L’ail. Ce bulbe malodorant adulé par les cuisiniers paresseux ou radins ou les deux, ce fumet envahissant, entêtant, ces lendemains qui déchantent, ces réunions foutues, ces amis chers dont on s’écarte en détournant la tête, ces gigots sacrifiés, ces baisers repoussés. D’où nous vient cet Attila des saveurs, des goûts, des sensations, des plaisirs, derrière lequel les arômes ne repoussent pas ? D’une lointaine époque où nous manquions de froid. Pas de frigo, pas de conservation. Dans les pays du sud de l’Europe, les chaleurs avaient vite fait de mettre à mal les aliments frais et l’ail servait de cache-misère, prolongeait de quelques jours les aliments fragiles, viandes, poissons, légumes. Son goût très fort masquait les odeurs de pré-décomposition et chacun, je suppose, y trouvait son compte, faisait une économie. Très bien. Aujourd’hui, nos sociétés suréquipées et délicates jettent les aliments périmés avant que les choses deviennent graves ou juste incommodantes. Pas question d’une petite mauvaise odeur au creux du frigo familial. Quoique. Celle de l’ail, pas petite, y est trop souvent admise. L’ail règne en maître. Où que nos gourmandises nous portent, nos narines sont agressées par des odeurs d’ail, cru, cuit.