La France savante célèbre le bicentenaire de la naissance de son génie. Si les apports de Pasteur sont indéniables, on aurait tort de les attribuer à son seul talent
Louis Pasteur est né le 27 décembre 1822, à Dole. Il y a 200 ans. Au-delà de l’Institut qui porte son nom, l’homme est avant tout associé à la mise au point de divers vaccins, notamment celui contre la rage. On sait moins qu’il commença par s’intéresser, avec succès, à divers champs d’investigation scientifique, de la stéréochimie jusqu’à l’élevage des vers à soie, en passant par la fermentation alcoolique. Ses travaux sur la fermentation alcoolique l’ont élevé au rang de père de la microbiologie et de l’œnologie moderne. On sait moins que leur présentation, ainsi que sa réfutation de la génération spontanée, s’est accompagnée de polémiques et de frictions dignes de nos réseaux (dits) sociaux. Par exemple, sur le sujet des agents de la fermentation alcoolique avec Justus von Liebig, généralement considéré comme le père de l’agriculture productiviste même s’il laissa un plus grand souvenir dans le potage.
Sur le sujet de la fermentation alcoolique entre autres, Pasteur a des prédécesseurs souvent négligés, voire oubliés. Charles Cagniard de la Tour, dès 1836, remarque que la levure de bière est vivante. Même constat chez l’italien Adamo Fabbroni en 1787. C’est tout aussi vrai lorsque l’on s’intéresse à la méthode qui porte son nom, la pasteurisation, méthode qu’il décrit dans son Etudes sur le vin, ses maladies, causes qui les provoquent, procédés nouveaux pour le conserver et pour le vieillir (1866). Au début du XIXe siècle, Nicolas Appert a publié son Livre de tous les ménages, ou l’art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales et végétales (1810). Il y parle déjà des vins en bouteilles, protégés après un passage au bain marie à 70°C. Appert renoncera à breveter son procédé afin que tous puissent en profiter. Il y gagne le titre de « bienfaiteur de l’humanité » et meurt ruiné.
D’autres suivent
Alfred de Vergnette de Lamotte, en 1840, propose de chauffer (ou de congeler) les vins afin de les conserver et les faire voyager sans risque. Ses échanges avec Pasteur sont violents. Dans Le vin, Vergnette écrit : « Admirateur vrai des travaux d’un savant célèbre qui a souvent abordé les mêmes questions que nous, nous les apprécions avec la réserve que nous commande la position toute particulière qui nous a été faite par ses attaques contre nous. Mais nous croyons que, nouveau venu dans ces études, il se serait certainement montré moins exigeant dans ses prétentions, moins agressif dans ses jugements, moins affirmatif enfin dans ses conclusions, s’il avait vécu depuis plus longtemps au milieu des faits œnologiques dont il s’est occupé. ». Pasteur lui rendra justice : « Il n’en est pas moins vrai que M. de Vergnette est la personne qui a le plus approché du procédé de conservation que j’ai fait connaitre et c’est son travail, ainsi que la méthode d’Appert […] que la vérité historique doit placer avant le mien. ».