En juin, la Bourgogne inaugurait sa Cité des Climats, répartie sur trois sites. À Beaune, huit grands vignerons de France et d’ailleurs étaient invités à témoigner de ce qu’ils doivent à la région. Souvenirs, enseignements et émotions
L’émotion, c’est de se retrouver le vendredi 16 juin au matin face à ces huit grands vignerons de partout, tandis qu’un paquet d’autres grands vignerons de Bourgogne sont assis dans la salle. Au basket, on dirait que c’est le All Star Game du vin. L’idée est de répondre à la question : « Pourquoi la Bourgogne est-elle le leadeur mondial de la viticulture de terroir ? ». Chacun y va aussi de son souvenir ou de son compliment. Et ce qui a marqué ces vignerons est souvent à rechercher dans leur jeunesse. Aldo Vaira, du Piémont, n’est pas fils de vigneron, mais il y avait beaucoup de bourgognes dans la cave de son père. Pareil pour Nigel Greening, de Felton Road en Nouvelle-Zélande, qui n’est pas issu du milieu viticole, mais a longtemps vécu à Londres à une époque où les grands bourgognes lui étaient accessibles. D’autres se sont formés à Beaune, comme Anselme Selosse qui a fait sa « viti » dans les années 1970, s’empressant ensuite de tout oublier pour aller chercher « la permanence dans ce qui change » ? Ou encore Jaume Gramona, de Gramona à Penedès, lui aussi formé en Bourgogne.
Ma Bourgogne
Tous rendent hommage à cette préscience des vins de Bourgogne qui a mis le terroir avant la marque où le goût. L’industrialisation du vin dans les Trente glorieuses est passée par là. Tous reviennent désormais à une identité de lieu, chacun cherchant à l’interpréter au mieux. Marie-Thérèse Chapaz se désole que le Valais en Suisse ait perdu ses noms de lieu-dit : « Les noms de lieux font plus rêver que les noms de vignerons ». Jean-Michel Deiss considère « qu’un terroir est toujours plus fort que les vignes plantées ». Il s’est accommodé des AOC alsaciennes, qui n’exigent pas de proportion parmi les treize cépages reconnus et met tous ses cépages d’une même parcelle dans un vin, inspiré au départ par un édito de Michel Bettane qui considérait que 100 % d’un seul cépage était un concept totalitaire. Alain Moueix du château Fonroque à Saint-Émilion dit pour sa part que « la Bourgogne l’a sauvé » à une époque où Robert Parker faisait la pluie et le beau temps dans sa région. De la Bourgogne, il a gardé au début des années 2000 l’esprit parcellaire pour ses assemblages et un style élégant quand ses confrères bordelais cherchaient le muscle boisé. Enfin, Marcel Guigal déplore aussi que l’AOC côte-rôtie n’ait pas hiérarchisé ses terroirs, même s’il y est bien arrivé tout seul avec sa trilogie La-La-La qui sera bientôt une quadrilogie avec l’arrivée de La Rénarde.
Bref, on aurait aimé que les intervenants parlent plus longtemps. Certes, on pouvait prolonger l’expérience avec certains lors du cocktail qui suivit l’inauguration. Le très lyrique Jean-Michel Deiss fut celui qui rendit le plus hommage à Aubert de Villaine (domaine de la Romanée-Conti), qui a beaucoup fait pour la Bourgogne. Il a bien écouté son conseil : « Ne prends pas ta retraite, mets-toi juste en retrait ».