Au départ était Gérard Basset. Le célèbre sommelier originaire de Saint-Etienne a fait carrière en Angleterre. Brillant, il a raflé toutes les récompenses possibles. Meilleur sommelier du Monde, Master of Wine, Master Sommelier, Officer of the British Empire. Autant de distinctions qui ont suivi son nom pendant sa carrière. Gérard Basset « OBE, MW, MS » est décédé prématurément en 2019 et son partenaire dans la société Liquid Icons, Lewis Chester, ainsi que sa veuve et son fils, Nina et Romané Basset, ont voulu continuer à faire vivre son héritage.
Lewis Chester, l’homme d’affaires, a transformé Golden Vines – initialement mention honorifique du Global Fine Wine Report (NDLR, un rapport annuel qui décrypte les tendances à l’œuvre sur le marché des vins fins) – en une soirée de gala qui récompense les meilleurs vignerons de l’année. Autour de l’événement, trois jours de festivités permettent aux amateurs fortunés de vin fin d’en goûter beaucoup, d’assister à des masterclass et de visiter des propriétés.
Organisée cette année par Crurated, société de distribution de vins rares qui fonctionne par adhésion, et Sotheby’s, une vente de charité pendant l’événement permet de financer la fondation, dont le rôle est d’attribuer des bourses à des personnes méritantes qui veulent intégrer le monde du vin ou de l’hospitalité. Au cours de sa vie, Gérard Basset a formé nombre de jeunes sommeliers, notamment lors des dix ans qu’il a passé à monter le groupe Hotel du Vin (NDLR, une chaîne d’hôtels-boutiques de luxe). Un travail de formation et d’intégration que la fondation de Nina et Romané Basset propose de continuer.
Trois jours à Paris
Organisateurs de cette édition parisienne, Liquid Icons, Golden Vines, Gérard Basset Foundation et Crurated avaient mis le paquet pour préparer ce rendez-vous. En particulier la remise des Golden Vines au cours de laquelle 250 personnes ont assisté à une impressionnante soirée de gala, au Palais Garnier de l’Opéra de Paris. De nombreux vignerons de haut niveau avaient eux aussi fait le déplacement. Luca Roagna (Piémont, Italie) et Charles Lachaux (Bourgogne), promus « meilleur jeune vigneron de l’année » les années précédentes étaient toujours de la partie. On pouvait aussi croiser Will Harlan (Harlan Estate, Californie) ou encore Egon Muller (Moselle, Allemagne).
Les participants prêts à dépenser une somme conséquente (10 000 livres le billet) pouvaient participer à plus de vingt dégustations et déjeuners exclusifs, pendant lesquels marques et vignerons célèbres expliquaient leurs vins. Ce qu’ont fait les groupes LVMH et Kering avec Krug, Dom Pérignon, Ruinart ou Château-Latour. L’idée était aussi de favoriser les synergies entre univers. La maison italienne de mode et de luxe Gucci avait ainsi réservé deux tables chaque soir pour ses meilleurs clients. L’Italie a d’ailleurs profité du moment pour mettre en avant ses grands vins lors de deux masterclass et d’un déjeuner au Royal Monceau. Sous les dehors festifs, les enjeux étaient importants pour mettre en relation les vins les plus chers avec ceux qui ont les moyens de les boire.
Les gagnants
Près de 500 professionnels élisent chaque année les meilleurs producteurs afin de leur attribuer un Golden Vine. Un processus similaire à celui des Césars ou des Oscars dans le cinéma. Le domaine de la Romanée-Conti a été élu pour la troisième fois « Best Fine Wine Producer ». Il ne pourra plus remporter cette distinction, comme le domaine californien Ridge Vineyards, élu pour la troisième fois « Best Fine Wine Producer » pour le continent américain. Le titre de « Best Rising Star » (meilleure star émergente) était le plus attendu. En 2021, la récompense avait fait exploser quasi-instantanément la réputation mondiale de Charles Lachaux (du domaine Arnoux-Lachaux à Vosne-Romanée) et les prix de ses vins par la même occasion. Cette année, le vigneron Eben Sadie (Afrique du Sud) remporte la distinction pour ses vins de terroir du Swartland, unanimement appréciés. Au cours de la cérémonie, d’autres distinctions mettent en valeur des domaines moins connus. Celui d’Emidio Pepe (Abruzzes, Italie) a gagné le « Sustainability Award », pour son engagement dans le développement durable.
Former les profils atypiques
Si la Fondation favorise l’apprentissage du vin à grande échelle, notamment avec le diplôme Wine and Spirit Education Trust (WSET) qui certifie des niveaux de connaissance du vin, elle investit aussi dans des bourses, avec des partenaires. L’accent a été mis cette année sur les bourses « diversité » et la « Taylor’s Port Golden Vines Diversity Scholarships », qui permettent à des individus au parcours atypique et dont les origines sociales ou culturelles ne favorisent pas l’entrée dans le monde du vin, de trouver leur place dans celui-ci, notamment en suivant le parcours qui doit les mener au titre de Master Sommelier ou Master of Wine. Ainsi, on a pu faire la connaissance d’Eduardo Bolanos, originaire du Guatemala, qui travaille chez un distributeur de vin à Los Angeles. Pour lui, aux États-Unis, les personnes d’origine hispanique sont généralement perçues comme celles qui font les vendanges ou débarrassent les assiettes, plus rarement comme celles les mieux formés pour choisir ou conseiller le vin.
Sachindri Rana et Amrita Singh, deux femmes d’origine indienne ont également été récompensées. La dernière, aujourd’hui installée à Bordeaux, aimerait retourner en Inde pour diffuser cette culture du vin encore étrangère à son pays. C’est là l’intérêt de ces gratifications : propager la culture du vin et son goût, dans des zones géographiques où sa connaissance est encore balbutiante.
Après Florence en 2022 et Paris cette année, Madrid accueillera l’an prochain les participants de la fête des Golden Vines. Certes, la portée de ces récompenses peut être questionnée dans la mesure où elles concernent une fraction quelque peu élitiste du monde du vin. Mais l’événement a le mérite de permettre à des clients dispersés partout dans le monde de vivre, le temps d’un week-end, plusieurs expériences inoubliables.