Première participation, première marche du podium. Xavier Thuizat, chef sommelier de l’Hôtel de Crillon, a remporté dimanche 6 novembre le titre de Meilleur sommelier de France 2022. Ce trophée, remis à l’issue de l’épreuve finale qui s’est tenue au salon EquipHotel à Paris, récompense des années de travail et l’impose comme une figure de référence
Comment vous-sentez-vous après avoir remporté ce titre ? Que va-t-il changer dans votre carrière ?
J’éprouve beaucoup de joie, de fierté, d’émotion. C’est un grand soulagement aussi. Participer à un tel concours implique beaucoup de pression et de sacrifices familiaux notamment. J’ai deux enfants de deux et quatre ans. Mais ce trophée récompense 17 ans de travail. J’ai d’ailleurs attendu d’être prêt, d’avoir suffisamment de maturité et d’expérience pour me présenter à ce challenge. Ce qui change, c’est le devoir d’être exemplaire, de porter la réputation du métier au plus haut niveau.
Comment et combien de temps vous-êtes-vous préparé ?
Le travail de fond, c’est 17 ans d’entraînement et de lecture quotidienne de la presse spécialisée vin et gastronomie, française et internationale. Et depuis un an, je me suis entraîné avec mon équipe plusieurs fois par semaine, avec une discipline de sportif. Le plus difficile dans cette préparation a été la gestion du stress. Le concours se déroule sur plusieurs mois, les qualifications en avril, la demi-finale en septembre, la finale en novembre. C’est une longue tension nerveuse. Il faut se ménager des plages de récupération. Pour me détendre et me changer les idées dans la semaine précédant la finale, je suis parti à Milan. J’en ai profité pour aller admirer l’un des plus célèbres repas du monde, La Cène, l’autre chef d’œuvre de Léonard de Vinci, qui était aussi un amoureux du vin, « la divine liqueur de raisin » comme il l’appelait.
Vos meilleurs souvenirs de ce concours ?
Progresser, devenir plus fluide à chaque étape, est un sentiment unique et très encourageant. Il y a eu aussi cette sensation en finale, d’oublier la pression dès le premier exercice réussi, celui de la reconnaissance de cuvées à partir de fragments d’étiquettes, et de me sentir totalement en confiance. Autre grande émotion, la bouteille de château-d’yquem 2015 que Philippe Faure-Brac (ndlr, Meilleur sommelier de France 1988 et Meilleur sommelier du Monde 1992, président de l’Union de la sommellerie française) a débouché pour fêter cette victoire le soir-même en présence de tous les lauréats.
Quelles sont les premières qualités d’un bon sommelier ? Comment définiriez-vous son rôle aujourd’hui ?
La générosité et la curiosité sont deux qualités essentielles. Il faut aussi être fin psychologue et savoir garder le sourire. Nous sommes là pour donner du plaisir. Avant, le sommelier était une encyclopédie vivante, il faisait son show avec un vocabulaire compliqué. Aujourd’hui, nous sommes plus dans l’échange et la simplicité.
A qui dédiez-vous ce titre ?
À Pascal Bouchet, mon professeur de sommellerie au lycée hôtelier de Tain l’Hermitage, et aux chefs sommeliers qui ont marqué mon parcours, dont le premier, Eric Goettelmann, un MOF auprès de qui j’ai débuté au Relais Bernard Loiseau, à Saulieu. À ma femme Hitomi, l’indispensable soutien de chaque instant. Et à mon équipe bien sûr. Cette distinction est aussi la reconnaissance d’un travail précieux et minutieux que nous portons au quotidien à l’Hôtel de Crillon et que nous prenons plaisir à partager.
Vos accords mets et vins préférés ?
Dans la catégorie sans alcool, le thé pu erh, un thé fermenté cultivé dans le Yunnan depuis des millénaires, s’associe magnifiquement dans un ancrage terrien avec une poêlée de champignons de Paris et cèpes râpés à cru. A l’Ecrin, au Crillon, où le verre donne l’accord, je propose en ce moment un mariage précis et apaisant entre un saké japonais (ndlr, Xavier Thuizat est aussi Saké Samouraï), pur et délicat, et une langoustine au caviar et radis daikon. Côté vin, le dynamisme d’un accord entre un gewurztraminer de 15 ans et un munster au cumin est juste extraordinaire.