En 1976, dans Les bons vins et les autres (Collection Points, Le Seuil), le journaliste Pierre-Marie Doutrelant mesurait avec humour mais sans pitié le gigantesque fossé qui séparait une immensité de vins médiocres d’une toute petite minorité de crus vrais et savoureux. Près d’un demi-siècle plus tard, le paysage viticole français (et international) a beaucoup changé. En bon franglais technocratique, on dira que le vignoble a spectaculairement « upgradé » la qualité moyenne de sa production. Quand nous avons commencé notre travail de dégustation en commun, il y a maintenant quelques décennies, nous avions coutume de ranger les vins dégustés en quatre classes. « L’école verte » était la première, non à l’époque pour caractériser les rares vins bio, mais pour stigmatiser ceux, en grand nombre, que l’évident manque de maturité des raisins rendait astringents et acides. Tout aussi fournie était « l’école flottarde » et son océan de vins dilués et sans substance. Venait ensuite, pour les fins palais, « l’école puante » et son cortège d’arômes animaux, ce qu’un négociant bordelais fameux en son temps pour son expertise aromatique décrivait comme « une odeur de sconse, derrière l’oreille » (anecdote confiée aux auteurs par un propriétaire médocain célèbre qui la tenait de son non moins célèbre père) et que certains sommeliers ou journalistes de ce temps prenaient pour « le vrai goût du terroir ». Plus prosaïques, les œnologues d’aujourd’hui savent que ce faux goût est provoqué par une levure très désagréable, la brettanomyces. La dernière classe, de loin la plus modeste en nombre, était celle qui comprenait ce que Doutrelant qualifiait de bons vins.
Cinquante ans plus tard, la situation n’est plus la même. Les jajas bricolés d’autrefois sont devenus des vins techniquement irréprochables, résolument marchands et installés sur les rayons à des tarifs compétitifs. Souvent également furieusement banals. Dans le même temps, un autre peloton, de plus en plus détaché de la masse, a émergé : pas celui des bons vins d’antan, sympathiques mais souvent imprécis, mais celui des grands vins, exprimant avec une justesse et une pureté de définition jamais atteintes auparavant leur terroir d’origine. Ce qui différencie ces grands vins des autres, ce ne sont plus les défauts, mais bien la personnalité et l’authenticité. C’est précisément la mission de ce guide, le 27e que nous signons, que de vous révéler le génie propre de chacun de ces grands vins.
Michel Bettane et Thierry Desseauve
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