À la suite de Charles Joguet, aujourd’hui retiré, la famille Genet fait encore mieux. Elle fait le meilleur chinon du moment.
CHARLES JOGUET, toujours heureusement vivant et revenu à ses premières amours, la peinture et la sculpture, conseille quand il le juge bon quelques viticulteurs engagés du secteur. Après avoir recréé le type moderne du cabernet de Chinon, avec l’aide de Jacques Puisais, dans un style souple et élégant qui est celui de la rive gauche de la Vienne, et montré à tous les bienfaits d’une viticulture respectueuse du sol et de l’environnement, il a vendu sa propriété en 1997 à son associé, Jacques Genet. Beaucoup trop de choses ont été dites sur cette vente, comme souvent dans nos villages gaulois, mais force est de constater que Jacques Genet et ses enfants ont encore amélioré viticulture et vinification, avec plus de régularité et de discipline dans la façon de cueillir le raisin, de le transporter et de le vinifier. Avec la complicité de leur jeune directeur technique, Kevin Fontaine, qu’ils ont généreusement associé au domaine, Jacques, sa fille Anne-Charlotte et son fils ont permis d’agrandir le vignoble jusqu’à quarante hectares et de rationaliser la gamme de vins produite, disponible dans une boutique très bien conçue, à l’entrée de Chinon. Ils ont aussi réhabilité de magnifiques caves creusées dans le calcaire, comme à Saint-Émilion, qui permettent de conserver dans des conditions de température et d’humidité idéales les millésimes de garde. J’avoue avoir été impressionné par la capacité des meilleures cuvées du domaine à bien vieillir, dans le respect du caractère que Joguet leur avait donné et sans les petits défauts analytiques d’un passé où l’hygiène de cave était une peu moins stricte.
Les Charmes
2016
Beaucoup de charme et de finesse aromatique. Ensemble floral, tannin soyeux. Une dimension séduisante, précise, aboutie et une expression exemplaire du cabernet franc de Loire. 16/20
2015
Cette cuvée assez nouvelle du domaine provient de vignes situées à Anché, sur sol argilo-calcaire typique, avec des vignes de plus de 35 ans. Le 2015 est un peu plus solide et serré de texture que le 2016, mais avec beaucoup de finesse au nez, sur des notes de menthol qui ajoutent leur fraîcheur à la belle maturité du raisin. 16,5/20
La Cure
2015
Petite partie du clos qui jouxte l’église de Sazilly, sur un sol assez riche en argile. Un vin lui aussi élégant, ouvert, à la fois floral et légèrement truffé, absolument pas asséché par son bois. Long, équilibré, frais et nuancé. Bref, ce qu’on attend et qu’on ne trouve pas si souvent. 16,5/20
Les Varennes du Grand Clos
Jolie vigne de quatre hectares, dont un peu plus de trois en production, plantée de 1962 à 1976 sur un support silico-calcaire qui prolonge le clos de la Dioterie à Sazilly.
2016
Notes classiques de tabac et de cèdre, netteté d’expression exemplaire, plus dessiné que colorié, très subtil. Il faut aimer le cabernet franc et une petite austérité de jeunesse sur un type de terroir qui permet un beau vieillissement. 15/20
2014
Notes de fougère et de tabac au nez, droit, et même strict, sur une phase sévère de son développement, mais sans sécheresse. Attendre trois ou quatre ans. 14/20
2012
Nez plus développé, avec des notes de sueur et de cuir qu’on appréciera diversement. Plus de souplesse que le 2014, mais moins d’unité. Plus charnel qu’élégant, comme par fois l’étaient certains vins de Charles, ce qui montre la continuité du style actuel avec un terroir qui peut y conduire en année peu acide. 14/20
2011
Nez beaucoup plus complexe, à la fois racinaire et truffé, avec un retour de cèdre et de tabac dans le support tannique. Plus de caractère que 2012. 15,5/20
2010
Forte couleur, corsé, un rien plus étoffé que le 2014, ferme, complet dans sa construction en bouche et pas encore à point. Un millésime de longue garde qui ne décevra pas. 16/20
2009
Très généreux et racinaire au nez, mais rappelant davantage l’Italie et même le Piémont que la Loire, sans doute à cause du soleil de l’année. Tannin plus sec et moins accompli qu’en 2010, saveur plus ouverte, mais qui exige la table. Un bon râble de lapin à la sauge, par exemple. 15/20
2008
Nez ouvert et généreux, plus floral et élégant que le 2009, entre la violette et la truffe. Assez long, expression classique et aboutie du chinon rive gauche. 15,5/20
2004
Notes de prune au nez, du poivron aussi, quelques petits défauts analytiques, mais un certain charme.
14/20
Clos du Chêne Vert
On change de rive et on se retrouve sur la Haute Olive, au coeur du vignoble historique de Chinon, en exposition sud-ouest, sur deux hectares très pentus. Il faut avouer que ce terroir ultra classique donne un très grand vin si l’on sait attendre, avec une intensité et une droiture qui en font un cru supérieur, comme il y en a moins de dix dans toute la Loire.
2016
Le vin est en phase fortement réductive et ne se révèle pas. Attendons donc. Pas de note
2015
Très grande finesse aromatique, digne d’un pinot noir, entre le plus pur des fruits rouges et un floral tellement différent de Varennes. Remarquable élevage. 16,5/20
2014
Moins précis au nez, avec un départ de notes de champignon et de sous-bois d’évolution trop rapide. 14/20
2012
Même souplesse que Les Varennes du Grand Clos dans ce millésime, mais avec plus de corps et d’autorité, du charme et de la générosité. Joli vin qu’on peut commencer à boire. 15,5/20
2011
Nez magnifique, apparition de notes de truffe noire, du charme, de la longueur, du moelleux qui surprendra les habitués d’une vision plus austère et compassée du cabernet. Rien de sensuel pourtant, avec de la fraîcheur dans un retour légèrement poivron (mais rouge, sans rien de végétal) qui fait rebondir le vin. Il n’a pas dit son dernier mot. 17/20
2010
Concentration et pureté aromatique magnifiques, de l’essence de cabernet de Loire. Racinaire et aérien à la fois, très complexe. Bravo. 17,5/20
2009
Sur ce cru aussi, le soleil de l’année alourdit un peu le corps, surtout après le sensationnel 2010. Riche et moins usé que Les Varennes, mais on ne retrouve pas le chic du terroir. 14,5/20
2008
Un boisé plus marqué vient d’une cuve neuve achetée pour ce millésime qui joue plutôt sur les notes racinaires, avec une pointe de verdeur et moins d’harmoniques que 2012. 14/20
Clos de la Dioterie
Le clos emblématique de Charles Joguet, à Sazilly, avec de très vieilles vignes de plus de 80 ans et une petite partie régulièrement renouvelée franche de pied. Hélas, à peine deux hectares là aussi.
2015
Une merveille : si on avait à définir le chinon idéal, ce serait celui là. Un raffinement floral digne d’un grand cru de pinot noir et un grain de tannin souple et parfaitement intégré à la texture. Long, avec un vrai rebond en bouche, un vin exceptionnel. 18/20
2014
Il souffre évidemment de la comparaison avec le 2015. Plus strict, austère et renfermé, pour le moment, mais moins de précision que Chêne Vert. 15/20
2012
Nez classique, élégant, sur la violette. Corps raffiné, élevage parfaitement adapté à la matière, long, net. Peut encore se développer. 16/20
2011
Nez ouvert mais racinaire (iris, bulbe), ce qui est caractéristique des beaux sols calcaires. Evolue vers la truffe noire, mais le cabernet rebondit en bouche avec un retour de poivron rouge, presque paprika, qui plaira aux connaisseurs. 16/20
2010
Vin complet, charnu, avec une expression qui va vers le sud et les grands terroirs de la rive droite de Bordeaux, sans maquillage de bois neuf, grande suite en bouche sur le tabac et le cèdre. Grand avenir. 17,5/20
2009
Le moins évolué et le plus agréable des vins du domaine dans le millésime. Parfait développement de truffe et de tabac au nez et en bouche, aucun assèchement. 16,5/20
2008
Bouteille un peu décevante, asséchée par son bouchon. À table, le soir, une autre bouteille s’est avérée bien plus équilibrée. 14/20
Cet article est paru dans En Magnum #18, actuellement en kiosque.