Une renaissance attendue

Acquise en 1998 par Jacqueline et Jean-Jacques Sioen, un couple de Belges passionnés, cette propriété de Saint-Émilion retrouve les hauteurs qu’elle a déjà occupées


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Face à Figeac, le château La Marzelle s’appuie sur 17 hectares disposés autour du lavoir romain de la propriété autour duquel s’organisent les bâtiments privés. Il devait y avoir à cet emplacement un puits dont la margelle transforma le patronyme du cru. Tout ce vignoble impeccablement tenu est sis sur un substrat de graves, de sables et d’argiles bleues. Cette haute terrasse de Saint-Émilion formée par l’ancien lit de l’Isle intéressait déjà au Moyen-Âge les cisterciens de l’abbaye de Fayze, établis à Artigues-de-Lussac. Une famille, les Largeteau, contribua grandement ensuite à développer la renommée du domaine viticole au XVIIIe siècle. On en trouve trace sur la célèbre carte de Belleyme (1821). Le cru jouit vraisemblablement déjà d’une grande réputation et affiche sur son étiquette une mention « premier cru classé » dès 1925, alors qu’il n’existe pas encore de classification officielle des crus de Saint-Émilion. Lors de la première, en 1955, La Marzelle accède au rang de cru classé, conservé depuis. Tombés sous le charme de la propriété, qui ne compte alors que 14 hectares, Jacqueline et Jean-Jacques Sioen, un couple d’industriels belges, l’acquièrent en 1998. Ils l’agrandissent en 2003 avec trois autres hectares contigus au vignoble existant. Depuis 2020, Jean-Charles Joris, leur petit-fils, prend soin de ce vignoble bien situé où l’encépagement compte 70 % de merlot, 20 % de cabernet franc et 10 % de cabernet-sauvignon. Dès 2008, des pratiques culturales vertueuses sont mises en place avec l’adoption d’une viticulture bio, certifiée à partir du millésime 2020. Le chai de vinification, construit en 2012, permet une maîtrise optimale des températures et de travailler avec des macérations préfermentaires à froid et de la manière la plus fidèle à la sélection parcellaire effectuée au vignoble. Égreneur et système de tri par bain densimétrique à la réception des vendanges ont aussi favorisé une sélection plus rigoureuse permettant de donner plus de pureté aux vins. Les vinifications douces et respectueuses du fruit précèdent l’élevage. Cent pour cent de barriques neuves avec des chauffes de faible intensité pour le merlot et le cabernet-sauvignon, tandis que le cabernet franc est élevé intégralement en amphores de terre cuite depuis 2019. L’arrivée en 2016 de Sébastien Desmoulin à la direction technique correspond à l’ascension qualitative du grand vin de la propriété, de plus en plus remarquable par son toucher de tannin velouté prolongé, sa bouche puissante et raffinée et une grande fraîcheur d’ensemble capable d’évoluer parfaitement dans le temps.

La dégustation :
2007

Le premier millésime qui intègre du cabernet-sauvignon (8 %). Tannin souple et  parfaitement fondu, bonne longueur. Il donne aujourd’hui beaucoup de plaisir.
88/100

2008
Beau potentiel avec un profil tout en droiture et une finale poivrée qui relance l’ensemble.
Un millésime sérieux.
90/100

2010
Vin coloré, puissant et charnu au tannin bien étiré avec ce qu’il faut de fraîcheur. À ce stade, il surpasse le 2009, qui manque un peu de nuances.
92/100

2011
Tannin ferme qui se détend au fil de l’ouverture. Tonique et caressant, c’est le millésime qui s’impose à une salade de chanterelles et foie gras. Même type d’assemblage que le 2010.
91/100

2013
Année charnière qui traduit la mise en place d’un outil plus performant pour la réception des vendanges. Belle réussite pour le millésime avec ce vin au nez floral et à la bouche dessinée.
90/100

2014
Velouté et vigoureux, avec une bouche qui rayonne et une finale qui rebondit. Le tannin
est bien arrondi et l’on sent bien la présence des cabernets dans l’assemblage. Ce vin gagne à être carafé trois heures avant le service.
93/100

2015
Premier millésime élaboré selon les préceptes de la biodynamie. Nez de fruits noirs mûrs, densité crémeuse et charnue, longueur généreuse. Un vin plus en texture qu’en arômes.
92/100

2016
Le premier millésime de Sébastien Desmoulin, le directeur technique. Sa plénitude est exprimée avec beaucoup de tact. Élancé et subtil, porté par une chair raffinée et pulpeuse, il tient toutes ses promesses.
94/100

2017
Les tables vibrantes avant et après l’égreneur vertical (Tribaie, puis Calibaie) parachèvent le travail entrepris dans les millésimes précédents en apportant un soin extrême à la vendange. Notes de menthe sauvage, élégance et profondeur en bouche. De la vitalité
et de la longueur.
93/100

2018
Remarquable velouté de texture rappelant celui des grands pomerols. Longueur impressionnante, le tout avec de la tension en bouche donnée par les 20 % de cabernet franc et les 5 % de cabernet-sauvignon.
94/100

2019
Pour la première fois, les cabernets francs sont élevés en amphores de terre cuite. Attaque soyeuse et bouche qui se développe sur un corps charmeur et ferme. Finale étirée, caressante et très expressive, avec des nuances florales et des notes de fruits noirs.
94/100

2020
Nouvelle étiquette avec ce millésime à la trame sobre et moderne. C’est le premier à être certifié bio, même si l’on travaillait en ce sens depuis plus d’une décennie. Texture veloutée, grande fraîcheur, dense, il gagne en nuances au fil de l’ouverture pour rayonner avec de délicieux accents lardés et fumés.
96/100

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