Nous apprenons avec une infinie tristesse le décès subit, à 71 ans, d’une des plus remarquables personnalités du vignoble français, Éloi Dürrbach. Né dans une famille très cultivée, avec une mère tapissière de génie et amie de Picasso et un père as du vitrail et peintre de talent, il pensait devenir architecte. Un stage à château Vignelaure, qui venait de créer un vignoble modèle près d’Aix-en-Provence, a changé son destin. Il crée de toute pièce sur trois vallons froids, inspiré par l’exposition de château Simone à Palette, un vignoble qui attirera la jalousie de tous les idiots de service qui abondent, hélas, dans les instances de nos appellations contrôlées, mais aussi l’admiration de tous les amoureux de grands vins de lieu. Les agronomes du XIXe siècle avaient compris que l’assemblage du cabernet-sauvignon et de la syrah, avec un appoint de grenache (mal à l’aise dans un micro-climat ne lui permettant pas une maturité optimale) rendrait justice au terroir. Vignelaure le prouvait au début des années 1970, la viticulture locale l’avait oublié et exclut Trévallon de l’appellation dès sa création. Tant pis pour elle, les vins d’Éloi par leur forte individualité, leur capacité à se développer magnifiquement en bouteille, deviennent peu à peu des références et s’attirent l’affection de tous les œnophiles de la planète. Éloi était, par ailleurs, un homme au caractère chaleureux, amoureux de la nature et de la bonne chère, ami de tous les bons vignerons de France et d’ailleurs. Il avait transmis sa joie de vivre et son immense savoir-faire à ses enfants et je pense ici à la peine qu’Ostiane, sa fille, ainsi que tous ses proches doivent éprouver. Nous la partageons avec l’immense regret de n’avoir pas passé, dans les dernières années, assez de bons moments avec lui tant il était proche dans nos esprits malgré l’éloignement géographique. Trévallon doit continuer à vivre et à régaler le monde, c’est la seule façon de dépasser un destin injuste et cruel.
Photo : Mathieu Garçon