L’humour décalé, ingrédient majeur de son travail. Ses œuvres naissent de l’assemblage de dessins au trait et de commentaires piquants écrits à la main. Après Jaume Plensa en 2017, Liu Bolin en 2018, ou Vik Muniz en 2019, voici David Shrigley. Il a été choisi cette année par Ruinart pour une réinterprétation libre de la Maison. Un nouveau cru artistique intitulé Unconventional bubbles (Bulles singulières), à savourer en VO. Par Pascale Cassagnes
Carte blanche à l’artiste britannique David Shrigley
Ce Britannique au flegme presque indolent et au regard affûté est le douzième artiste à se prêter à l’exercice et à porter sur la maison bientôt tricentenaire (fondée en 1729) un œil tout neuf. « Quand on décide de faire une œuvre sur le thème de la fabrication du champagne : il faut visiter plusieurs fois la région ; il faut échanger avec les professionnels en les écoutant attentivement, puis visiter les crayères, les vignes et les installations de production ; il faut apprendre à déguster du champagne sans oublier de faire la liste de choses à dessiner : les vignes, les raisins, le sol, une bouteille, un verre, le chef de caves, des vers de terre, la météo etc. » explique-t-il. Après plusieurs séjours à Reims, son expérience, fertile, s’est traduite par une série de 36 dessins et gouaches, sculptures, néons et céramiques monumentales qui capturent l’odeur des crayères.
Messages in the bottle
Réunies sous le titre « Unconventional Bubbles » (Bulles singulières), ses œuvres viennent sonder la complexité de la fabrication de ce vin d’exception, les gestes et expressions des travailleurs de la vigne, œnologues et autres collaborateurs Ruinart. Ils font aussi passer un message sur la transmission (Wisdom passed between generations = la sagesse se transmet entre les générations), l’importance de la nature (Worms work harder than us = les vers de terre travaillent plus durement que nous) et les enjeux environnementaux (Please do not destroy the world). « La fragilité des éléments fait partie de nos vies, de notre pensée politique ; on doit l’admettre et on ne peut pas y échapper. Inévitablement, cela a eu un impact sur la production de champagne comme sur d’autres industries qui dépendent de l’environnement naturel. » Sur place également, David Shrigley a laissé sa trace dans les crayères, comme bien d’autres, célèbres et anonymes, avant lui. « Pendant trois jours, j’ai pu sculpter en relief ma vision de la production des vins de la maison Ruinart : un chariot élévateur qui sert à transporter les bouteilles, les visages des hommes qui y ont travaillé ou y travaillent. » Dévoilées à Paris il y a quelques jours lors d’une grande soirée à l’Opéra Bastille, les œuvres de cette carte blanche 2020 vont faire le tour de 37 foires d’art contemporain dans le monde.
Jéroboam de collection
Cette nouvelle collaboration artistique a aussi donné naissance à un objet de collection : un coffret en édition limitée (chacun des trente coffrets est numéroté et signé par l’artiste) accueillant un jéroboam de blanc de blancs. C’est la première fois qu’un artiste intervient directement sur l’emblématique flacon Ruinart, dont la forme est héritée du XVIIIe siècle. Objet fonctionnel, le coffret se métamorphose en seau à champagne au moment de la dégustation : sa base peut accueillir de la glace pour rafraîchir les bouteilles. Un coffret so unconventional rappelant que servir et déguster un grand champagne, c’est tout un art. Et une fête, comme l’évoque une de ses œuvres, The Celebration will begin as soon as the bottle is open (la fête commence dès l’ouverture de la bouteille).