Précocité la plus marquée depuis la Révolution française
À la date du premier septembre, les vendanges sont terminées ou en phase d’achèvement pour la Champagne, la Bourgogne de Chablis au Beaujolais et la Provence pour les blancs et rosés. Les blancs secs de Bordeaux commencent à peine tout comme les rouges de Loire, les rieslings d’Alsace, les vins du Rhône, de Loire et du Sud-Ouest. Elles se poursuivront tout au long du mois de septembre. Il est possible de commencer à faire le point sur les secteurs déjà récoltés. La précocité de ces secteurs est certainement la plus marquée depuis la Révolution française et n’a pas manqué de multiplier les difficultés, comme d’ailleurs les espoirs de produire du grand vin.
Confinement au soleil
Cette précocité extraordinaire n’est pas due aux pics de canicule de fin juillet et d’août, mais à la chaleur et l’ensoleillement exceptionnel d’avril qui a accéléré la floraison et la formation du raisin, sauf les derniers jours plus froids qui ont entraîné du millerandage et même ici ou là de la coulure, sur une sortie globalement très généreuse. La Gironde et le Sud-Ouest n’ont pas manqué de pluies de printemps et ont moins souffert de la canicule d’août. Les vignes de l’Est en revanche, après avoir échappé de peu au gel de printemps, ont connu une fin de printemps et un été exceptionnellement secs, pratiquement douze semaines sans une goutte d’eau et quelques terrifiantes pointes de canicule, à plus de 40 ° degrés, qui ont hélas entraîné ici ou là la brûlure des feuilles, accentuée par les traitements au soufre pour éviter l’oïdium, puis l’échaudage des raisins trop exposés au soleil et mal protégés par la chute des feuilles.
Le casse-tête de la bonne date
On trouvera donc dans le même rang, à la veille des vendanges, des petits raisins moyennement mûrs, des raisins parfaits, des raisins brûlés, et des raisins flétris, certains très goûteux, d’autres très peu. Dans ces conditions trouver la bonne date des vendanges, avec en plus les difficultés techniques et sanitaires d’une récolte très précoce encadrée par les précautions liées à la Covid, a été pour tous un casse-tête unique dans l’histoire. Cela n’excuse pas les départs précipités pour les chardonnays de Champagne ou de Bourgogne, pourtant en retard sur les pinots noirs, qui donneront peut-être des vins au goût du jour, mais en rien dignes du potentiel des terroirs et du millésime. Les samedis 22 et 29 août ont connu deux pluies bienfaisantes qui ont bénéficié aux vignerons courageux qui attendaient une maturité plus complète et ont rentré une vendange merveilleuse pour peu qu’ils soient capables de trier les 10 ou 20 % de raisins moins parfaits, mais sans trace de pourriture. Dans les crus du Beaujolais, les vignerons ont été plus sages en moyenne, ils ont rentré à partir du 23 et, surtout, du 27 août des raisins merveilleux, parfois un peu trop riches en sucre naturel, même si les vinifications en vendange entière diminueront forcément le degré final.
Des raisins remarquables
Partout, de la Champagne aux abords de Lyon, on peut espérer de ces raisins des vins remarquables. Pour les rosés et les blancs de Provence la récolte est généreuse, saine et moins marquée par l’échaudage que 400 kilomètres plus au nord. Les acidités sont équilibrées, l’acide malique pratiquement inexistant et l’acide tartrique, gage de santé et de longévité, élevé. On pourra discuter pendant des années la décision des autorités champenoises de limiter à 7 000 kilos la production à l’hectare, sous prétexte de ventes prévisionnelles en baisse, tout en accordant aux vignerons le droit d’acheter l’équivalent de 15 % de leur récolte (contre les 5 % habituels), au lieu d’autoriser pour tous les 9 000 kilos remarquables que l’année permettait de rentrer. Rappelons qu’on a dans le passé frisé les 20 000 kilos, sans aucune honte ou remords. Pour le reste de la France, attendons le 15 septembre.
Photo de Une : Domaine Lamy
Tri du raisin en période Covid en Côte d’or.