Propriété de la famille Perrin en appellation châteauneuf-du-pape, le château de Beaucastel est installé sur « un terroir sec, brutal, composé de galets roulés et d’argiles rouges, chauffé par un soleil de plomb en été et malmené par un mistral glacial en hiver. » Ce domaine de 130 hectares a récemment fait l’objet d’un concours d’architecture dont le propos était d’envisager son agrandissement et sa complète rénovation et l’enjeu, rappelé par Jean-Pierre Perrin, de savoir « s’intégrer dans ce milieu naturel avec une cave qui ne viendra pratiquement rien perturber. » Parmi la dizaine de projets finalistes, la famille Perrin – qui revendique « un rapport très intime à la terre », notamment via une viticulture bio pratiquée de longue date – a préféré celui de l’agence d’architecture Studio Mumbai.
« Propriétaires de nombreux domaines vinicoles, nous avons l’habitude de faire des travaux et de collaborer avec des architectes. Si nous avons choisi de faire appel à BAM pour organiser un concours d’architecture, c’est tout simplement parce que Beaucastel est le joyau de la famille Perrin, et doit le rester pour les décennies à venir. Nous devions donc y prêter une attention particulière, et il nous fallait pour cela sortir de notre zone de confort », explique Charles Perrin en ajoutant que ce concours a permis à la famille de rencontrer des architectes extraordinaires. « Le croisement des différents regards et la variété des propositions nous a poussés à nous interroger en profondeur sur des problématiques essentielles. »
Réinventer le château de Beaucastel pour le siècle à venir
Pour travailler sur l’histoire et le terroir de Beaucastel, pas moins de 300 équipes, représentant 32 nationalités et issues d’agences de renommée internationale, se sont inscrites. Un intérêt pour la cause viticole que la start-up BAM, en charge du déroulement de ce concours, n’avait pas mesuré. « Nous savions que le concours allait intéresser les architectes, mais nous ne pensions pas susciter un engouement planétaire comme nous l’avons vu », explique Mathias Boutier, son fondateur. Si le projet de l’agence Studio Mumbai a fait l’unanimité, c’est notamment du fait de son caractère profondément écologique. « Il s’est aussi démarqué par une écriture architecturale à la fois vernaculaire et contemporaine : la démarche du projet est innovante et tournée vers l’avenir. »
Conçu comme un prolongement de l’existant et prenant le parti d’une architecture “frugale”, le projet prévoit l’excavation de nouvelles caves et la construction de nouveaux bâtiments à partir de la terre issue de cette excavation. Les parties souterraines de l’extension seront construites en béton de site (mélange de chaux, de granulats locaux et de sable) et les bâtiments en surface réalisés en pisé (terre crue compactée) grâce aux argiles présents sur place. La démarche écologique est basée sur quatre piliers : limiter au maximum l’usage de la climatisation (espaces de vinification et conservation du vin enterrés) ; limiter la consommation d’eau (récupération et conservation souterraine des eaux de pluies) ; ventilation naturelle ; bio-fuel issu des déchets agricoles pouvant permettre une parfaite autonomie du domaine en matière d’électricité et de chauffage.
« Le château de Beaucastel se présente comme une constellation d’éléments harmonieux. Les animaux, la terre et les corps célestes coexistent dans un écosystème nourri de la passion de la famille qui en prend soin, transmettant son savoir de génération en génération.
De la même manière que la terre génère les raisins, les oiseaux et les insectes, la terre agit sur le bâtiment, qui s’intègre dans cet écosystème fragile et précieux. L’architecture sera donc conçue telle une gestation naturelle du paysage. »Bijoy Jain, architecte,
fondateur de Studio Mumbai