Ce sont des travailleurs de l’ombre mais leur rôle n’en demeure pas moins essentiel. Responsable de l’élaboration et de l’élevage du champagne pour Dom Pérignon. Rencontre avec Richard Geoffroy.
Bosser un portrait de l’auteur de Dom Pérignon n’est pas simple. Comme tous les gens forts, Richard Geoffroy est assez pluriel, changeant, doué d’ubiquité, largement aussi complexe qu’un Dom Pérignon d’un vieux et bon (ce qui va bien ensemble) millésime. Le problème avec Richard Geoffroy s’énonce ainsi : comment fait-il pour produire une telle quantité d’un si grand champagne?
Naturellement, il ne répondra pas à cette question, il se joue de l’obstacle et part dans des digressions suffisamment passionnantes pour faire oublier la ligne de départ, des pays bleus où les considérations économiques n’existent pas, c’est plus pratique. C’est la règle dans le gros groupe (Moët-Hennessy pour ceux qui sont tombés de la dernière pluie), pas de chiffres, le champagne est une fête, un rêve, pas un produit, inutile d’affoler le monde.
Le gaillard a 58 ans. Né en Champagne, il est « the » champagne, son ambassadeur mondial, une marque à lui tout seul, l’icône des cuves.
Morceaux choisis pour lire vite.
Racines. « Quand tu viens de la terre, tu lui appartiens. » « Je suis fils de vigneron et j’ai une relation organique avec la vigne, voilà mes racines. »
Vins. « Je n’ai rien changé, juste cherché à aller plus loin dans le projet Dom Pérignon. Creuser le sillon, tendre vers un absolu, c’est une quête pour toujours. » « La trace d’un esprit, c’est de laisser respirer le millésime, laisser s’installer un dialogue entre le style de la maison et les caractéristiques de l’année. Conjuguer l’un et l’autre de la manière la plus saillante. » «La technique n’est pas dans la tradition Dom Pérignon ; le progrès; oui. »
Equipe. « Mon passé de médecin m’a appris à exprimer ce que je veux d’une façon compréhensible par mon équipe. » «L’excellence est dans le management. Emmener chacun à son meilleur niveau. C’est ce qui m’occupe le plus, ou pas loin. »
Vista. « La continuité n’existe pas. L’esprit est plus important que la reproduction ». « Il faut que la Champagne se détende. Il y a des vignerons qui bougent les lignes. La Champagne est en mouvement, le travail d’excellence avance partout. »
Demain. « Sur les millésimes de la décennie 2000, attendez-vous à des surprises. Il y a moyen d’étonner en étant soi-même, sans se perdre. »
Il faut bien écouter ce que dit Richard Geoffroy et surtout ce qu’il ne dit pas, et que ces mains en mouvement perpétuel ne trahissent pas. On l’aura compris, ce grand homme du champagne est un drôle de zigoto qu’on a vite fait d’aimer. Pas autant que ses Dom Pérignon, mais presque.
Nicolas de Rouyn. Photo, Mathieu Garçon.