Quand Michel Bettane fait le point sur les primeurs 2018 de la rive gauche, on écoute attentivement. Il a dégusté 300 échantillons, dont certains à plusieurs reprises.
Son 40e millésime
« 2018 est mon 40e millésime. J’ai dégusté pour la première fois les primeurs en 1978. À l’époque, la moyenne de degré alcoolique des cabernets sauvignons était de 9,2 degrés. Les merlots étaient à 10,5 degrés. On chaptalisait d’au moins deux degrés. En 2018, la moyenne des cabernets sauvignons est de 13,5 à 14 degrés et 14,5 à 15 degrés pour les merlots. Mais avec des pH de 3,50 – 3,55 – 3,60, équivalents à ceux de 1978. C’est de la folie.
Mildiou et black rot
Il est tombé beaucoup d’eau en hiver et au printemps et le retour du beau temps a permis une floraison parfaite et une très grosse sortie de raisins.
À cause des pluies printanières, la pression du mildiou a été constante. Les vignerons ont dû aussi faire face à l’apparition de black rot (ou pourriture noire) dû aux fortes chaleurs de juillet. Chez les vignerons en bio, c’est surtout le black rot qui explique la destruction à partir du 23 juillet d’une grande partie de la récolte. Certains vignerons ont pu récolter un volume raisonnable, aux alentours de 40-45 hl/ha (on est bien loin du record des années 1982-83 avec 80 hl/ha). L’état sanitaire final était très sain, avec une maturation finale lente et très équilibrée des cabernets, spécialement des francs. Les jus étaient très concentrés en raison de la petite taille des grains, qu’il fallait savoir vinifier sans extraction exagérée. Ce fut donc une réussite générale, avec un peu moins de degré alcoolique à Margaux et des records dans le secteur de Pauillac et Saint-Estèphe. Très belle maturité des raisins blancs pour les médocs blancs.
Raisins mûrs et fraîcheur
La caractéristique du millésime est la saveur de raisins très mûrs, associée à une finale de bouche fraîche étonnante que certains ont attribué à tort à un manque de maturité finale du raisin. Hypothèse sans fondement quand on a vu la maturité des raisins vendangés.
2018, très grand, très original, un équilibre jamais connu avant
C’est un grand millésime original à la mesure du changement climatique que nous vivons et qui rend optimiste pour un avenir proche si le réchauffement ne s’accentue pas. On n’a jamais connu un tel équilibre des vins dans le Bordelais.
Ce sont les tannins les plus fins et les plus complexes dont je me souvienne pour chacun de ces châteaux ; avec un toucher de bouche et une texture inédits, que je qualifierais de crémeux.
La qualité de texture des plus grands cabernets californiens associée à la pureté et la finesse de fins de bouche des terroirs médocains. »
Photo : Michel Bettane devant les complications de la gastronomie d’urgence.
Ses préférés de la rive gauche
> Château Beychevelle
> Château Gruaud-Larose
> Château Léoville-Las Cazes
> Château Calon-Ségur
> Château Lafite
> Château Haut-Brion
Son préféré en sauternes
> Château Gilette : 20 hl/ha, ils ont vendangé tard (après le 12 octobre), ce sont les seuls à avoir le grain d’un très grand vin.