Le monde du vin change plus vite que nous le pensons. Trois tornades conjointes viennent chacune heurter de plein fouet son rythme ancestral et profondément remodeler ses frontières, ses hiérarchies, parfois sa nature. La première – et sans doute la plus fondamentale – est le bouleversement climatique et écologique que nous vivons. Comme toute activité agricole, le vin se trouve sur la ligne de front. Elle modifie autant le caractère de la production que sa géographie. L’eau, en particulier, devient un enjeu essentiel. Ce trésor n’est pas partagé partout de manière équitable. L’irrigation n’apparaît plus aujourd’hui comme une garantie de développement tous azimuts des vignobles. La spectaculaire mondialisation du vin constitue le deuxième souffle du bouleversement. En se développant partout, de la Chine à l’Argentine, en passant par la Californie et la vieille Europe, le vin s’est installé sur le créneau du luxe et de la haute personnalité, bien loin de l’image de produit basique qu’il a eue pendant des siècles dans les pays consommateurs. La transformation extraordinaire du vignoble provençal, que nous explorons et analysons en détail dans ce trente-deuxième numéro d’En Magnum, en est un exemple formidable.
Le consommateur dicte aussi son agenda. On glosait il y a vingt ans sur l’abandon du vin par les jeunes générations. Il n’en a rien été, mais ces nouveaux amateurs imposent peu à peu leurs goûts et une vision différente. Moins de rouges structurés et de garde, plus de rosés, de blancs et de bulles, de nombreuses tendances stylistiques ou éthiques, la carte des vins se modifie en profondeur durablement. Jamais, en quelques millénaires d’existence, la civilisation du vin n’aura été soumise à de si forts courants. Les observer et les apprécier sans se laisser emporter par des flots parfois contradictoires ne manque pas d’intérêt pour les amateurs que nous sommes.
En Magnum#32, chez votre marchand de journaux (à partir du vendredi 16 juin) et sur notre site ici.