Le temps de la forêt

Pour expliquer son travail, la famille Sylvain, qui possède les tonnelleries Meyrieux et Sylvain, reçoit chaque année un petit groupe de winemakers du monde entier. Nous avons suivi ce beau monde en forêt de Tronçais, là où sont choisis les bois qui feront, après des dizaines d’étapes artisanales, une barrique, un foudre, un vin. Photos Fabrice Leseigneur

La forêt de Tronçais est mondialement réputée pour la qualité de son chêne. Cette forêt très ancienne était la propriété de la couronne de France sous François Ier. En 1670, Colbert la fait cartographier et met en place un programme de semis de glands en vue d’obtenir du bois pour la marine. Elle est aujourd’hui gérée par l’Office national des forêts (ONF) qui la préserve et l’exploite respectueusement. La vie d’un chêne se planifie sur plus de deux cents ans.
L’ONF planifie la gestion des parcelles et effectue ce qu’on appelle une régénération. La parcelle, de vingt à trente hectares, est d’abord ensemencée
grâce aux glands de chênes semenciers. Un « semis » devient impénétrable au bout de dix ans. Au cours des vingt premières années,
plusieurs coupes sont effectuées afin de permettre aux plus beaux arbres de se développer. Puis la futaie est régulièrement entretenue
jusqu’à la coupe définitive des plus beaux chênes qui atteignent un âge vénérable, entre 200 et 250 ans.

 

Régulièrement, l’ONF procède à des ventes de parcelles aux enchères. Les différents exploitants évaluent alors la valeur d’une parcelle
(nombre d’arbres, taille de ceux-ci, état sanitaire, etc.) avant de participer à des enchères électroniques. Chacun inscrit le prix qu’il est prêt à payer.
Les participants découvrent ensuite qui a proposé combien et qui l’a emporté. Il faut évidemment essayer de gagner
les plus beaux lots sans compromettre l’équation économique de l’exploitation.

 

Une fois la parcelle achetée, il faut l’exploiter. L’acheteur a un à deux ans pour couper le bois sur pied.
Seulement 20 % environ d’un arbre seront conservés pour faire du bois de barriques, le reste sera vendu pour l’ameublement ou autre.
La coupe a lieu en hiver, au moment où la sève descend. Un bûcheron, qu’on appelle émondeur, grimpe dans l’arbre,
élague les branches qui le gênent, puis le tronçonne à mi-hauteur. Ensuite seulement, l’arbre est tronçonné au pied.

 

Il est essentiel de bien connaître la forêt. La famille Sylvain peut s’appuyer sur plus de trente ans d’expérience
et sa maîtrise des différents métiers (exploitant, mérandier, tonnelier). La qualité d’un bois dépend de la qualité de sa pousse.
Un sol pauvre entraîne une pousse lente qui jouera sur la qualité du grain. La connaissance intime de la forêt, de ses recoins, de ses subtilités,
est donc extrêmement importante. Comme avec le vin, la qualité de la matière première fait la différence.

 

Une fois le chêne au sol, un employé de la tonnellerie vérifie sa qualité et prend des mesures exactes.
Sur la coupe effectuée, son évaluation initiale était de 3,7 mètres cubes. Finalement, c’est 3,45. Avec ça, ils feront sept barriques.
L’arbre sera découpé en merrains qui partiront en maturation deux à trois ans (opération aussi appelée vulgairement « séchage »).
La tonnellerie les récupérera alors pour confectionner les barriques. Nous en reparlerons.

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