On parle maintenant de “l’affaire Giboulot”, en Bourgogne et sur la planète viticole, c’est le buzz médiatique de ces sept derniers jours, relayé par nombre de médias nationaux et internationaux, associations de soutien et surtout la pétition lancée par l’ISPN (452 824 signatures à l’heure où cet article est rédigé).
L’affaire : Emmanuel Giboulot, viticulteur en biodynamie a refusé d’appliquer en 2013 l’arrêté préfectoral imposant un traitement préventif insecticide à tout le vignoble de Côte d’Or pour éradiquer la cicadelle, insecte vecteur de la maladie de la flavescence dorée qui provoque la mort de la vigne. Contrôlé par les services de l’État, il a été convoqué par la justice au mois de décembre avec report de l’affaire au tribunal correctionnel ce lundi 24 janvier.
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Face à cela l’interprofession bourguignonne représentée par les présidents du BIVB*, de la CAVB* et du SEDARB*, a décidé de réagir en donnant sa position officielle dans une conférence de presse ce vendredi 21 février. Manifestant leur « ras le bol des informations erronées qui circulent sur cette affaire qui remettent en cause et décrédibilisent la Bourgogne », ils n’ont pas souhaité se porter partie civile pour ne pas en faire un exemple
ou un martyr.
La lutte contre ce fléau est l’affaire de toute la profession et non d’un seul de ses membres. Il faut laisser aux professionnels le soin de régler cette problématique importante, en encourageant la prospection des pieds malades et leur arrachage, et notamment travailler avec les pépiniéristes. En effet le traitement des jeunes plants de vignes à l’eau chaude serait en mesure d’éviter le développement de la maladie. Si l’interprofession affirme que cette affaire ne fait pas avancer le débat et même l’entrave, on peut penser que le plan de traitement 2014 sera assurément très mûrement réfléchi et pris dans la concertation.
Marie-Antoinette de Szczypiorski
* Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne, Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne et Service d’écodéveloppement agrobiologique et rural de Bourgogne
Un commentaire
Évidemment, le très grand nombre de pétitionnaires interpelle l’observateur. L’émotion provoquée par les risques encourus en justice par le viticulteur rebelle, six mois de prison et 30 000 euros d’amende, explique seule cette levée de boucliers. En effet, de nombreuses voix raisonnables s’élèvent pour expliquer qu’il y a une part d’irresponsabilité dans le refus d’Emmanuel Giboulot de traiter ses vignes de façon préventive. Le risque sanitaire pour tout le vignoble est tel qu’on est légitime à se demander si un seul homme peut se mettre en travers d’une démarche collective au seul motif qu’il n’y croit pas, que c’est contraire à ses convictions. En a-t-il le droit ?
Réponse dans quelques heures.
Nicolas de Rouyn
Mise à jour :
Le parquet a requis 1 000 euros d’amende dont la moitié avec sursis. Et pas de prison, évidemment. Voilà une étrange requête. Le fait de demander une amende reconnaît la réalité de la faute. Mais si le risque est réel et sérieux pour justifier le traitement préventif, il fallait requérir lourdement contre Giboulot. Dans le cas contraire, il fallait le relaxer purement et simplement. Cette requête symbolique n’éclaire rien et ne renforce ni la crédibilité des autorités en charge, ni les vignerons qui s’interrogent légitimement sur le bien-fondé des décisions prises par les instances responsables. Le jugement a été mis en délibéré au 7 avril à 13 h 30.
Nicolas de Rouyn
Photo : Wikimedia