En haut de la colline

La cuvée Gambert de Loche de la cave de Tain rivalise avec celles des illustres noms qui font rayonner les vins de l’Hermitage dans le monde


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L’histoire commence avec un splendide parcellaire, près de 29 hectares, dont 22 hectares en propriété, légués par Louis Gambert de Loche, fondateur et premier président de la cave. Tous les quartiers de la colline sont représentés, les plus reconnus (Bessards, Méal, Ermite, Maison Blanche, Greffieux, Rocoules) comme d’autres (Les Murets, L’Homme, La Croix, Torras, Les Signaux, Dionnières ou Petite Pierrelle), ce qui constitue certainement la palette la plus vaste à disposition d’un producteur de vins de cette appellation. À l’initiative de Daniel Brissot, l’ancien responsable du vignoble (également coopérateur), aujourd’hui à la retraite, les rouges sont en bio depuis 2012. Pour les blancs, la conversion a été lancée à l’hiver 2023. La vendange manuelle est effectuée à l’aide de petites caisses avant d’être tout de suite prise en charge dans le centre de vinification situé au pied des vignes. Au troisième étage de celui-ci, une nouvelle cuverie opérationnelle depuis la vendange 2014 et rendue possible par l’extension du site décidée par Xavier Gomart, l’ancien directeur général de la cave, permet désormais de tout vinifier séparément. Auparavant, même si le travail à la vigne était soigné, le nombre de cuves était insuffisant pour élaborer les cinq cuvées d’hermitage rouge. Aujourd’hui, Xavier Frouin, le chef d’orchestre en cave depuis 2005, vinifie une vingtaine de cuves d’hermitage (treize en rouge et sept en blanc) à chaque millésime. Après une sélection du raisin par tri optique, les cuves sont remplies par gravité, pour une macération de 25 à 30 jours en cuve béton. Jus de goutte et jus de presse sont séparés et les seconds sont parfois réincorporés, ce qui ne fut pas le cas lors des millésimes 2022 ou 2023. Les vins sont entonnés dans des pièces de 228 litres ou de 400 litres (bois neufs ou bois jusqu’à sept ans). Un premier soutirage à la sortie du premier hiver évacue les lies issues de la fermentation malolactique, puis les vins sont à nouveau entonnés pour douze mois supplémentaires, rifflés (c’est-à-dire bonde sur le côté). Les assemblages ont lieu au second printemps, pour une mise en bouteille début juillet. Les assemblages des hermitages rouges (Nobles Rives, Exploration, Gambert de Loche ou Epsilon) se décident en une journée, après dégustation des vins à l’aveugle. Xavier Frouin précise : « Sur la paillasse, je ne veux pas connaître le nom des terroirs, même si ce sont souvent les mêmes qui ressortent. On met de côté le travail qu’on a pu faire en élevage, en cave, afin de toujours revenir aux origines des terroirs ». Si la cuvée Nobles Rives rouge représente, en moyenne, 250 à 300 hectolitres (soit 40 000 bouteilles), la sélection Gambert de Loche est bien plus restreinte (environ 8 000 cols). Née en 1992, la cuvée n’est pas produite chaque année et manquent ainsi à l’appel les millésimes 2002, 2008, 2012, 2014, 2017 et 2021. Au sommet de la gamme, la cuvée Epsilon, née en 2004, est encore plus confidentielle avec seulement 1 400 à 1 500 bouteilles lorsqu’elle est produite. Tous les derniers millésimes dégustés illustrent de manière spectaculaire les progrès réalisés par la cave. Au-delà de l’implication des équipes et des investissements consentis, l’évolution du climat a certainement aussi joué un rôle.

La dégustation
Gambert de Loche 2020
Xavier Frouin : « 2020, c’était chaud, heureusement qu’on avait les parties granitiques (43 % d’Ermite). Le vin affiche 14,8 degrés, ce qui commence à être assez élevé pour un hermitage. »
Du corps et du raffinement avec un tannin d’une grande délicatesse. Le fruité noir reste frais et équilibre bien une pointe d’alcool en fin de bouche. Un vin harmonieux, même
dans ce millésime chaud qui lui donne une finale presque sucrante.
95/100

Gambert de Loche 2019
X. F. : « En 2019, les pellicules étaient un peu plus épaisses. »
Nez puisant et intense (encre, poivres, touche de camphre). Toucher velouté en bouche avec plus de fraîcheur que ne le laissent supposer les arômes. Le tannin n’est pas aussi magnifiquement ourlé qu’en 2020, en raison sans doute d’un petit blocage de maturité.
93/100

Gambert de Loche 2018
Fruité gourmand, plus sur les fruits rouges que les fruits noirs, ce qui traduit un basculement par rapport à la haute maturité du millésime 2019. Plus souple en bouche, mais affichant tout de même un bel équilibre glissant.
91/100

Gambert de Loche 2016
X. F. : « J’avoue que j’ai quelques regrets quant à cette cuvée dans ce millésime. Dans les millésimes compliqués, Epsilon ou Gambert, on peut toujours le faire. Mais il ne faut pas oublier nos autres hermitages plus abordables. »
Il a bien évolué en bouteille et affiche un registre légèrement animal avec des tannins plutôt caressants et une finale sur l’encre. Mille bouteilles seulement puisqu’il fallait renforcer la qualité de la cuvée Nobles Rives.
93/100

Gambert de Loche 2015
X. F. : « On avait fait un assemblage assez complexe de 20 000 cols, ce qui est une performance à ce niveau de qualité. »
Sur un registre aromatique d’évolution (fruits secs, écorce de pin, balsamique). Tannins caressants et une sève gourmande qui glisse en bouche, avec un peu de chaleur en finale mais sans excès.
94/100

Gambert de Loche 2010
X. F. : « 2010 est un de ces millésimes assez tardifs avec une belle maturité. »
La robe commence à tuiler. Parfums sur un registre tertiaire, fruits noirs, réglisse, tabac, en bouche avec des tannins caressants. La finale harmonieuse prolonge cette sensation d’élégance, tout en fraîcheur. Dans ce millésime tardif, le génie de l’Hermitage s’exprime dans le verre.
94/100

Gambert de Loche 2005
X. F. : « C’est mon premier millésime. À l’époque, on vinifiait deux cuves, pour se donner une possibilité d’assemblage. »
Le nez est un peu évolué, avec des nuances camphrées et végétales, la bouche manque un peu de fond. Pas au niveau des réussites récentes de la cave, mais à l’époque, l’outil ne permettait certainement pas d’aller plus loin.
89/100

Gambert de Loche 2000
X. F. : « Je n’ai pas vinifié ce millésime, mais en termes d’acidité, je pense qu’il y avait ce qu’il fallait. Vingt-quatre ans plus tard, le vin a super bien tenu. »
Robe tuilée, acajou. Les arômes sont gourmands (pruneau, raisin sec, viande fumée), les tannins glissent en bouche, la longueur n’est pas inoubliable, mais le charme demeure. La finale est sur des nuances de menthol rafraîchissantes qu’on ne retrouve pas sur d’autres millésimes plus récents.
93/100

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