Quel futur pour le vin ?

Pour les besoins d’un tournage, Michel Bettane et moi-même étions attablés il y a quelques semaines à la terrasse d’un café formidablement situé face au vieux bassin de Honfleur. La journaliste qui avait choisi de commencer son sujet sur cette image de carte postale avait logiquement pensé à nous faire servir deux verres de vin pour rappeler notre expertise. Heureusement nous n’étions pas obligés de les boire. Mais, par habitude professionnelle, nous avons humé les deux verres (petits, usés, mais tout de même en forme de tulipe) et goûté quelques centilitres. Deux purges. Un muscadet aux arômes de pamplemousse, avec du sucre résiduel en finale pour cacher une acidité à vous trouer l’estomac, et un chinon sans fruit et sans autre parfum qu’une tenace odeur d’oxydation, avec des tannins acerbes et une astringence d’une agressivité mémorable. Le tout facturé plus cher qu’un demi de bière, certes industrielle, mais équilibrée et sûrement buvable à en juger par la mine réjouie des touristes qui en éclusaient force pintes. À l’heure où l’on se lamente d’une baisse de la consommation de vin et du choix des jeunes, et pas seulement eux, pour d’autres catégories de boissons alcoolisées, tout était résumé par l’opposition caricaturale entre ce cadre idyllique et l’insigne nullité de ces produits. Sauf à prendre les consommateurs pour des accros à leur dose de pinard quotidienne, qui peut se désespérer de la fin programmée de ce commerce viticole oscillant entre l’à-peu-près et l’absolue médiocrité ? Le métier de vigneron, dans toutes ses acceptions possibles, est affaire d’exigence et de haute précision : quelle autre profession peut se targuer d’être à l’exact carrefour entre la terre, le végétal et le ciel, tout en effectuant une mission élaborée de transformation d’un fruit en un produit complexe, capable de défier les années en continuant à s’améliorer ? Qui doit savoir raconter son histoire, commercer dans le monde entier et être capable de transmettre à d’autres générations ce savoir-faire ? Ce métier-là a un avenir, n’en doutons pas. Nous avons choisi dans ce trente-huitième numéro d’En Magnum de dresser un portrait idéal des vignerons de cette nouvelle ère de la viticulture : quinze qualités, quinze valeurs fondamentales portées haut par quinze vigneronnes et vignerons de grand talent. Ceux-là, et beaucoup d’autres que nous saluons également dans ces pages, écrivent un futur du vin excitant et prometteur.

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