Chaque année, le restaurant Le Taillevent propose aux gastronomes un menu en cinq temps autour de cinq vins, inspiré par Curnonsky et créé chaque fois par une personnalité différente. En cet automne 2019, c’est le ténor du barreau Eric Dupond-Moretti qui s’est prêté au jeu. Le célèbre avocat pénaliste, qui compte autant de fans que de détracteurs, n’a de cesse de défendre la présomption d’innocence et le droit à une juste peine. « Je défends des hommes, pas des crimes », dit-il. Et c’est bien parce qu’il nous rappelle sans cesse que dans un Etat de droit, tout homme, quel que soit son crime, peut et doit être défendu, que les frères Gardinier, qui partagent cette conviction profonde et sont « sincèrement attachés à ce principe fondateur de la démocratie », ont invité ce fin gourmet à s’exprimer.
« Le caractère universel de sa vocation trouve un écho dans notre culture latine, qui défend cet art de vivre qui nous est si cher, célébrant la gastronomie, le terroir, la vigne et le vin. (…) Éric Dupond-Moretti est un véritable hédoniste qui se définit parfois lui-même comme un anarchiste épicurien. Curieux, gourmand, passionné. Il aime manger, cuisiner, des pâtes bien sûr, clin d’œil à ses racines italiennes. Sa cave abrite les vins qu’il aime, des vins de souvenirs souvent, et ses choix sont sûrs, précis, affirmés. » Dans le livre de cave du Taillevent, Eric Dupond-Moretti a donc choisi cinq vins autour desquels David Bizet a imaginé le menu détaillé ci-après (lancé, précisons-le, par un champagne choisi par Antoine Pétrus parce qu’« il ouvre aux plaisirs de la table », le brut Réserve de Charles Heidsieck en magnum).
Quand on lui demande pourquoi il a accepté ce projet, Eric Dupond-Moretti répond ceci : « Parce que c’est un honneur. Le Taillevent, c’est une maison très prestigieuse. Parce que je connais Antoine Pétrus, qu’il est deux fois meilleur ouvrier de France, que c’est un garçon très attachant. Et parce que je suis un fou de cuisine et de vin. » Avec ce dernier, il confie entretenir un rapport tendre : « Je pense véritablement qu’au-delà du plaisir que l’on peut avoir à déguster un vin, il est un révélateur des êtres. »
Les 5 de Dupond-Moretti, jusqu’au 29 novembre
Menu avec l’accord mets-vins, 350 euros
Verdicchio di Matelica 2018, ColleStefano
Langoustine Royale aux écorces d’agrumes, Crémeux iodé au beurre salé
Eric Dupond-Moretti :
« C’est au détour d’une conversation avec Antoine Pétrus que j’ai appris que le village de ma mère, en Italie, produisait du vin. Je ne le savais pas. C’était au Drouant, et il m’a fait découvrir ce vin. Je l’ai aimé avec évidence. »
Antoine Pétrus :
« Dans cette alliance, nous avons recherché la pureté du vin au cœur de l’iode intense de cette préparation. »
Clos Canarelli 2018, AOC corse Figari
Saint-Pierre à la poutargue, Jus de crevette grise, jeunes carottes au curcuma
Eric Dupond-Moretti :
« J’ai une longue histoire judiciaire et personnelle avec la Corse… Je trouve que les Corses ont fait de gigantesques progrès en matière d’élevage de vin, et celui-là est un vin qui m’enchante. »
Antoine Pétrus :
« Un vin solaire et savoureux, cette assiette appelant naturellement un grand blanc de l’Île de Beauté. »
Château Pape Clément 2012, AOC pessac-léognan
Perdreau de chasse à l’étouffée de garrigue, Foie gras fumé, chou rouge et granny smith
Eric Dupond-Moretti :
« C’est une histoire très particulière. Pape Clément 1961 avait été classé 100/100 par Parker et il y a un homme, qui aime le vin et qui m’aime, qui a eu l’idée de m’en offrir, il y a longtemps. J’ai bu la dernière bouteille avec mon ami Alain Furbury, qui est mon maître et mon mentor, et qui nous a quittés en 1999. J’aime ce vin. Si mon fils se prénomme Clément, c’est évidemment pour la vertu, mais c’est aussi un peu grâce à ce vin ! Et disons-le, j’ai une immense admiration pour Bernard Magrez, dont le parcours m’impressionne. »
Antoine Pétrus :
« C’est le talent de David Bizet qui s’exprime ici. Grande saveur, parfums encrés, idéaux pour l’élégance naturelle du pape-clément. »
Château Bouscassé « Vieilles Vignes » 1995, AOC madiran
Râble rôti et épaule de lièvre confite, Lait de bufflonne à la truffe et céleri branche
Eric Dupond-Moretti :
« Un souvenir d’acquittement à Toulouse, toujours avec Alain Furbury, il y a longtemps. C’est là que j’ai découvert le madiran, et Château Bouscassé en particulier. J’ai aimé ce vin. C’est un vin qui est charpenté, un vin de soleil. J’apprécie l’expression originale de son cépage : le tannat. »
Antoine Pétrus :
« Un flacon à maturité, résumant ce que son terroir et son signataire savent offrir de meilleur. Sa puissance civilisée est à l’image d’Eric Dupond-Moretti et sied à la chair délicate du lièvre. »
Pedro Ximenez 1986, Bodegas Toro Albala (servi en magnum)
Tarte soufflée noisette gianduja, Gingembre confit, sudachi givré
Eric Dupond-Moretti :
« C’est une petite trouvaille récente, qui enchante mes papilles. Ce vin fait maintenant partie de mon panthéon. »
Antoine Pétrus :
« Détour en terre ibérique, un vin de paroxysme, infiniment suave, délicat dans son parfum. Un vin de gourmand. Même approche de goût sur le dessert chocolaté. »