Rien ne destinait Isabel Ferrando à devenir un jour vigneronne. Encore moins à s’imposer plus de vingt après ses débuts comme l’une des signatures incontournables de Châteauneuf-du-Pape. En 1997, à la naissance de Guillemette, sa fille unique, cette enfant du Ventoux décida que l’heure était venue pour elle de céder à l’appel de la terre et de renoncer à une vie dans la finance dont elle avait fini par se lasser. La jeune femme voulait créer quelque chose de ses mains, faire quelque chose de concret. Retour à Carpentras, d’où elle vient, pour suivre une formation et apprendre les rudiments du métier, le travail à la vigne et en cave. Apprendre aussi à se débrouiller seule. Rien n’est facile, le monde paysan a ses codes. Être une femme, évidemment, ne l’avantage pas. Mais Isabel a du tempérament. Elle s’accroche et rencontre Henri Bonneau à Châteauneuf-du-Pape. Ce vigneron de légende, disparu en 2016, la prend sous son aile. Elle découvre avec lui la diversité des terroirs de l’appellation, l’approche parcellaire, la magie de l’assemblage et surtout l’importance d’une viticulture respectueuse du vivant. À l’automne 2002, après de long mois de recherche, elle finit par trouver un endroit où elle se sent bien. Le domaine Saint-Préfert est alors loin d’être ce qu’il est devenu aujourd’hui, même si le vignoble avait de quoi séduire avec ses très vieilles vignes qualitatives, dont quelques clairettes roses et blanches plantées en 1940 et des cinsaults prodigieux de 1928 (cuvée F601). Elle le convertit d’abord au bio, puis à la biodynamie, tout en prenant le temps d’apprivoiser ses terroirs et d’en traduire les subtilités. Dans une logique « bourguignonne », elle isole et vinifie à part chacun d’entre eux dans sa cuverie, qui est aujourd’hui complètement rénovée. Acclamée par la critique américaine, le travail de l’ex-néo-vigneronne trouve au début des années 2010 une consécration encore plus grande avec la naissance de la cuvée Colombis qui réunit les vignes du domaine situées dans les secteurs de Colombis, du Cristia, du Rayas et des Roues. Autre succès avec ses vins blancs, merveilleux de finesse et toujours étonnants de longévité, notamment la cuvée spéciale Vieilles Clairettes. L’observation de ses terroirs et un sens du vin presque inné ont conduit Isabel Ferrando à repenser sa gamme et à proposer finalement un grand vin d’assemblage, issu d’une sélection parcellaire extrêmement rigoureuse, mêlant tous les terroirs dont elle dispose, entre galets, argile bleue, graviers et sables. Lié à sa personnalité et à son nom, le domaine Saint-Préfert a d’ailleurs changé récemment d’identité au profit de « Famille Isabel Ferrando ». Pas par excès de zèle, mais plutôt pour préparer l’avenir de la famille. Guillemette a décidé de rejoindre sa mère dans cette aventure. Toutes deux pourront compter sur une équipe pleinement concernée et inspirée par le parcours unique d’Isabel. On comprend cette admiration, plus de vingt ans de travail au service du grand vin, ce n’est pas rien.

Isabel Ferrando, l’obsession de la finesse
Emblématique est le mot qui résume le mieux Isabel Ferrando, la vigneronne du domaine Saint-Préfert à Châteauneuf-du-Pape. Alors que sa fille Guillemette suit désormais le même chemin, un dernier hommage s’imposait
