Quelques crus bordelais ont pris une habitude depuis plusieurs années : ils vendent leur production à leurs allocataires professionnels (en particulier les maisons de négoce bordelaises) à un tarif supérieur à 100€ HT la bouteille, ce qui laisse espérer un prix consommateur au minimum supérieur à 145€. Ce club très élitiste avait réuni jusqu’à une quarantaine d’étiquettes dans les millésimes records 2009 et 2010 ; la mévente des millésimes suivants a rendu plus sage nombre d’apprentis stars du Médoc ou de Pomerol : ils sont aujourd’hui moins de quinze rouges, dont bien sûr Pétrus et les cinq premiers de la rive gauche (Lafite, Mouton, Latour, Margaux et Haut-Brion). Ceux-là devraient jouer la stabilité tarifaire cette année, permettant à un marché volontiers panurgiste de redémarrer sur la promesse d’une qualité supérieure à un prix inchangé. Mais les egos des uns et des autres étant particulièrement développés, les campagnes de primeurs s’emballent parfois de manière irrationnelle… Un vin échappera à cette campagne : Château Latour, qui se refuse depuis trois ans à participer aux ventes primeurs. La propriété met en vente pendant la période primeur des millésimes plus anciens, sans que l’on sache encore s’il s’agit d’un test ou d’une première étape vers la reprise intégrale de son réseau de commercialisation.
Côté qualité, le niveau est on s’en doute très élevé dans ce club fermé, même si d’autres crus célèbres mais moins onéreux (voir p. 11) ont produit cette année des vins qui apparaissent aussi prometteurs, et parfois même plus, que certaines de ces stars. Il n’en reste pas moins que ces crus atteignent désormais un niveau de perfection formelle impressionnant chaque année. Ils s’appuient notamment sur une sélection drastique de leurs raisins puisque le grand vin de tous les Premiers représente depuis les années 2000 entre un tiers et la moitié de leur production totale. Les uns et les autres ne perdant ni le nord, ni le sens des affaires, ils proposent un second vin qui pour beaucoup d’entre eux, appartient également au cercle des étiquettes à plus de 100€ : Petit Cheval, la Chapelle d’Ausone, les Forts de Latour, Petit Mouton, Carruades de Lafite et autre Pavillon Rouge font eux aussi partie intégrante de l’élite de Bordeaux.