J’ai rendu visite au mois d’août dernier à Philippe Bascaules, qui dirige depuis trois ans le domaine californien de Francis Ford Coppola, Inglenook, installé à Santa Helena au cœur de la Napa Valley. Le hasard de nos pérégrinations viticoles m’a fait redéguster l’ensemble de ces vins à l’autre bout du monde, à Shanghai. Dans les deux cas, leur équilibre, leur fraîcheur, leur fruit et leur finesse tannique m’a énormément impressionné. Je reviendrai en détail sur cette propriété historique prochainement, mais je voudrais ici m’arrêter sur l’inflexion brillante qu’a apporté Bascaules au style des vins du domaine et sur le choix fort qu’il a fait. Clairement encouragé par son propriétaire, Bascaules a recherché en priorité le fruit rouge plutôt que le fruit noir confituré, la fraîcheur en bouche plutôt que la richesse alcoolique, le soyeux des tanins plutôt que la puissance de la charpente, bref l’équilibre plutôt qu’un caractère massif. Il a ainsi joué sur tous les paramètres viticoles, rendements, maturité du raisin et, surtout, gestion de l’eau (puisque la Napa utilise généreusement le goutte à goutte) pour redéfinir drastiquement le style de ces vins. En faisant cela, il renoue avec un style californien inspiré des grands bordeaux que les illustres Beaulieu vineyards et, justement, Inglenook des années cinquante et soixante avaient porté haut, mais que la Californie contemporaine avait largement oublié.
Ce retour à un style fondé sur la buvabilité est brillant – et risqué, tant il va à l’opposé des habitudes de la production et des notes des critiques locaux – et il dépasse largement le cadre d’Inglenook. Il existe peu de domaines où l’on n’échappe pas à une uniformisation des goûts et des philosophies de production : la mode, la gastronomie ou le cinéma nous en fournissent des preuves tous les jours. En allant drastiquement à l’encontre de la tendance générale, le tandem Coppola-Bascaules rappellent avec panache le mot clé du grand vin : l’équilibre.