La mode est aujourd’hui à la minéralité, vaste fourre-tout qui renvoie le vin fruité au cimetière des produits honteux et immoraux. Et avec ce type de vin, le plaisir de boire. Mais Henry Marionnet, assisté de son fils Jean Sébastien, fait heureusement de la résistance et nous régale de vins de soif d’une finesse, d’une pureté de style et d’une digestibilité exemplaires.
Et il travaille sans filet, car rien n’est plus difficile en matière d’élaboration d’un vin que de faire passer dans le vin fini toute la force aromatique du raisin de départ. Sa chance est de cultiver des raisins sur le type de sol qui leur permet d’exprimer sans déperdition le fruité lié à leur patrimoine génétique. Sur les sables solognots, le gamay développe toute la gamme des fruits rouges et noirs ; le sauvignon, celle des agrumes ou des fruits blancs. Et les vignes franches de pied dont il s’est fait une spécialité sont évidemment encore davantage en ligne directe avec les gênes de ces mêmes cépages.
Le fait de ne pas ajouter de soufre à la vendange pour être au plus près du fruit initial l’oblige à une discipline de travail que bien des viticulteurs bobo qui adhèrent aux mêmes principes ne peuvent même pas soupçonner et dont ils auraient pourtant bien besoin. Et le romorantin ? Certes, ce n’est pas par son fruit qu’il brille, mais par la tension en bouche liée à son acidité et par une finale saline venue du fond des sables. Ce couple élan-tension, c’est quand même beaucoup plus séduisant que les réductions de vins vendangés en sous-maturité dont trop de gogos s’entichent en les qualifiant de « minéraux ».
Michel Bettane