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Le Grand Tasting fait confiance à Ligne W

« J’ai voulu créer une offre qui s’adapte à tous les moments liés au vin. Vins de copains, vins de prestiges, vins de terroirs », explique Sébastien Lézier, PDG du groupe Maison Château Laguiole, partenaire du Grand Tasting. Pour l’évènement, il présente la marque Ligne W, fondée en 2008 dont la gamme permet « à chacun de trouver un sommelier qui lui ressemble » pour un éventail de prix variant entre 10 et 160 euros. « Dix artisans avec des savoir-faire différents sont nécessaires pour fabriquer un sommelier Ligne W. » Ces couteaux produits seulement à quelques milliers d’exemplaires par an (pour conserver leur qualité) sont entièrement assemblés à la main. « Il ne s’achète qu’une fois dans une vie. » Livré avec un QR code qui assure son authenticité, le couteau sommelier est réparable et garanti à vie. La « Maison » regroupe les marques Ligne W, Matéo Gallud, Guy Vialis et Château Laguiole.

Un blanc profond dans le bon format

Clos de L’Oratoire des Papes,
châteauneuf-du-pape blanc 2022

Pourquoi lui Cette propriété, membre historique du groupe de domaines Advini, a fait des progrès qualitatifs considérables depuis sa reprise en main. À la vigne avec des pratiques culturales irréprochables, comme au chai. Des vinifications créatives emmènent les blancs vers plus de fraîcheur, plus d’arômes. Peu à peu – et depuis son installation dans un site d’exception – le Clos de L Oratoire des Papes rejoint les sommets de l’appellation avec des prix d’autrefois. C’est reposant…

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Golden Vines : glamour, faste et charité

La soirée de gala donnée pour la remise des Golden Vines avait lieu dans les salons de l’Opéra Garnier.

Au départ était Gérard Basset. Le célèbre sommelier originaire de Saint-Etienne a fait carrière en Angleterre. Brillant, il a raflé toutes les récompenses possibles. Meilleur sommelier du Monde, Master of Wine, Master Sommelier, Officer of the British Empire. Autant de distinctions qui ont suivi son nom pendant sa carrière. Gérard Basset « OBE, MW, MS » est décédé prématurément en 2019 et son partenaire dans la société Liquid Icons, Lewis Chester, ainsi que sa veuve et son fils, Nina et Romané Basset, ont voulu continuer à faire vivre son héritage.

Lewis Chester, l’homme d’affaires, a transformé Golden Vines – initialement mention honorifique du Global Fine Wine Report (NDLR, un rapport annuel qui décrypte les tendances à l’œuvre sur le marché des vins fins) – en une soirée de gala qui récompense les meilleurs vignerons de l’année. Autour de l’événement, trois jours de festivités permettent aux amateurs fortunés de vin fin d’en goûter beaucoup, d’assister à des masterclass et de visiter des propriétés.

Organisée cette année par Crurated, société de distribution de vins rares qui fonctionne par adhésion, et Sotheby’s, une vente de charité pendant l’événement permet de financer la fondation, dont le rôle est d’attribuer des bourses à des personnes méritantes qui veulent intégrer le monde du vin ou de l’hospitalité. Au cours de sa vie, Gérard Basset a formé nombre de jeunes sommeliers, notamment lors des dix ans qu’il a passé à monter le groupe Hotel du Vin (NDLR, une chaîne d’hôtels-boutiques de luxe). Un travail de formation et d’intégration que la fondation de Nina et Romané Basset propose de continuer.

Romané Basset, Nina Basset et Lewis Chester font vivre la mémoire de Gérard Basset à travers les Golden Vines dont la vente de charité finance la Fondation Gérard Basset.

Trois jours à Paris
Organisateurs de cette édition parisienne, Liquid Icons, Golden Vines, Gérard Basset Foundation et Crurated avaient mis le paquet pour préparer ce rendez-vous. En particulier la remise des Golden Vines au cours de laquelle 250 personnes ont assisté à une impressionnante soirée de gala, au Palais Garnier de l’Opéra de Paris. De nombreux vignerons de haut niveau avaient eux aussi fait le déplacement. Luca Roagna (Piémont, Italie) et Charles Lachaux (Bourgogne), promus « meilleur jeune vigneron de l’année » les années précédentes étaient toujours de la partie. On pouvait aussi croiser Will Harlan (Harlan Estate, Californie) ou encore Egon Muller (Moselle, Allemagne).

Les participants prêts à dépenser une somme conséquente (10 000 livres le billet) pouvaient participer à plus de vingt dégustations et déjeuners exclusifs, pendant lesquels marques et vignerons célèbres expliquaient leurs vins. Ce qu’ont fait les groupes LVMH et Kering avec Krug, Dom Pérignon, Ruinart ou Château-Latour. L’idée était aussi de favoriser les synergies entre univers. La maison italienne de mode et de luxe Gucci avait ainsi réservé deux tables chaque soir pour ses meilleurs clients. L’Italie a d’ailleurs profité du moment pour mettre en avant ses grands vins lors de deux masterclass et d’un déjeuner au Royal Monceau. Sous les dehors festifs, les enjeux étaient importants pour mettre en relation les vins les plus chers avec ceux qui ont les moyens de les boire.

La soirée de gala donnée pour la remise des Golden Vines avait lieu dans les salons de l’Opéra Garnier.

Les gagnants
Près de 500 professionnels élisent chaque année les meilleurs producteurs afin de leur attribuer un Golden Vine. Un processus similaire à celui des Césars ou des Oscars dans le cinéma. Le domaine de la Romanée-Conti a été élu pour la troisième fois « Best Fine Wine Producer ». Il ne pourra plus remporter cette distinction, comme le domaine californien Ridge Vineyards, élu pour la troisième fois « Best Fine Wine Producer » pour le continent américain. Le titre de « Best Rising Star » (meilleure star émergente) était le plus attendu. En 2021, la récompense avait fait exploser quasi-instantanément la réputation mondiale de Charles Lachaux (du domaine Arnoux-Lachaux à Vosne-Romanée) et les prix de ses vins par la même occasion. Cette année, le vigneron Eben Sadie (Afrique du Sud) remporte la distinction pour ses vins de terroir du Swartland, unanimement appréciés. Au cours de la cérémonie, d’autres distinctions mettent en valeur des domaines moins connus. Celui d’Emidio Pepe (Abruzzes, Italie) a gagné le « Sustainability Award », pour son engagement dans le développement durable.

Former les profils atypiques
Si la Fondation favorise l’apprentissage du vin à grande échelle, notamment avec le diplôme Wine and Spirit Education Trust (WSET) qui certifie des niveaux de connaissance du vin, elle investit aussi dans des bourses, avec des partenaires. L’accent a été mis cette année sur les bourses « diversité » et la « Taylor’s Port Golden Vines Diversity Scholarships », qui permettent à des individus au parcours atypique et dont les origines sociales ou culturelles ne favorisent pas l’entrée dans le monde du vin, de trouver leur place dans celui-ci, notamment en suivant le parcours qui doit les mener au titre de Master Sommelier ou Master of Wine. Ainsi, on a pu faire la connaissance d’Eduardo Bolanos, originaire du Guatemala, qui travaille chez un distributeur de vin à Los Angeles. Pour lui, aux États-Unis, les personnes d’origine hispanique sont généralement perçues comme celles qui font les vendanges ou débarrassent les assiettes, plus rarement comme celles les mieux formés pour choisir ou conseiller le vin.

Sachindri Rana et Amrita Singh, deux femmes d’origine indienne ont également été récompensées. La dernière, aujourd’hui installée à Bordeaux, aimerait retourner en Inde pour diffuser cette culture du vin encore étrangère à son pays. C’est là l’intérêt de ces gratifications : propager la culture du vin et son goût, dans des zones géographiques où sa connaissance est encore balbutiante.

Après Florence en 2022 et Paris cette année, Madrid accueillera l’an prochain les participants de la fête des Golden Vines. Certes, la portée de ces récompenses peut être questionnée dans la mesure où elles concernent une fraction quelque peu élitiste du monde du vin. Mais l’événement a le mérite de permettre à des clients dispersés partout dans le monde de vivre, le temps d’un week-end, plusieurs expériences inoubliables.

Castelnau partenaire de la sommellerie française

Effectif en 2024 et signé entre la maison de Champagne et l’Union de la sommellerie française (UDSF), ce partenariat aura pour but de perpétuer l’art de vivre français auprès des sommeliers. L’association s’est fixé trois objectifs : « l’évolution de la perception de la sommellerie vers davantage de proximité », « viser l’excellence professionnelle par la formation au service et à l’univers du champagne » et « renforcer les liens entre les sommeliers et les métiers de la restauration ». Un travail de pédagogie et de prescription qui prendra la forme de masterclass et de journées immersives dirigées par Carine Bailleul, la cheffe des caves de Castelnau, et par le sommelier Fabrice Sommier, président de l’Union.

Hannelore Chamaux, la directrice générale de la maison rémoise, détaille ce partenariat : « Nous avons hâte de créer ensemble de nombreuses rencontres pour favoriser la transmission de nos connaissances mutuelles, de nos valeurs et de notre vision de l’art de vivre ». Avec trois étoiles dans notre guide Le Nouveau Bettane+Desseauve 2024, Castelnau s’associe depuis longtemps aux tables gastronomiques. Ses champagnes sont distribués en circuit sélectif où les sommeliers deviennent des ambassadeurs de marque. L’UDSF fédère 1 200 membres actifs issus de 23 régions. Elle décerne les titres de Meilleur sommelier de France et de Meilleur jeune sommelier de France et contribue au concours des Meilleurs ouvriers de France (MOF) sommellerie.

La maison de cognac fait don de ses chênes pour la cathédrale

« S’engager pour la sauvegarde du patrimoine culturel en s’appuyant sur notre patrimoine naturel est un magnifique symbole », souligne Laurent Boillot, président de Hennessy. La maison de cognac participe à la reconstruction de Notre-Dame de Paris en offrant 36 chênes centenaires à l’établissement public « Rebâtir Notre-Dame de Paris ». Les arbres, issus du domaine de la maison, ont été choisis et préparés par les experts forestiers et les bûcherons de sa filière forêt-bois. Ils sont destinés à la reconstitution de la flèche effondrée qui en nécessite 1 200. Dessinée par l’architecte Viollet-le-Duc en 1859, elle sera reconstruite à l’identique.

Depuis les années 1970, Hennessy est gestionnaire de 538 hectares de forêts dans l’Allier, précisément dans les Bois de Celle et de Bagnolet. Engagée à titre de mécène auprès de l’Office national des forêts (ONF), la maison garantit aussi la gestion durable d’une forêt historique pour le cognac, celle de la Braconne en Charente. Depuis 2020, avec l’appui de Reforest’Action, Hennessy contribue la restauration de 50 000 hectares de forêts – l’objectif d’ici 2030 – en Asie, en Afrique et aux Etats-Unis.

La maison souhaite aussi planter 35 000 chênes au cours des cinq prochaines années. Un engagement environnemental que l’on retrouve aussi au sein de son vignoble, puisque Hennessy promeut la biodiversité avec un programme d’agroforesterie (NDLR, mode d’exploitation agricole qui associe la plantation d’arbre pour assurer la préservation et le renouvellement des ressources naturelles). Des haies sont plantées sur 40 hectares pour assurer un écosystème plus durable.

Badet Clément change de nom

Catherine, Jeanne et Laurent Delaunay.

Le groupe Badet Clément (Edouard Delaunay en Bourgogne, le domaine Les Jamelles et Abbotts & Delaunay dans le Languedoc, etc.) devient Delaunay Vins & Domaines et officialise l’arrivée de Jeanne, la fille de Laurent et de Catherine Delaunay. Jeanne s’impliquera désormais dans les choix techniques de la gamme Abbotts & Delaunay, avec pour ambition d’élaborer de grands vins du Languedoc.

Après une école de management, un passage dans la winery de Francis Ford Coppola et des études en viticulture-œnologie, la jeune femme s’est formée auprès de Thibault Liger-Belair et du domaine de la Romanée-Conti. Outre ses missions entrepreneuriales dans le sud de la France, elle coordonnera la stratégie RSE, préoccupation du groupe depuis plus de dix ans. Pour atteindre ces objectifs (obtention du label ECOVADIS en 2024 et certification B CORP en 2026), Jeanne Delaunay a défini plusieurs piliers, dans une volonté de transmission des savoir-faire auprès des salariés de l’entreprise : maîtrise et innovation, réduction des impacts et valorisation des déchets, adaptation au changement climatique et restauration de la biodiversité, etc.

Le Grand Tasting fait confiance à Riedel

« Quand on a démarré l’aventure du Grand Tasting, il était inenvisageable de travailler sans Riedel. Fournir des verres à un évènement où il y a dix mille personnes, c’était un pari de leur part et un acte de confiance à notre égard ». Thierry Desseauve sait qu’un salon comme celui qu’il organise à Paris implique une logistique bien pensée et des partenaires de confiance.

Depuis la première édition, le verrier Riedel, qui a vu le jour en 1756, affiche aux côtés de Bettane+Desseauve la même ambition : faire vivre aux amateurs la meilleure expérience possible de dégustation. Une promesse exigeante, compte-tenu de la diversité des vins présentés, de leur nombre et de celui des visiteurs. Andrée Virlouvet, la directrice de l’évènement, précise : « Avec dix mille visiteurs, seul Riedel peut fournir autant de verres de cette qualité. De notre côté, nous assurons la rotation des verres propres avec un système de plonge en continue ».

Le « vinum riesling » (choisi pour l’évènement) correspond au verre le plus « universel » possible. Sa forme permet de faire ressortir les arômes du vin, prérequis essentiel pour Michel Bettane qui juge « crucial le rôle de la qualité du verre dans l’expérience de dégustation. Les verres Riedel permettent d’apprécier les nuances d’arômes et de goûts des meilleurs vins du monde ». À noter que lors des masterclass, les verres proposés rendent l’expérience encore plus exceptionnelle.

Au début, il y a Pontet-Canet


Cet article est paru dans En Magnum #28. Vous pouvez l’acheter sur notre site ici, ou sur cafeyn.co.


Après sept décennies sereines, Alfred Tesseron a toujours dans le regard la malice rieuse du gamin espiègle qu’il fut. Fils d’une famille cognaçaise fameuse – avant de créer leur propre marque, les Tesseron fournissaient aux grandes maisons de rares eaux-de-vie d’âge vénérable qui leur permettaient d’affiner leur meilleures cuvées – Alfred a longtemps mené sa barque entre Bordeaux et Cognac, avec de longs détours vers Paris et les ÉtatsUnis. Il a vendu avec succès et enthousiasme du vin et des spiritueux de différentes marques pour différentes maisons et à différents publics. Il s’est ainsi construit une première carrière en cultivant une indépendance d’esprit et d’action vis-à-vis d’un cadre familial un brin cadenassé. Son père Guy Tesseron avait acquis à Saint-Estèphe le château Lafon-Rochet en 1960 puis, à Pauillac, Pontet-Canet en 1975.

Au fil des années, Alfred s’était tout de même rapproché des affaires de son père, et rien n’était moins imprévisible que cette date de 1994 lorsque le patriarche lui demanda de prendre en main Pontet-Canet. Pourtant, Alfred se posait des questions, une en particulier. « Je me regardais dans la glace et je me demandais : qu’est-ce que je peux faire pour Pontet-Canet ? » Le cru, vaste et imposant, est intrigant. Voisin de Lafite et de Mouton, il n’a connu depuis sa création que trois familles de propriétaires. Un magistrat de la cour de Louis XV devenu gouverneur de Guyenne qui associa son nom, Pontet, au lieudit Canet. Au dix-neuvième siècle, une dynastie majeure des Chartrons, les Cruse, y accola pour plus d’un siècle sa puissance commerciale, avant que la crise des vins de Bordeaux en 1974 ne l’oblige à céder le cru à Guy Tesseron. Ses quatre-vingts hectares de vignes installés pour une partie majeure sur un spectaculaire plateau de graves profondes imposent le respect dû à un géant sage de Pauillac : « Je soutiendrais qu’il y a quelque chose de raisonnable et d’achevé, à la française, dans un verre de Pontet-Canet », écrivait le raffiné Henry James dans son Voyage en France publié en 1877. Au début des années quatre-vingt-dix, la crise économique a plombé les affaires du bordeaux, celles du cognac aussi. Les mauvaises récoltes se sont succédé et, malgré sa longue histoire, Pontet-Canet n’est qu’un cinquième cru classé parmi d’autres. Pas question donc d’ouvrir son ministère par de flamboyants investissements. « Mon père me disait : il faut serrer. » Alfred interprète la directive paternelle à sa façon. « La seule chose que je pouvais changer, c’était la vigne », en conclut-il. Homme de commerce et de contact, il n’en a pas moins cultivé un intérêt croissant pour la viticulture et les vinifications au cours des années qui précèdent son entrée en fonction. Comme beaucoup d’hommes et de femmes du vin de sa génération, les voyages et les rencontres décillent ses yeux et son palais autant qu’ils aiguisent l’imagination. Longtemps, les régions viticoles ont vécu en autarcie et celles qui, comme Bordeaux, avaient la chance de voir arriver des propriétaires ou des négociants d’autres horizons progressaient plus que les autres. Dans la France des trente glorieuses, les affaires marchent et on s’enferme volontiers dans un immobilisme satisfait. Alfred le baby boomer ne partage en rien cet état d’esprit conservateur. En Bourgogne, il rencontre des vignerons qui ont renversé la table d’un ordre œnologique et viticole médiocrement productiviste ; à Bordeaux, il a vu émerger quelques nouvelles méthodes. Il en choisit une, qui manque de clore son aventure à la tête de Pontet-Canet avant même qu’elle n’ait véritablement commencé. Il ordonne une « vendange en vert » au début de l’été pour faire tomber des raisins et limiter des rendements qui lui paraissent beaucoup trop généreux pour produire un vin capable d’être remarqué. Horrifiés par une pratique qu’ils jugent contre nature, quelques vignerons médocains travaillant sur la propriété ne manquent pas d’avertir Guy Tesseron. « Votre fils est en train de tuer le vignoble. » Au lieu de s’enflammer, l’atmosphère devient glaciale entre le père et son fils, qui ne se démonte pas pour autant. « Les raisins, on ne pourra pas les faire revenir. J’aurais dû t’en parler, maintenant, il faut attendre le résultat. » Le père ne dit rien, n’absout pas non plus. Quelques mois plus tard, il convoque à nouveau son fils pour lui parler de la pluie et du beau temps. À la fin de la conversation, lancé sur un ton bas et faussement anodin, Guy dit à Alfred : « Pour le vin, on fait comme on a dit ». Quand Alfred s’enquiert enfin de savoir ce que signifie cet elliptique comme on a dit, le patriarche rétorque : « Tu continues. J’ai quelques amis qui m’ont dit que le vin était bon ».

À partir de ce 1994 cathartique, Alfred décide. Pas seul. Il a rencontré dans la propriété un jeune responsable technique, Jean-Michel Comme, qui s’intéresse de près à la viticulture bio et à la biodynamie en particulier. En supplément à son travail à Pontet-Canet, il s’occupe avec sa femme d’une petite propriété familiale, le Champ des Treilles, à l’autre bout du département. Comme chaque année, Jean-Michel fait déguster son vin à Alfred. « Je goûte et je lui dis que ce n’était pas son vin. Trop frais, trop énergique, trop pur. Il me répond que c’est le premier millésime qu’il réalise en biodynamie. Presque aussitôt, je lui ai proposé d’utiliser la même méthode pour la propriété. » C’est ainsi que Pontet-Canet va s’engager, seul parmi ses pairs au mitan des années deux mille, dans la voie risquée et presque incongrue à l’époque de la biodynamie.

En 2004, quelques hectares de merlot sont cultivés ainsi ; l’année suivante, toute la propriété. Noël Mamère a certes réalisé le meilleur score d’un candidat vert aux élections présidentielles deux ans plus tôt, mais ce ne sont pas des convictions politiques qui ont conduit Alfred Tesseron à faire un choix qui va engager sa propriété pour les décennies à venir. C’est au contraire un mélange finement composé de pragmatisme, de bon sens et d’une volonté farouche de sortir Pontet-Canet du lot, fut-il extrêmement chic, qui le motive. On ne mesure pas à quel point le pari est à l’époque risqué pour un cru de ce prestige. Lorsqu’en mars 2006, il reçoit comme à l’accoutumée les négociants de la place de Bordeaux qui vont acheter en primeur son 2005, il leur annonce tout à trac qu’il a demandé la certification en agriculture biodynamique. « Ils m’ont pris pour un extraterrestre. Ils ont pensé que j’étais devenu coucou », s’en amuse-t-il aujourd’hui. Les négociants connaissent bien Alfred, certains depuis l’enfance ; ils connaissent son caractère affirmé, il fait aussi partie de la famille. Ils vont le suivre et cette campagne est un succès majeur. Pour autant, si le perfectionniste Jean-Michel Comme améliore chaque jour un peu plus la méthode et affiche des principes forts, Tesseron reste un homme, avec des craintes et des doutes. En 2007, le mildiou s’installe dans les vignes et les traitements biodynamiques paraissent bien aléatoires. Alfred craque et demande un traitement conventionnel. Il regrette aussitôt son geste, la sanction est sans appel : il faut recommencer à zéro les trois ans de conversion nécessaires pour être à nouveau labellisé. Ce sera fait en 2010, avec un label bio Ecocert (puis Demeter en 2014) et biodynamique Biodyvin. Pour autant, rapidement, les résultats sont remarquables ; avec aussi l’aide de Michel Rolland, consultant de la propriété dès 1999, et désormais celle de son disciple et associé Julien Viaud, le vin progresse spectaculairement en fraîcheur, en énergie et profondeur. Il a aussi gagné tout au long de la décennie deux mille et celle qui suit un statut nouveau. La réflexion d’Alfred Tesseron, qui intègre au sein de la propriété d’abord sa nièce Mélanie (présente jusqu’en 2017) puis, depuis 2015, sa fille Justine, ne s’est pas arrêtée à la seule viticulture. Jean-Michel Comme passe la main en 2020 à Mathieu Bessonnet, qui n’a cessé depuis la fin de ses études agronomiques en 2005 de travailler dans des vignobles biodynamiques. Pontet-Canet affine tout au long de ces années ses principes et ses méthodes pour constituer aujourd’hui une idée holistique et cohérente d’une certaine éthique vigneronne. Si les tracteurs sont toujours présents dans le vignoble, des percherons sont élevés depuis une quinzaine d’années dans la propriété et travaillent pour l’ensemble des travaux de l’année sur plus de la moitié du vignoble, avec l’objectif de moins contraindre le développement racinaire et de préserver un vignoble qui atteint aujourd’hui un âge moyen élevé. Les préparats biodynamiques sont élaborés eux aussi à la propriété dans une tisanerie installée là. Cet équipement n’a rien n’anecdotique lorsqu’on sait l’énorme réactivité qu’exige les traitements biodynamiques dès qu’une nécessité de prévention ou a fortiori d’intervention sur la plante apparaissent. Comme en 2007, les étés humides de 2018 et 2020 ont été marqués par le mildiou, mais cette fois-ci, l’équipe a pu parer aussitôt et autant de fois qu’il l’a fallu, samedis et dimanches compris.

Le château. Justine Tesseron, la fille d’Alfred, prend la main peu à peu.

Il règne aujourd’hui à Pontet-Canet une atmosphère paisiblement autarcique, renforcée par la beauté majestueuse des lieux et leur intemporalité. Le cuvier historique du XIXe siècle a été remis en activité en 1996 avec de nouvelles cuves en bois de 150 hectolitres, bien plus petites qu’à l’origine. Dix ans plus tard, les grosses cuves inox ont été remplacées par 32 cuves tronconiques en béton de 80 hectolitres. Le dernier cuvier de vinification, mis en service en 2017, comporte lui aussi 32 cuves en béton, cette fois de 40 hectolitres, mais surtout il intègre la philosophie biodynamique au sens large. L’isolation du bâtiment est faite en chanvre naturel afin d’assurer une bonne respiration du lieu. La grave de la cour de Pontet-Canet, extraite pour réaliser les fondations, a servi à la fois à la construction des murs et des cuves. Ces dernières ont été colorées grâce à l’argile contenue dans cette même grave. Toutes les masses métalliques sont reliées à la terre et il n’y a pas d’électricité (mis à part l’éclairage en LED 12 volts), raisin et vin n’entrent pas en contact avec des champs magnétiques ou électromagnétiques. Cette recherche successive de cohérence et d’harmonie a amené Alfred à abandonner le principe désormais traditionnel à Bordeaux du second vin (autrefois nommé Les Hauts de Pontet) pour ne produire que le grand vin. Depuis 2015, cette approche globale prévaut et chaque millésime est l’expression intégrale et naturelle du terroir de Pontet-Canet et de son interprétation par ceux qui y travaillent. « Je n’y pensais pas au début, mais ces décisions ont transformé ma vision des choses et du monde qui nous entoure », dit dans un demi-sourire Alfred Tesseron aujourd’hui. « Finalement, travailler ainsi est ce que nous devions à Pontet-Canet. »

Photos : Mathieu Garçon.

Les chapelles d’Aurélie Bertin


Cet article est paru dans En Magnum #32. Vous pouvez l’acheter sur notre site ici, ou sur cafeyn.co.


Sainte-Roseline n’était sans doute pas la propriété de Provence la plus difficile à mener sur la route du succès. Ce domaine des Arcs-aux-Argens dans le Var cumule les atouts. D’abord, celui d’avoir été façonné par la grande histoire. Au Xe siècle, on construit là une abbaye en l’honneur de Roseline, bientôt un cloître et enfin une chapelle pour abriter les reliques de la future sainte. L’ensemble est classé monument historique dès les années 1980. Les touristes s’y pressent, laissant derrière eux la proche Saint-Tropez ou la Croisette cannoise. Ils découvrent qu’on y fait du vin. Le vignoble est pourtant l’un des premiers de la Provence, planté dès le XVIe siècle.
Si ce cru provençal est classé en 1955 et que sa réputation n’est plus à faire, il se refait tout de même une santé avec l’arrivée de Bernard Teillaud, promoteur immobilier et père d’Aurélie Bertin, actuelle co-propriétaire avec sa sœur de Sainte-Roseline et du château des Demoiselles. Bien qu’elle s’occupe du projet œnotouristique de la propriété dès le début des années 2000, prendre la direction de ce vignoble de 110 hectares – et de ses nombreuses activités – intimide d’abord la jeune femme. Le milieu du vin est difficile. Il ne lui fait aucun cadeau. Aux commandes à partir de 2007, cette coureuse de fond de haut niveau se met en ordre de marche, se forme, s’entoure d’une équipe performante, renforce ce qui fonctionne.

Tenir la distance
Depuis les années 1970, le lieu entretient un lien fort avec l’art contemporain. Il suffit de pousser les portes de la chapelle pour tomber nez à nez avec une mosaïque monumentale de Chagall. Chaque été, le domaine multiplie les expositions d’artistes confirmés. Autre chantier, le vignoble. Une source en profondeur et les sols argilo-calcaires où sont plantés syrah, mourvèdre, cabernet-sauvignon, grenache, cinsault, tibouren (pour les rouges et les rosés), rolle et sémillon (pour les blancs) permettent une alimentation hydrique maîtrisée. Mais les récentes sécheresses estivales invitent à mettre en place des pratiques culturales adaptées et exigeantes. Aurélie a engagé vite et bien Sainte-Roseline dans des démarches de développement durable. Une reconnaissance de la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise d’abord et le bio avec le millésime 2022.
Éco-conception des produits, préservation de la biodiversité, protection du patrimoine, bien-être des salariés, les actions s’accompagnent de labels difficiles à obtenir : HVE, Vignerons Engagés, ISO 26000, ISO 26000, etc. Sur tous les fronts, Aurélie s’est forgée avec les années une vision de la qualité. Pour les vins des deux propriétés, mais aussi pour sa petite activité de négoce (Roseline Collection). Une vision commerciale aussi, avec la mise en place d’une stratégie de valorisation en adéquation avec la réussite insolente du rosé de la région, suffisamment performante pour convaincre la star planétaire Kylie Minogue de signer un vin de son nom.
Vingt ans après ses débuts, Aurélie s’est imposée comme l’une des figures de la nouvelle Provence viticole, impliquée avec la même volonté dans son tissu interprofessionnel que dans ses activités associatives. Elle incarne aussi, dans cette Provence moderne, un rôle jusqu’ici plutôt rencontré en Champagne ou à Bordeaux. Celui de super propriétaire ou super directeur capable de tout faire et de s’exprimer sur toutes les questions. Quel avenir pour la région ? Cette mère de trois filles sait que la transmission sera demain un sujet sur toutes les lèvres. Elle sait aussi que Sainte-Roseline doit continuer son chemin. Peu de choses la séparent désormais du plus haut niveau. Au fond, le parcours d’Aurélie résume bien la phase dans laquelle est entré le vignoble provençal. Impossible de survivre à la concurrence féroce sans en faire toujours plus. Reconnaissons que nous ne rencontrons pas si souvent autant de détermination.

Photos : Mathieu Garçon.

Billecart chez Brétaudeau, la bonne idée

Jérôme Brétaudeau et Mathieu Roland-Billecart.

Une bonne nouvelle pour se dire que tout ne va pas si mal.
La maison Billecart-Salmon vient d’investir chez Jérôme Brétaudeau, remarquable vigneron, l’as des as du muscadet. Un goût partagé sans doute pour les grands blancs et les pinots noirs somptueux. Après avoir signé Brétaudeau comme consultant en bio-dynamie, Mathieu Roland-Billecart franchit un pas de plus en déclarant vouloir pérenniser le domaine viticole de Brétaudeau. C’est bien d’apporter une touche de rigueur à un vigneron de génie en même temps qu’une distribution plus rationnelle…

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