« Une AOC c’est un patrimoine qui appartient à l’ensemble des vignerons qui la composent certes, mais pas que. Une AOC c’est aussi une promesse envers les consommateurs qui engage et oblige : l’héritage d’un savoir-faire ancestral, d’une responsabilité humaine et environnementale, d’une image et d’un engagement forts. C’est la certitude pour les amateurs, qu’au-delà du prestige des marques, ils trouveront un savoir-faire incroyable, une transmission d’âge en âge, de génération en génération, le respect du temps long et des gestes des hommes. La promesse d’une AOC c’est d’abord une éthique avant d’être un goût. » C’est avec ces mots que Xavier Planty (Château Guiraud) conclut un texte alarmiste et engagé à propos de l’introduction dans le vignoble français de cépages dits résistants, une démonstration à lire dans son intégralité ici et également relayée dans une tribune parue mardi dans le journal Le Monde.
Face à une approche qu’il estime « destructrice à plusieurs titres », face au manque de débat et de transparence sur cette question (on sait déjà que « le mildiou est capable de s’adapter et de muter pour contourner la résistance génétique »), le co-propriétaire du premier des premiers grands crus classés en 1855 à avoir été certifié bio, c’était en 2011, appelle les appellations françaises à réagir et « à prendre conscience des enjeux. » Afin de répondre à la pression sociétale contre les pesticides et les défis posé par le réchauffement climatique, les pouvoirs publics et certains syndicats de vins d’AOC « engagent d’importants moyens financiers » pour favoriser l’introduction de ces cépages hybrides, croisement de notre Vitis vinifera avec l’espèce américaine Vitis Muscadinia. Une folie, dit-il, à l’heure où « le monde a enfin pris conscience de l’importance majeure de préserver notre biodiversité » et où, en France, nos plus anciens cépages sont sauvegardés dans des conservatoires pour ne pas voir s’éteindre les variétés locales.
Dénonçant « l’archaïsme d’une gestion agricole qui refuse toute autre recherche » et rappelant que « beaucoup de viticulteurs arrivent à des résultats surprenants en matière d’équilibre de la vigne », Xavier Planty estime que ces apprentis sorciers mettent en danger « l’incroyable diversité de notre patrimoine génétique » et signent la destruction à terme des spécificités de nos AOC. Il estime indispensable de réorienter la recherche (« en y consacrant des moyens conséquents ») pour mettre en œuvre une approche écologique globale de la vigne. « L’agronomie, la vie des sols, les cépages anciens et oubliés, les bio contrôles, autant d’alternatives qu’il est urgent d’explorer » plutôt que de commettre la grave erreur de parier sur « un avenir stérile », d’autant plus que les vignerons risquent de se trouver pieds et poings liés « aux commercialisateurs qui détiendront ces nouvelles variétés. »