Retrouver Notre dossier « Le génie des vins » en intégralité dans En Magnum #34. Vous pouvez l’acheter à partir du 1er décembre : en kiosque, sur notre site ici, ou sur cafeyn.co. Vous pouvez aussi l’acheter au Grand Tasting, le 1er et 2 décembre au Carrousel du Louvre.
Qui lit En Magnum a croisé plus d’une fois dans nos pages cette intrigante notion de « génie du vin ». Avec les années, sa révélation est devenue notre objectif, ici dans notre magazine, mais aussi partout où nous faisons se réunir les esprits curieux qui s’intéressent au vin et veulent en savoir plus sur lui, par la voie de l’apprentissage et du savoir. Tenir cette promesse a toujours justifié notre travail. Et, après presque vingt ans d’existence, réussir ce pari est plus que jamais la raison d’être de notre entreprise. Cette éthique a cependant une contrepartie exigeante. Elle force à la remise en question.
Qui sommes-nous ? Tout au long de cette année 2023 et de son actualité chaotique et brutale dans le secteur des médias, nous avons cherché des réponses à cette question. Rien de plus normal. C’est le propre de la vie d’une entreprise que de savoir qui elle est et ce qu’elle fait pour anticiper qui elle veut être et ce qu’elle va faire. Il y a quarante ans, la majorité des vins soumis au jugement de la dégustation étaient sans intérêt. Combien de fois m’a-t-on rapporté ce constat sans appel ? Et combien de fois s’est-on empressé d’ajouter que la situation s’était aujourd’hui inversée ? Puisque nous voulons défendre la qualité autant que le consommateur, cette situation nous réjouit. Tirons-en quelques conclusions heureuses quant au niveau des vins en France. Et mettons-les en perspective avec l’état critique de leur consommation. Que leur manque-t-il ? Sans doute une nouvelle manière d’en parler.
La critique française du vin – la nôtre aussi – admet volontiers que tout a changé pour le vin en l’espace d’un demi-siècle. Elle salue la transformation d’une viticulture vivrière, industrialisée de force, en un savoir-faire à la pointe de la précision et de la technologie pour faire face aux défis du réchauffement climatiques. Elle concède au travail du vigneron, incarnation de cette nouvelle agriculture « authentique et pleine de bon sens », un statut d’ordinaire réservé à l’artisan ou au créateur. Et elle reconnaît bien sûr que le goût du vin a changé, s’est codifié ici, s’est libéré ailleurs, avec plus ou moins d’excès et de dérives dans les deux cas.
Révéler le génie
Notre travail a longtemps consisté à créer des cases dans lesquelles ranger les vins soumis à notre expertise afin de permettre à ceux qui ne savaient pas comment s’y retrouver d’être un peu moins perdus. À mesure que s’élargit ce panel de bons vins, puis d’excellents vins, et finalement de grands vins, le champ d’action de notre mission se réduit. Que l’on continue de les hiérarchiser a du sens, surtout si ces hiérarchisations sont nombreuses et de sources diverses. On sait les dégâts que peut faire une critique omnipotente. Mais à quoi bon faire le tri entre ces vins sur le seul et unique critère de la qualité ? Pas d’imprécision sur ces propos : la qualité est le socle du génie que nous voyons dans certains vins. Elle est aussi le prérequis indispensable de ceux que nous recommandons dans nos magazines, nos salons, nos vidéos, etc. Mais c’est sans doute insuffisant pour convaincre le consommateur des cent prochaines années de continuer à boire du vin. Pire, on aura bien du mal à persuader l’amateur d’étendre son intérêt pour des vins qu’il ne connaît pas, pourtant de qualité égale.
Certains des meilleurs vins du monde ont pour eux ce supplément d’âme qui les fait basculer dans l’univers des vins de génie. Les reconnaître est plus simple qu’on ne le pense. En y regardant de plus près, combien de vins racontent vraiment toute la richesse que propose la nature ? Combien partagent vraiment la pure émotion du goût, celle qui marque de manière indélébile, bouleverse et émeut comme un premier baiser ? Où sont finalement ceux qui, sans jamais dévier de cette ligne si exigeante, illustrent la profonde nécessité de la diversité et de la création ? Le « vin de génie » n’est pas un vin de créateur. C’est un vin créateur. Il fait naître l’émotion, le rire, la joie, le doute, la beauté, l’introspection, le partage, la sensation d’être en vie. Il laisse sa trace dans la mémoire, prend une place dans notre culture personnelle et collective.
Ces facultés hors norme, propres aux grands vins de lieux et d’émotion, sont de l’ordre de la civilisation. Elles forment un idéal à atteindre. Pour Bettane+Desseauve, il s’agira de continuer à le révéler. Pour celui et celle qui aime le vin, il s’agira de continuer à le vivre. C’est ce que nous leur proposons de faire dans les pages qui suivent, à l’écoute de « la parole des maîtres », par la découverte des vins de génie « gravés à jamais ». Cette expérience se lit. Elle se vit aussi au Grand Tasting Paris, depuis maintenant dix-huit éditions.