Faute de pouvoir faire déguster en primeur leur 2019, les Bordelais sont bien malheureux, surtout d’ailleurs ceux qui, très minoritaires, produisent des vins chers, ceux qui peuvent intéresser le marché en étant commercialisés avant leur mise en bouteille. Avec de moins en moins de succès d’ailleurs, les acheteurs précoces ne voyant pas flamber les prix des mêmes vins mis sur le marché trois ans plus tard. Acheter en primeur est un acte de soutien beaucoup plus utile pour un nombre de plus en plus important de crus de qualité qui s’offrent à des prix accessibles, sans équivalent dans le monde à ma connaissance, pour leur niveau. Certains crus non classés du Médoc travaillent avec la même discipline que les crus classés. C’est le cas de Château Malescasse.
Situé sur les excellents sols de graves qui prolongent à Lamarque le plateau du Grand Poujeaux, il appartient aux domaines Austruy qui ont pris comme conseiller Stéphane Derenoncourt et, depuis quelques années, sa qualité a beaucoup progressé. Dans le remarquable millésime 2016, on pouvait l’acheter pour une vingtaine d’euros, ce que j’ai fait, d’ailleurs, et dont je me félicite. Bien entendu, dans son état actuel, le vin se présente avec l’intensité de sa jeunesse. Il lui faut au moins une demi- heure pour commencer à s’ouvrir sur les notes désormais classiques des hautes maturités de raisin actuelles. Le poivron, même rouge, a disparu. Place aux fruits noirs, à la prune, avec un corps onctueux en phase avec ce nez. Le premier sentiment est de le trouver un peu lourd quand même, d’autant que le boisé moins fin que le vin tend à couvrir le fruit. Le Bordelais aime peut-être ce caractère, mais il empêchera beaucoup d’amateurs de l’apprécier. En se montrant patient et en accordant une heure de plus au vin, les choses changent. Le fruit mûr reprend le dessus et, surtout, le corps du vin, ce qu’on appelait à mes débuts la « sève », et j’aimais le mot, se développe. Intensité sans vulgarité, sensations tactiles nobles et, surtout, un début de sensation plus mentholée, plus fraîche, plus racée que communique ce type de terroir que j’apprécie tant. L’acidité est suffisante pour équilibrer l’alcool et le tanin et tout semble en place pour un long vieillissement, malgré un bouchon liège d’un aspect et d’une densité disons… perfectibles. Mon conseil : vendez le vin un euro de plus et bouchez mieux.
Château Malescasse, haut-médoc 2016