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Chez les Lurton, depuis cinq générations, le sauvignon est une affaire de famille. François a commencé dans le vin avec son frère Jacques, aujourd’hui à la tête de châteaux dans les Graves, à Bordeaux (Couhins-Lurton, La Louvière, Bonnet et Rochemorin). Ensemble, ils ont lancé leur affaire en même temps qu’ils continuaient à travailler chez leur père André, dans ses propriétés dans l’Entre-deux-Mers. François Lurton se souvient : « Nous avons fait beaucoup de recherches sur les vins blancs, en particulier sur le sauvignon, ce qui nous a permis d’acquérir un savoir-faire particulier. Ensuite, nous avons décidé de voyager, pour jouer les flying winemakers ».
Un cépage planétaire
Au début des années 1990, il part faire des vins blancs, partout dans le monde : Uruguay, Argentine, Chili, Afrique du Sud, Espagne, Italie, mais aussi dans les pays de l’Est, en Bulgarie ou en Moldavie. Sans abandonner la France. Au début des années 2000, il est nommé directeur d’une commission du Comité interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB) pour réfléchir au futur de l’appellation bordeaux. Il est chargé d’établir un cahier des charges avec les membres de la Commission européenne et obtient la disparition de la dénomination vin de table, remplacée désormais par celle de vin de France. « Sans cette notion d’appellation contrôlée, on peut assembler des vins de plusieurs régions, ce qui permet d’obtenir des vins plus complexes et une puissance aromatique supplémentaire. Cela permet aussi produire des bons vins tous les ans. La dénomination vin de France est un outil incroyable qui permet de produire des jolis vins, bien faits, dans lesquels le consommateur se retrouve chaque année. »
François Lurton s’est toujours intéressé aux cépages. « Quand j’étais petit, mon père avait sa propre pépinière au château Bonnet, à Bordeaux. On pouvait faire notre sélection massale. » Son frère et lui ont rapporté des plants particulièrement intéressants d’Australie et les ont replanté et multiplié sur presque 20 hectares.
Plaisir et sommets
« Le sauvignon devait être planté près d’une mer ou d’une rivière », explique-t-il. « L’amplitude thermique est importante pour avoir des raisins mûrs avec une belle acidité. Il faut aussi la combinaison du terroir, du climat et de l’attention qu’il faut donner à ce cépage. Alors, on peut en faire un grand vin. » En Espagne, il a acheté une petite parcelle de vieilles vignes de sauvignon abandonnées qu’il conduit désormais en bio. En utilisant beaucoup de compost, la vigne a retrouvé une vigueur incroyable, nécessaire pour que le plant fournisse des baies très aromatiques. Quant à l’âge des ceps, il conseille de « replanter au bout de vingt-cinq ans pour que la vigne reste vigoureuse ». Le cépage est sensible aux maladies du bois, en particulier l’esca. « Le sauvignon peut atteindre des sommets. Les grands pessac-léognan sont faits avec du sauvignon, les sancerres aussi. » Avec ses équipes, François Lurton a travaillé pour diminuer la quantité de soufre utilisée, mieux contrôler les maturités, développer l’aromatique et apporter des réponses aux problèmes de réduction, fréquents avec le sauvignon.
Il croit beaucoup dans l’assemblage, « la meilleure manière d’obtenir la complexité ». En France, le winemaker achète des raisins qu’il vinifie en suivant le modèle champenois et produit du vin qu’il vend en vin de France. « Cette liberté a permis à la cuvée Les Fumées Blanches de gagner significativement en qualité. C’est aujourd’hui le sauvignon français le plus vendu au monde. »
Enfin, sur le positionnement des vins de sauvignon, il sait aussi qu’ils sont capables de grands écarts : « Certains pouilly-fumé sont vendus 350 euros la bouteille et il y a plein de bons sauvignons de Gascogne disponibles à moins de 10 euros. On peut donc arriver à proposer des vins charmeurs avec un rapport qualité-prix intéressant et, en même temps, des vins qui atteignent des sommets de qualité et de finesse. De temps en temps, quand ils sont rares, certains sont vendus à des prix astronomiques ».