Michel Bettane au Chili, notre saga de l’été
L’été a commencé chaud, nos vins auront peut-être cette année
un profil d’hémisphère sud. Autant commencer à s’y habituer en révisant nos connaissances
sur les vins chiliens, modèles du continent sud-américain.
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Cousino Macul : Alto Maipo et Valle del Maipo
Macul veut dire main droite et désigne le lieu de plantation du premier vignoble de la famille Cousino, pionnière de la viticulture de qualité au Chili, situé à quelques kilomètres au sud-est de Santiago. Au milieu du XIXème siècle, Matias Cousino, passionné par les vins de Bordeaux eut l’idée d’implanter des cabernets sauvignons importés du Médoc sur des terres bien drainantes formées par les alluvions du Maipo. Et en même temps une pépinière pour multiplier et préserver son propre matériel végétal planté évidemment franc de pied. Son intuition permet aujourd’hui à la firme appartenant à ses descendants directs de posséder les plus remarquables pieds de cabernets sauvignon que j’ai rencontré dans toute ma carrière, souvent âgés de 0 ans ou plus, et amoureusement entretenus par une jeune et brillante agronome française Claire Dumont. La viticulture est d’inspiration bio, l’irrigation se fait encore de façon artisanale, au cheval, tout comme les labours. Les vinifications sont supervisées par Pascal Marty dans l’esprit du plus pur classicisme bordelais. Pascal Marty a longtemps travaillé pour la compagnie Philippe de Rothschild, à Mouton, puis à la création d’Almaviva, au Chili, et poursuit désormais une brillante carrière de consultant. On ne sera pas surpris que de toutes les wineries visitées au cours de mon séjour ce sont les vins de Cousino Macul qui m’ont semblé les plus homogènes et les plus proches de la sensibilité française. La réserve Antiguas Reservas de Chardonnay 2013, peu boisée, non alourdie par des notes exotiques beurrées, avec ses notes de fleurs blanches et de fougère m’a semblé la plus harmonieuse et raffinée demon voyage. Le merlot 2012 très fruité, merveilleusement buvable, sans sur maturité, conforme à la vérité du cépage, tout comme le cabernet sauvignon. Don Matias est la cuvée emblématique de la maison : le 2013 frappe par la pureté de son fruit, rappelant le cassis, tout en charme et complètement à l’opposé de de ce que j’aurai à déguster toute la semaine. On passe à la vitesse supérieure avec les deux vins de prestige. J’ai préféré le moins cher des deux, Finis Terrae 2011, un ensemble d’environ 60 000 bouteilles, issu des vieux cabernets de Macul plus d’une infime proportion de syrah et de merlot.
Tout en délicatesse, fraîcheur et raffinement de texture, sans la moindre note végétale ou terreuse, il rivalise sans difficulté avec les meilleurs Bordeaux actuels et à l’aveugle aurait du mal à être situé en Amérique du Sud. Avec Casa Reale, sans doute le plus noblement élégant des rouges du pays. Lota 2008, vin « icône » de la firme, cabernet –merlot mais sans syrah, de très vieilles vignes, est une plus petite cuvée (20 à 25 000 bouteilles), un peu plus marquée par des odeurs d’eucalyptus et de menthe, donc davantage dans l’esprit américain mais avec une incontestable finesse.
Almaviva : Maipo
Le fleuve Maipo comme le Lot à Cahors a formé des terrasses que les viticulteurs classent par ordre croissant de qualité en 3 niveaux ! La troisième est donc le plus réputé et c’est sur celle-ci que Baron Philippe de Rothschild associé à Concha y Toro a choisi un vignoble de 60 ha, sur le lieu-dit Puente Alto pour produire un vin pensé dès sa naissance comme un grand cru. Viticulture exigeante, vinification de haute précision avec l’équipement le plus moderne. Le principe même de la production du cru est l’assemblage de type bordelais : le grand vin porte le nom d’Almaviva et assemble 4 à 5 cépages ; environ 2/3 de cabernet sauvignon, un quart de Carmenère et le reste en cabernet franc, merlot et petit verdot. Une verticale des millésimes 1996 (le premier de la série) à 2012 montre une évolution nette vers des vins plus tendres, plus affinés, plus charmeurs (à l’exception du colossal et rigoureux 2011), certes de niveau d’alcool important mais terminant sur des notes plus fraîches de menthol et de réglisse. Le 2007 évolue vers la truffe comme un joli vin de la rive droite bordelaise, ce que feront un jour le délicat 2012 et le riche 2009.