Cattier, l’histoire du Clos du Moulin

Fierté de la famille Cattier qui en a fait l’acquisition au milieu du XXe siècle, le clos du Moulin est l’un des plus anciens de la Champagne. Il donne cette cuvée de prestige superbe et originale


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« Mon grand-père Jean Cattier a signé l’acte d’achat du clos lors du Noël 1950. C’est une vigne qui apparaît dans les registres dès le XVIIIe siècle, quand Allard de Maisonneuve, un officier militaire du roi Louis XV, se voit remettre la parcelle en récompense de ses services », explique Alexandre Cattier à propos de l’acquisition par sa famille du clos du Moulin. De cette parcelle unique, située dans la commune de Ludes, la maison Cattier a fait sa cuvée de prestige. Inutile de chercher un moulin, maintes fois détruit, maintes fois rebâti. Seules de vieilles cartes postales attestent de son existence. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les Alliés bombardent les positions allemandes, notamment les stocks de munitions entreposés non loin du clos. Il ne reste de celui-ci que les fondations et quelques mètres de murs encore debout, depuis fort bien restaurés par la famille d’Alexandre qui lui redonné son lustre originel. Situé au sommet d’une butte, entouré de cyprès, le lieu offre un panorama sur la face nord de la montagne de Reims.

Trois millésimes
Pour la Champagne, la parcelle est grande (2,2 hectares). Vingt centimètres de terre recouvrent superficiellement le sous-sol de craie. Depuis toujours, chardonnays et pinots noirs plantés en 1981, 1983 et 2019, se partagent à parts égales cette surface délimitée. Comme pour tous les vignobles dont la famille est propriétaire, la viticulture du clos est raisonnée. Pour éviter de le tasser, un cheval effectue les travaux du sol. En cave, les raisins du clos ont toujours été isolés, suivant le même itinéraire technique que ceux issus des approvisionnements de la maison. Vinification en cuve béton (parfois en cuve inox), fermentation malolactique faite. Seules les premières cuvées sont retenues pour élaborer le champagne Clos du Moulin, afin d’éviter d’introduire des éléments amers qui accompagnent la fin du pressurage. Lancée vers la fin des années 1950, cette cuvée fut l’un des tout premiers champagnes à revendiquer un clos. À l’époque, le vin était tiré dans une bouteille champenoise standard, avant que ne soit adoptée l’actuelle bouteille spéciale. Les grands principes de son assemblage, eux, n’ont pas changé. Toujours une courte majorité de pinot noir complété par du chardonnay et toujours un assemblage de trois millésimes. Un même millésime se retrouve généralement dans trois tirages successifs de la cuvée, constituant 60 % du premier assemblage, puis 25 % et enfin 15 %, dès lors que ce millésime, conservé en cuve inox comme un vin de réserve, a atteint sa pleine puissance.
Quand elle est produite, la cuvée s’appuie sur l’intégralité des raisins du clos, sinon ces derniers sont utilisés pour les champagnes de la gamme Premier Cru. S’ensuit alors un long vieillissement sur lattes – moins long aujourd’hui (entre sept et huit ans) qu’à l’époque de Jean-Jacques Cattier, le père d’Alexandre, où il durait une dizaine d’années – qui permet de donner plus de fraîcheur au vin. Les dosages ont également baissé, passant de dix à six grammes par litre, mais s’appuient toujours sur des liqueurs d’expédition à base de chardonnay. En moyenne, cinq à six éditions de la cuvée Clos du Moulin sont produites par décennie (entre 10 et 15 000 bouteilles). Les Cattier ont cessé de tirer des magnums pour se concentrer sur les seules bouteilles, toujours dégorgées à la main et désormais habillées d’une étiquette en étain et en relief qui a pris la place de l’ancienne, sérigraphiée. Depuis le millésime 2006, la maison propose aussi une version rosée de Clos du Moulin, produite en quantités confidentielles (neuf éditions disponibles, 2 000 bouteilles à chaque tirage). Dans les deux couleurs, cet excellent champagne ne s’impose jamais par sa puissance ou sa vinosité, mais par son élégance, son équilibre et la justesse de chacune de ses différentes expressions. Cette verticale illustre aussi sa capacité à se bonifier en vieillissant.

Clos du Moulin – Millésimes 2016, 2015, 2014
Le tirage en cours de commercialisation propose une entame de bouche saline, qui laisse place à des parfums gourmands de fruits et de fleurs. La finale épicée est agréable
par son équilibre et sa persistance. Il affiche déjà la droiture des millésimes plus anciens et évoluera dans leur direction pendant vingt ans, voire plus.
Dosage : 6 g/l.
94/100

Clos du Moulin – Millésimes 2008, 2007, 2006
« Entre 2002 et 2009, on a eu une série de beaux millésimes », précise Alexandre Cattier, admiratif. Année parfaite en Champagne, 2008 donne à cette édition un équilibre accompli entre finesse, fraîcheur, élégance et persistance. Encore jeune, cette cuvée va bien évoluer dans le temps.
Dosage : 6 g/l.
95/100

Clos du Moulin – Millésimes 2004, 2003, 2002
« 2004 est une année généreuse », rappelle Alexandre Cattier. Depuis sa naissance, le profil aromatique de cet assemblage propose un fruité exotique (ananas, fruit de la passion) qui lui donne un caractère un peu moins aérien que les autres. Il répondra
aux attentes des amateurs de champagnes puissants.
Dosage : 8 g/l.
91/100

Clos du Moulin – Millésimes 1999, 1998, 1996
De la puissance et des amers en bouche. À l’époque, le dosage était un peu plus marqué, mais deux décennies passées en bouteille lui ont donné de la rondeur et de la texture. Aujourd’hui bien en place, avec une tension salivante en finale. Le fruité reste frais et jeune, donc ce vin ne manifeste aucun signe de déclin.
93/100

Clos du Moulin – Millésimes 1998, 1996, 1995
Plein et généreux, on devine un dosage ici aussi plus marqué, notamment au niveau de la rondeur et de la texture. Il offre une étonnante acidité pour un vin aussi âgé, avec des notes d’agrumes confits et une finale épicée. Grande énergie.
95/100

Clos du Moulin – Millésimes 1983, 1982, 1980
« 1983 est un grand millésime qui succède aux récoltes des années 1978, 1980 et 1981, les plus petites jamais vues. » L’effervescence est encore perceptible. On entre dans l’univers aromatique des vieux champagnes, entre notes de fruits confits, arômes racinaires (truffe blanche) et presque métalliques (limaille de fer). Un champagne à maturité, avec
une belle énergie et une acidité encore tonique.
95/100

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