Mas Del Périé, c’est d’abord une histoire de famille. Lorsque cette petite ferme était tenue par les grands-parents de Fabien Jouves, l’endroit vivait de la polyculture. Des vignes, des céréales, du tabac, un peu d’élevage. Les temps sont durs quand les parents de Fabien prennent la relève. La douzaine d’hectares de vignes produit alors des vins vendus en vrac à la cave coopérative locale. Le domaine frôle le dépôt de bilan en 2006. « Pour ne pas que ça crève », Fabien Jouves, diplôme d’œnologue en poche, décide de relever le défi, même si ce n’était pas sa vocation. Fini le vrac. Le jeune homme veut faire des vins de qualité, le plus naturellement possible. Il crée alors Mas Del Périé. En 2009, le domaine est certifié en agriculture biologique avant d’obtenir, deux ans plus tard, le label Demeter pour la biodynamie. Ses 25 hectares sont situés sur les plus hauts coteaux de Cahors, à 350 mètres d’altitude, sur des sols de marnes et de calcaires ferrugineux, à la jonction des appellations cahors et coteaux-du-quercy. L’encépagement, que le malbec domine presque exclusivement, est complété par quelques hectares de chenin. Le vigneron est admiratif du malbec et de ses expressions selon les terroirs, ce qui l’a convaincu de suivre une approche parcellaire pour ses vins, Les Acacias, Les Escures, B763 (le numéro cadastral de la parcelle, ndlr). Même passion pour le chenin. Le cépage ligérien est adapté au calcaire. Il le ramasse sans chercher une maturité trop poussée pour garder de la fraîcheur, avec pour ambition de faire un grand vin blanc. Fabien Jouves a aussi réintroduit de vieux cépages régionaux dans ses parcelles, comme le jurançon noir, le gibert, le valdiguié ou encore le noual, avec lesquels il produit la cuvée Autochtones, en vin de France, réglementation oblige. Les jeunes vignes produisent des vins légers et de grands vins de terroir quand elles vieillissent — « les cahors d’avant », dit Fabien. Devenu plus paysan grâce à la biodynamie, il explique essayer seulement de ramasser des beaux raisins, sans chercher la concentration et la puissance. Depuis 2019, un nouveau chai de vinification gravitaire lui permet d’être plus précis pour vinifier de manière « naturelle » et sans intrants. L’élevage, très long chez lui, se déroule en cuves béton, en amphores, en fûts ou en foudres selon les cuvées. Reconnaissables entre mille, les vins sont ceux d’un esthète et faits pour être bus. Ils sont purs, expressifs, délicats, frais et avec des degrés d’alcool très bas, ce qui les rend digestes sans diminuer leur aptitude à la garde. En parallèle, Fabien Jouves a monté une activité de négoce de vins bio pour proposer des vins de soif, en dénomination vin de France, aux noms dans l’air du temps. Histoire de boucler la boucle, il a aussi planté des arbres truffiers et fruitiers, installé des ruches et il élève des cochons noirs, bien gascons. Certes, il s’inquiète de la crise économique qui sévit à Bordeaux et va se propager aux vins de Cahors. Mais son enthousiasme, son attachement à la région, sa créativité et la complicité qu’il entretient avec son épouse devraient lui permettre, pendant de longues années encore, de continuer à produire les grands vins qu’il sait faire comme nul autre.
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Fabien Jouves, au lendemain du grand soir
Si le domaine Mas Del Périé s’est imposé en deux décennies comme la pépite absolue de Cahors, c’est sans aucun doute grâce à la créativité et à l’énergie de Fabien Jouves, le vigneron qui lui a tout donné. Par Hélène Durand
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