Le rhum de la terre brûlante

Le peuple de Cuba a mille visages. Celui de la pauvreté. Celui de la fête. Et celui du rhum Havana Club, fierté qui fait briller ses yeux. Documentaire exclusif

La Havane se réveille. Depuis le sixième étage d’un hôtel pour touristes chanceux, on aperçoit les abris de fortune posés sur les toits de certains vieux palais. Leurs façades sont décrépies. Leurs fenêtres, aux derniers étages, murées. On voit d’en haut ce qui est invisible d’en bas. Dans les rues de la capitale, les touristes sont tenus à l’écart de la pauvreté. Tout est fait pour. De belles automobiles anciennes et rutilantes paradent, prises en photos à chaque coin de rue, devant les façades somptueuses des bâtisses baroques et néo-classiques qui bordent les avenues du centre historique. Les serveurs des grandes institutions cubaines portent fièrement leurs complets immaculés. Les musiciens souriants reprennent sans relâche les classiques de Buena Vista Social Club. Et si l’on croise des enfants qui nous tirent par la manche, c’est pour réclamer des bonbons. On en serait presque attendri.
Ici, on ne se plaint pas en public. Chaque jour, des voix nouvelles s’élèvent contre la dictature et cette infantilisation de la population. La nouvelle génération d’actifs veut consommer, être libre. Elle ne supporte plus la livre et demie de porc, les haricots et le riz qu’on lui distribue chaque mois. Les étals des rares magasins sont vides. Les files de gens qui attendent cette aide alimentaire sont découpées de manière à ce que l’on finisse par penser que ces petits groupes de gens attendent le bus. Sauf qu’il n’y a pas de bus à La Havane. Pas plus que de yaourts. Les médicaments sont rares. Même celles et ceux qui travaillent – guides touristiques, chauffeurs ou instituteurs, etc. – peinent à se nourrir correctement et à trouver des produits de première nécessité. « Cela fait plus de six mois que je n’ai pas mangé de produits frais. Je n’en trouve nulle part. Ici, il n’y a pas de supermarchés ou d’épiceries. Il n’y a rien », nous confie l’un d’entre eux à l’oreille.

De belles automobiles anciennes et rutilantes paradent, prises en photos à chaque coin de rue, devant les façades somptueuses
des bâtisses baroques et néo-classiques qui bordent les avenues du centre historique.

Le contraste
À une trentaine de kilomètres seulement de la capitale, les champs de canne à sucre sont le décor verdoyant des lieux d’agrotourisme, récemment ouverts. La qualité de vie a changé. Elle se mesure à table. Fruits, légumes, lait et pain frais, volailles rôties et même desserts. Un miracle qui se reproduit chez Annabelle et son mari Alfredo qui tiennent la finca Tungasuk, une ferme et un restaurant cachés au milieu des palmiers et des cannes à sucre, à l’ouest de la Havane. D’origine nicaraguayenne, la jeune cheffe formée à Paris sert une cuisine délicate et savoureuse, exclusivement issue des produits et animaux de sa ferme. « Pendant le Covid, les habitants de la Havane mouraient de faim. Nous avons proposé aux autorités de vendre à bas coûts des paniers de légumes, du pain et du lait pour leur venir en aide. On ne nous laissait pas entrer dans la ville, nous devions déposer nos paniers au péage. Et comme personne ne venait les chercher, tout pourrissait et le lait tournait. C’était désolant de voir ça et de savoir qu’à quelques kilomètres, le peuple manquait de tout. »

Les cubains
Désolant, c’est bien le mot qui nous vient à la bouche quand on aperçoit dans les ruelles les façades en ruines ou les balcons effondrés. Et pourtant, malgré l’air ambiant, poussiéreux et lourd que l’on respire dans la capitale, les privations et la répression sourde des contestations, les Cubains conservent leur sourire et leur chaleureux sens de l’accueil. Ainsi qu’un plaisir inégalé pour la danse, la musique et la fête, surtout si c’est accompagné de ce qui fait leur fierté nationale : un verre de rhum Havana Club. Depuis des siècles, grâce à la qualité de sa canne à sucre, Cuba s’est fait une place de roi dans l’histoire du rhum. Dans les années 1920, la prohibition aux Etats-Unis fait de l’île le refuge des Américains amateurs de mojito ou de cuba libre. La rencontre entre Havana Club et Pernod-Ricard, en 1993, donne un nouvel élan à la marque cubaine, notamment par son développement à l’échelle internationale, grâce au solide réseau de distribution du groupe français. Depuis, Havana Club est devenue la troisième marque de rhum la plus vendue dans le monde, disponible dans plus de 120 pays. En dépit de ce succès, ce nouveau géant international est resté le rhum des Cubains. Sur l’île, son logo est partout. Symbole du soleil qui brille et de la chaleur des habitants, il se décline en tee-shirts, en stickers collés sur les fenêtres, les pare-brises et même sur de vieux scooters entièrement siglés. « Cette marque appartient d’abord et avant tout aux Cubains. Ici, on n’enverra jamais un avocat ou un juriste vérifier que ce qui est fait par les Cubains avec le logo Havana Club est conforme avec les accords passés avec le groupe », insiste un membre de l’équipe Pernod-Ricard. Bref, le produit fait la fierté et la renommée du pays. Sans doute au moins autant que de celles et ceux qui le fabriquent.

L’émotion
Dire que les Cubains portent aux nues leurs maîtres rhumiers est un doux euphémisme. Dans cette société de tous les extrêmes, ces maestros sont considérés comme des demi-dieux. Leur métier est même reconnu par l’Unesco depuis 2022 en tant que patrimoine culturel immatériel de l’humanité. D’ailleurs, à l’évocation de José Navarro (1942-2020), premier maître du rhum Havana Club, l’émotion prend le dessus chez nos interlocuteurs. Considéré comme le père du rhum cubain moderne, il lui a donné ses lettres de noblesse. On lui doit, entre autres, le rhum phare Havana Club 7 Años (et son processus unique de vieillissement continu) qu’il décrivait comme l’essence même du rhum cubain. « L’héritage de Don Navarro est important pour tous les Cubains. C’était quelqu’un d’exceptionnel. Il était brillant, avait un charisme fou tout en étant d’une simplicité extrême. Don Navarro nous a transmis ce qu’il avait appris. Notamment que le secret du rhum cubain, c’est la discipline. Avec les autres maestros, nous préservons et conservons son héritage en le transmettant aujourd’hui », explique Salomé Alemán Carriazo, première maestra del ron cubano de l’histoire. Elle poursuit : « Le rhum cubain fait partie des fondations de la culture et de la nation cubaine. Le défendre, c’est défendre Cuba ».

L’emblème
En 2007, Havana Club International est devenu le propriétaire exclusif d’une distillerie à San José de las Lajas, à 40 kilomètres de La Havane. Ce qui est unique à Cuba. C’est là que se retrouvent les maîtres rhumiers pour élaborer leurs créations et conserver l’excellence et le leadership du rhum cubain. Ces quatre mousquetaires, auxquels on peut ajouter l’aspirante (c’est-à-dire la maestra en devenir), forment la plus importante équipe de l’île. Aujourd’hui, nul doute qu’Havana Club est la marque de rhum cubain par excellence et son ambassadeur mondial. Ainsi, le rhum blanc emblématique Original Añejo 3 Años est, à Cuba comme à l’étranger, le produit de référence pour les classiques cubains, mojito, daiquiri, qui sont parmi les cocktails les plus consommés au monde. Sous l’impulsion de Don Navarro, Havana Club est aussi devenu le pionnier de l’extra-vieillissement (extra añejo, équivalent du XO pour les autres spiritueux). Un vieillissement naturel d’ailleurs « accéléré » du fait des spécificités du terroir cubain. Ici, la part des anges est plus importante qu’ailleurs. Partout dans le monde, le rhum est de plus en plus apprécié et considéré très souvent comme une alternative haut de gamme aux prestigieux spiritueux bruns tels que le whisky écossais et le cognac. Cette année, Havana Club International fête ses 30 ans et lance le tout premier millésime de rhum cubain : Havana Club 2007. C’est la première référence de la marque produite exclusivement dans sa distillerie, symbole de ses valeurs d’innovation et d’excellence.

Les racines
Si un musée Havana Club permet de se plonger dans les racines de la culture et de comprendre les processus de fabrication du rhum, on vivra cette culture encore plus intensément en allant s’asseoir au comptoir d’El Floridita. Le bar le plus célèbre de la Havane était aussi le préféré d’Hemingway qui venait y boire le meilleur daiquiri frozen de la ville. Inventé en 1931 par Constantino Ribailaigua Vert, alors propriétaire de l’établissement, ce cocktail a fait la réputation de ce bar resté depuis l’un des plus prestigieux au monde. Neuf versions du célèbre daiquiri y sont à la carte, ainsi que les cuba libre et mojito, tous à base de rhum Havana Club. S’il est assez facile (bien que coûteux) de boire de bons cocktails à la Havane, y déjeuner ou y dîner correctement est plus compliqué. Dans la capitale, les restaurants sont le plus souvent décevants, parfois carrément mauvais, et sont en tout cas toujours trop chers pour les Cubains qui n’y entrent qu’en de rares occasions. Le prix moyen d’un plat y est équivalent au salaire mensuel. Les habitants de la Havane se tournent plutôt vers les restaurants d’Etat, où l’on peut dîner copieusement à deux pour moins de 10 euros, ce qui n’est pas rien non plus.

« Avec les autres maestros, nous préservons et conservons son héritage en le transmettant aujourd’hui », explique Salomé Alemán Carriazo, première maestra del ron cubano de l’histoire.
Elle poursuit : « Le rhum cubain fait partie des fondations de la culture
et de la nation cubaine. Le défendre, c’est défendre Cuba ».

La jeunesse
S’il ne fallait retenir qu’une adresse pour dîner, ce serait celle d’Hubert et de sa casa particulare (table chez l’habitant). Elle s’appelle Esperanza, comme celle qui lui a légué la maison dans laquelle il reçoit ses clients. Dans la salle à manger, au milieu de la vie et des souvenirs d’Hubert et d’Esperanza, on découvre une cuisine traditionnelle cubaine faite avec soin et générosité, à l’image du maître de maison qui passe de table en table et fait même un brin de conversation en français. Enfin, nul doute que la meilleure chose à faire est de se rendre à la FAC (fabrica de arte cubano), galerie d’art et boîte de nuit installée dans une ancienne usine d’huile de cuisson. Dans cet incubateur et tremplin pour jeunes artistes cubains, on s’arrête au bar, on commande un cocktail (évidemment) et puis on flâne. On tombe sur une performance, on commence un parcours d’exposition et là, on débouche sur une piste de danse. Quelques mouvements d’épaules plus tard, on reprend sa visite comme si l’on avait toujours fait ainsi. C’est aussi ça, La Havane.
1. Esperanza, 105 calle 16, La Habana

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