La finale du concours du meilleur sommelier du monde s’est achevée dimanche soir, couronnant le Letton RaimondsTomsons. La fin d’une compétition hors norme et l’aboutissement de parcours humains extraordinaires
Le pronostic est un jeu à risques. Si on se doutait vendredi qu’un outsider viendrait troubler le trio promis à la finale, on n’a pas trouvé le bon. Raimonds Tomsons et Nina Jensen, troisième et deuxième du précédent concours étaient bien au rendez-vous. Toute la France attendait Pascaline Lepeltier. Elle a hérité de la position la plus inconfortable, la quatrième, au pied du podium. On attendait aussi le japonais Wataru Iwata. Il n’est pas passé loin, il termine cinquième. Les volubiles Mark Guillaudeu et Francesco Marzola nous avaient diverti avec leurs personnalités extraverties. Ça n’a pas suffi, ils sont quinzième et seizième.
Le self made man à la chinoise
Le trublion du jour c’est Reeze Choi, le candidat chinois de Hong Kong. Olivier Poussier a dit de lui qu’il avait fait une excellente demi-finale. Il a été moins convainquant en finale. Sans démériter, avec un déficit d’expérience face à ses deux concurrents européens. Pourtant à l’aise, il a même fait rire les 4 000 spectateurs en disant qu’un vin manifestement faux sur une carte venait sans doute de son pays. Ce qu’il faut retenir, c’est son histoire incroyable. Celle d’un garçon issu d’une famille pauvre, qui a arrêté l’école à seize ans, fait tous les métiers du monde avant de trouver sa place à 21 ans dans un bon restaurant italien. Comme serveur. C’est pour mieux gagner sa vie que son manageur lui a conseillé la sommellerie. Il s’est pris au jeu, a multiplié les expériences. Le voilà troisième au concours de meilleur sommelier du monde, à 35 ans. Incroyable.
Le duel qui venait du froid
Tout s’est joué entre la Danoise et le Letton. Nina Jensen est une encyclopédie du vin. Elle semble avoir réponse à tout. Elle s’est précipitée dans les cinq questions finales où les trois candidats devaient deviner des domaines avec des images. Plus ils répondaient vite, plus ils prenaient de points. S’ils se trompaient, ils n’en prenaient aucun. Elle a été trop vite, n’a pas identifié la cuvée Sir Winston Churchill de Pol Roger et Case Basse de Soldera (Toscane). Le grand Letton Raimonds Tomsons, notre favori depuis vendredi, l’a surclassée dans l’aisance, semblant être chez lui. La scène, arrangée en restaurants, où les candidats devaient servir plusieurs tables, enchaînant les épreuves, ressemblait au restaurant où Raimonds œuvre depuis toujours. Il n’a pas plus identifié que les autres que le soi-disant petit vin fruité et prêt à boire était en fait « pété » d’acidité volatile. À l’aise avec les convives, ses juges, il a donné ce sentiment magique de ne faire aucun effort. Comme les deux petrus dégustés à l’aveugle et d’une classe évidente pour les trois candidats, Raimonds Tomsons a fait preuve d’une classe évidente aux yeux de tous.
Sa troisième tentative
Il finit enfin premier, parfaitement à sa place. Avec un naturel désarmant, il a dit en conférence de presse qu’il était impatient de retrouver sa femme, ses enfants, ses amis. Lui aussi a fait un sacré parcours depuis Roja, son petit village côtier sur la mer Baltique. Plus qu’à la remise d’un titre prestigieux, c’est à la conclusion d’une belle histoire à laquelle nous venons d’assister. Celle d’un petit gars de Lettonie qui s’est dit un jour qu’il pouvait devenir meilleur sommelier du monde. Il l’est devenu.