Parler moins pour parler mieux
Dans notre France du blabla, 2018 a déjà fait beaucoup parler de lui alors que les vins ne sont que des embryons. Les faits climatiques sont connus. Beaucoup d’eau l’hiver et en début de printemps, beaucoup de chaleur et de sècheresse l’été avec de la souffrance sur les sables, mais pas sur les sous-sols argileux. Des orages, parfois de grêle, avec des dégâts dont des développements fulgurants du mildiou, piégeant les naïfs, les imprudents ou les paresseux. Un incomparable été indien concentrant les sucres dans le raisin à un niveau inédit (largement au-dessus de 14 degrés naturels dans de nombreux cas, mais avec des PH de 3,50/3,60 inespérés par rapport aux 3,8/4 de 1989 ou 1990). Et, de surcroît, des réserves en jus dans les raisins qui ont pu diluer les vignes trop productives. Les échantillons primeurs variaient d’un jour à l’autre, comme souvent. Ce qui n’a pas évité les jugements expéditifs et péremptoires. Sans parler des mauvais coucheurs qui dénonçaient un peu vite un manque de matière. Un comble avec ces raisins champions toutes catégories.
On jugera encore mieux des réussites individuelles dans un an et on évitera les matchs absurdes entre Rive droite et Rive gauche. Mais on peut affirmer que les deux cabernets furent souvent monumentaux sur les sols qui leurs conviennent et que je n’ai jamais, en quarante millésimes, vu des merlots aussi riches au cœur du Médoc. Quelques très rares vins manquent à l’appel, n’ayant pas été présentés chez les négociants ou visités au cours de marathons épuisants avec des samedis fermés à la visite (!). Exception faite à Sauternes pour des raisons que j’expose plus bas et à Yquem qui ne présentait pas de 2018.
Considérez nos notes discutées une à une par notre collectif de dégustateurs aguerris et souvent à la suite de plusieurs dégustations, dans des lieux et des atmosphères différentes plus comme des indices de préférence plutôt qu’un avis définitif qui serait absurde. Et foin de nos dégustateurs internationaux qui enchaînent les 98/100 à la parade, par démagogie. Bref, un grand millésime mais vous êtes avertis d’un type inédit dans un contexte économique international prudent et morose.
En attendant sauternes
L’année 2018 fut difficile pour les vins liquoreux du Sauternais : différents accidents climatiques (gel, grêle, mildiou) ont souvent considérablement réduit la récolte. Jusqu’au 12 octobre, il n’y avait pas de pourriture noble bien développée. Après cette date, la pourriture noble s’est développée de façon très rapide (et pas toujours noble) avec de grandes concentrations en sucres, mais souvent un manque de pureté aromatique. Au moment des primeurs, les assemblages ne se présentaient pas à leur mieux. C’est la raison pour laquelle nous préférons pour beaucoup de crus retarder notre jugement sur les réussites individuelles.
Photo : Guy Charneau