu’à la récolte, voire après la récolte si l’automne est sec. La plante va arrêter de mettre de l’énergie sur le fruit et va mettre en réserve. Cette mise en réserve est essentielle ».

Attention à l’effet sucette
« Il n’y a pas de solution unique, ni de miracle d’adaptation au changement climatique », conclut le gestionnaire d’eau du Rhône, qui se montre tout aussi passionné lorsqu’elle est transformée en vin. « C’est un nouveau paradigme, une nouvelle façon de mettre en œuvre des cultures sur l’ensemble de la planète, car 100 % de la planète est touchée. Aucun hectare n’y échappe. Cela nous amène à revisiter les approches que l’on pouvait avoir, sur un climat qui était relativement constant (à l’échelle d’une génération), avec des variations non pas climatologiques, mais météorologiques (des années humides, moyennes ou sèches). Il faut repenser la viticulture, les choix de cépages, les relations à l’eau, les pratiques culturales, le travail de la vigne, les manières de vinifier. » Pourtant, pour beaucoup de vignerons, l’irrigation reste encore une solution extrême qu’ils préfèrent oublier pour l’instant. « Mettre de l’eau en surface, c’est comme donner une sucette à un enfant. Il ne peut plus s’en passer ensuite », met en garde Antoine Veiry, gérant des domaine Montus et Bouscassé à Madiran. « La vigne ne pourra plus produire sans eau. L’irrigation est une vision à court terme. » Bien sûr, les jeunes pieds exigent de l’eau, il faut leur en donner s’il en manque au printemps, de l’ordre de quatre à cinq litres d’eau par plant au moment de la plantation, à renouveler deux fois pendant l’été en fonction de l’état du sol et des conditions climatiques. « La deuxième année, si on a fait un bon travail de plantation et qu’on a laissé s’enraciner le porte-greffe, pas besoin d’irriguer », poursuit Veiry. « Les vieilles vignes n’ont aucun stress hydrique. Les pieds sont plus résistants et puisent en profondeur. Dans les années stressantes, nos vieilles vignes, greffées sur place par les anciens, résistent bien. Et quand on creuse, on voit que le système racinaire s’est installé en profondeur. »
Au domaine du Bagnol, à Cassis, Sébastien Genovesi témoigne à son tour : « Nous sommes passés de 600-700 millimètres à 200-250, un climat de quasi-sécheresse. L’appellation autorise l’irrigation depuis peu. Certains commencent à le faire, moi je n’y suis pas favorable. On perd l’effet millésime. La vigne vit au rythme des saisons et du climat, elle s’adapte de façon remarquable. Laissons faire la nature. Le jour où ça se posera, peut-être que je le ferai. Pour l’instant je fais différemment. J’utilise des engrais foliaires à partir d’algue, d’aloe vera et de prêle. Et je préfère me pencher sur le matériel végétal. » Un matériel végétal, porte-greffe et cépage, qui sera le sujet du troisième volet de cette enquête sur l’adaptation de la vigne aux évolutions du climat.