Retrouver cet article en intégralité dans En Magnum #36. Vous pouvez l’acheter en kiosque, sur notre site ici, ou sur cafeyn.co.
Le sens de la fête
Tout au long des heures les plus longues de l’été, jamais la fête ne cesse. Elle court le long des rues, des plages, mais aussi des domaines viticoles. Du 6 au 9 juin, le Bacchus Festival, « 100 % épicurien et circuit court », ouvre le bal au château de Valmy (Argelès-sur-Mer). Trois concerts par soir (Manu Chao, Etienne Daho, Olivia Ruiz, etc.) se succèderont sur fond de vignes et de mer. Les 14 et 15 juin, place à Maury et à son festival Voix de femmes. Côté bar, il sera rythmé par plus de vingt cuvées issues de la haute vallée de l’Agly. Le 22 juin, au château l’Esparrou (Canet), l’événement Bouteilles à la mer mettra en avant des millésimes vieillis dans l’étang de Leucate à plus de trois mètres de profondeur pendant huit mois. Un repas signé Ruben Gomez, Toque blanche du Roussillon, sera servi au coucher de soleil entre mer et étang. Autre rendez-vous haut en saveurs le 30 juin avec Les Caminades. Le principe ? Cheminer dans les collines de Collioure et Banyuls à la rencontre de huit chefs, dont Laurent Lemal (La Balette) et Aurélien Laget (Le Quintessence), et vingt-et-un vignerons, muni de son kit de dégustateur : plan, chapeau, verre et couverts.
Découvrir une architecture de vignoble unique
S’il faut attendre l’Antiquité pour que Vitis vinifera soit exploitée sur les pentes de schistes dévalant vers la Méditerranée de Collioure à Banyuls-sur-Mer, c’est au Moyen Âge que les Templiers lui donnent sa structure en terrasses si caractéristique avec ses murets en pierre sèche et ses canaux d’irrigation en peus de gall (pieds de coq). Une véritable œuvre humaine, « sculptée » et entretenue, depuis, par des générations de vignerons. Ces moines-soldats auraient aussi rapporté du Moyen-Orient la technique du mutage (parachevée et popularisée vers 1300 par le médecin Arnaud de Villeneuve) et découvert les vertus d’un élevage en plein soleil. Autant de techniques toujours utilisées, dévoilées chez Terres des Templiers (Cave coopérative de Banyuls regroupant plus de 800 vignerons exploitant 700 hectares plantés essentiellement de grenache).
Faire un grand bond dans le temps
À quelques minutes du « centre du monde » (dalien), on se rapproche aussi des premiers hommes. En 2019, l’année où Perpignan était capitale du vin, le célèbre musée de Tautavel consacrait une exposition aux origines de la vigne. On y apprenait notamment que dans la caune de l’Arago, « des pollens de vigne sauvage ont été identifiés, permettant d’affirmer que la vigne s’épanouissait déjà ici, il y a 700 000 ans », explique Anne-Sophie Lartigot-Campin, palynologue au Centre européen de recherches préhistoriques de Tautavel. Bien plus tôt que ce que l’on avait imaginé jusque-là !
Ne pas choisir entre mer et montagne
Ce n’est pas pour rien que de nombreux artistes sont venus trouver l’inspiration ici, sur la côte comme dans les reliefs de l’arrière-pays. « Les paysages du Roussillon sont à couper le souffle, un cadre terre et mer idyllique pour la dégustation de vins », nous confie Anne-Laure Pellet, directrice du conseil interprofessionnel des vins du Roussillon (CIVR). « La diversité géographique est mise en avant par douze itinéraires qui arpentent les trois vallées viticoles de l’Agly, de la Têt et du Tech. » Ils sont jalonnés de moments de partage et d’échanges qui se multiplient, comme s’en réjouit Vincent Garel, le président du comité régional du Tourisme et des Loisirs d’Occitanie. « Une expérience œnotouristique fait presque toujours partie de la to-do list du vacancier dans le Roussillon, qu’il soit néophyte ou connaisseur. Outre les visites classiques, on peut dormir dans une cuve comme à l’ancienne coopérative de Bélesta, participer à des ateliers autour de cocktails à l’objectif assumé de rajeunir l’image des vins doux naturels, voire participer à des fêtes typiques comme celle des vendanges de Banyuls, avec une arrivée spectaculaire du raisin en barque, depuis la mer. »
Mettre un peu d’art dans son vin
« Il n’y a pas en France de ciel plus bleu que celui de Collioure. Je n’ai qu’à fermer les volets de ma chambre et j’ai toutes les couleurs de la Méditerranée chez moi », confiait Matisse, qui ne fut pas le seul grand maître à s’émerveiller dans cet extrême sud de la France. La cité des peintres fourmille aujourd’hui de galeries d’art et son musée d’art moderne (Du 8 juin au 29 septembre, exposition Plein soleil, Collioure 1945-1985. Autre haut lieu artistique, Céret, dont le musée inaugure le 29 juin l’exposition Max Jacob, le cubisme fantasque) est l’occasion de savourer le vin sous un autre angle, à travers une aquarelle de Valentine Prax (Vendanges à Collioure, 1927) ou une installation contemporaine de verres à pied d’Amandine Artaud. À Banyuls, c’est Maillol qui nous fait signe avec un musée situé à 700 mètres du domaine familial Berta-Maillol, aujourd’hui conduit par les fils d’Yvon Berta. Celui-ci, arrière-petit-neveu de l’artiste, n’est jamais à court d’anecdotes. « Débarqué à Paris, Maillol voulait entrer aux Beaux-Arts. N’étant pas inscrit, il s’est débrouillé pour y entrer en auditeur libre en offrant une bonne bouteille de banyuls au gardien ! D’ailleurs, en catalan ancien, une jeune vigne se dit malhol. »