Le vin est une affaire de famille, chacun le sait. C’est chaotique ou très bien joué. Chez eux, ça marche
Cet article est paru dans En Magnum #27. Vous pouvez l’acheter sur notre site ici. Ou sur cafeyn.co.
Ce n’est qu’en 1982 que Jean-Luc Colombo et son épouse Anne s’installent à Cornas. Ils y créent une pharmacie puis un laboratoire d’œnologie-conseil. Longtemps, c’est cette seule activité de conseil qui les fera connaître des professionnels de la région. Des compétences qu’ils vont rapidement mettre au service de leurs propres vins. La première parcelle est achetée en 1986. Des vieilles vignes qui donnent naissance dès 1987 à la première cuvée, Les Ruchets. Suivront La Louvée jusqu’à la toute dernière Vallon de l’Aigle, premier millésime en 2005. Aujourd’hui, l’exploitation familiale s’étend sur dix hectares à Cornas, sans oublier trois hectares sur le cru voisin de Saint-Péray et quatre hectares en IGP méditerranée sur la Côte Bleue, hommage de Jean-Luc à ses origines marseillaises. Tous deux œnologues de formation, Jean-Luc et Anne ont toujours imprimé une extrême rigueur à l’élaboration de leurs vins, dans une région où longtemps on évoquait pudiquement des « vinifications à l’ancienne », pas toujours exemptes de dérives parfois majeures, faute à des hygiènes de cave régulièrement défaillantes. Lorsqu’ils acquièrent leurs premières vignes, puis leur maison au cœur du coteau, aux Eygas, en 1993, c’est avec le plus grand soin et les pratiques culturales les plus respectueuses qu’ils façonnent leur vignoble. À l’époque, les labels ne sont pas d’actualité (depuis 2015-2016 tous les vins du domaine sont certifiés bio) et cette appellation est en manque de médiatisation. Les Colombo dénotent par leur communication innovante et originale. Aujourd’hui, on parlerait d’approche disruptive. Idéale pour se faire une place à part, très vite. Ils écartent d’emblée la bouteille rhodanienne traditionnelle aux épaules tombantes, pour adopter le flaconnage bordelais. Choquant pour la région mais moderne quand on sait qu’elle est depuis adoptée par tous les grands vignobles ailleurs dans le monde. Ils apprennent à maîtriser les codes de la communication en faisant venir chaque année des journalistes et des dégustateurs pour leur présenter leurs activités, leurs projets, suivre leur évolution. Faire le point sur ces expressions tout en muscles et en fruits de ce vibrant coteau de Cornas, trois décennies plus tard. Faire savoir le savoir-faire.
La relève
Leur fille unique, Laure, la voilà, effectue sa première vinification en 2010. Pas facile de se faire un prénom. Surtout avec un père au caractère aussi trempé, surtout quand on en a hérité. À Cornas, les orages montent vite. Pas seulement dans le ciel. Père et fille savent trouver le moyen d’aller de l’avant, d’autant qu’ils partagent souvent la même ligne de fuite, le même horizon, au loin. Bon sang ne saurait mentir, Laure bénéficie d’une solide formation technique, BTS puis DNO, complétée par un passage dans l’une des meilleures écoles de commerce de France (Edhec). Des parents établis à Cornas. Très bien. Elle s’installe sur le cru voisin, à Saint-Péray, ni trop près, ni trop loin. Avec son compagnon, elle y façonne sa propre aventure, le domaine de Lorient. Ses vignes, ses animaux, ses chambres d’hôtes. Une ferme vigneronne où elle peut donner libre cours à ses expérimentations et ses envies du moment. Toute cette famille Colombo se retrouve dans la grande cave, construite dans le bas du coteau, à Cornas, quartier général de tous les projets : domaine Colombo (celui de Jean-Luc et Anne), domaine de Lorient, mais aussi le négoce qui pèse à lui seul près d’un million de cols. Bref, le travail ne manque pas. Deux générations ne sont pas de trop.