Vacqueyras entre finesses et Dentelles

Injustement sous-estimés, les vins de Vacqueyras ont de sérieux atouts pour se faire une place dans les caves des amateurs de bons vins rhodaniens. La route sera longue, mais les meilleurs vignerons sont prêts


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Avec les appellations voisines gigondas et beaumes-de-venise, vacqueyras fait partie d’un vignoble produisant ce que l’on pourrait réunir sous la dénomination poétique de « vins des Dentelles ». Le massif topographique unique en son genre des Dentelles de Montmirail protège en effet le petit village de Vacqueyras qui se love dans les contreforts de son versant sud-ouest. Intégré à l’aire des côtes-du-rhône au moment de sa reconnaissance en appellation (1937), le vignoble de Vacqueyras devient un cru à part entière en 1990, vingt ans après l’accession à ce rang de celui de Gigondas, voisin situé un peu plus au nord et différemment exposé. Cela explique le manque de notoriété de cette appellation modeste (1 400 hectares) et de sa production, dans les trois couleurs. Elle propose pourtant des rouges très réussis qui s’appuient sur un terroir que l’on peut diviser en deux grands ensembles. D’un côté, les sols de safres et de marnes qui entourent la commune de Vacqueyras, à l’est de l’appellation. De l’autre, les « garrigues », terrasse de galets et de graviers calcaires posés sur des sables argileux qui s’étend vers le village de Sarrians, au sud. La tradition viticole rhodanienne dans la vallée méridionale privilégie l’assemblage de parcelles et impose celui des cépages. La cahier des charges de l’appellation autorise intelligemment les vignerons à piocher dans un large choix de variétés, leur permettant de s’adapter aux effets du changement climatique, fortement ressentis dans le secteur des « garrigues », éprouvé par le manque d’eau lors des années de sécheresse.

Chacun cherche son style
Très prisés des consommateurs belges, les rouges sont généreux, toujours plus solaires que ceux de Gigondas et, de manière générale, assez traditionnels. Assez peu de producteurs anticipent pour l’instant une évolution du goût des consommateurs, mais certains proposent des vins moins puissants et moins extraits, davantage sur la finesse et l’équilibre. Portée dans cette voie par quelques chefs de file internationalement appréciés par la critique et les sommeliers de restaurants prestigieux (Domaine de Montvac, Domaine Montirius, entre autres), l’appellation est capable de proposer des vins rouges d’une grande élégance, précis et droits, au prix d’une maîtrise technique aboutie et de quelques investissements, surtout en matière de vinification et d’élevage, afin d’éviter de renforcer la puissance naturelle de ces vins charnus ou d’en extraire lourdement les tannins. Pour conquérir de nouveaux consommateurs, l’AOC vacqueyras pourra aussi s’appuyer sur la belle qualité de ses vins blancs, dont les volumes produits ne cessent d’augmenter. D’un niveau homogène dans l’appellation, ce sont de jolis vins de plaisir, francs, équilibrés et savoureux, parfois très fins pour ceux intégrant de fortes proportions de clairettes. Il lui faudra aussi redéfinir, avec plus d’exactitude, le style des vins qu’elle produit, sans être complexée par la réussite de certains crus mitoyens. Avant d’affirmer de manière encore plus évidente son appartenance aux terroirs grandioses et encore sous-estimés des Dentelles de Montmirail.

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