Tout le monde s’y attendait. Personne n’a été déçu. La vente des Hospices de Beaune a explosé tous les records ce dimanche 20 novembre. Excellente nouvelle pour cette institution beaunoise, pour l’hôpital, pour la région. L’amateur des vins de Bourgogne est plus méfiant
Dithyrambiques. C’est ce qui qualifie le mieux les commentaires à l’issu de la 162e vente des Hospices de Beaune qui a battu tous les records. Les quatre hôpitaux et six Ephad que cette vente finance peuvent envisager sereinement leur avenir budgétaire. Pour sa deuxième collaboration avec la maison de vente Sotheby’s, les hospices avaient le bonheur de présenter 802 pièces, après une récolte famélique en 2021. Ils ont récolté 28 978 500 millions hors frais, faisant plus que doubler le précédent record de 2018 avec 13,9 millions. Une progression de 108,5 % qui donne le tournis, sachant qu’il y avait un peu moins de pièces qu’en 2018.
L’émotion de toute une profession
Comme toujours, l’attention s’est particulièrement focalisée sur la Pièce des Présidents vendue cette année avec fougue par Flavie Flament et Benoit Magimel. Cette pièce de corton grand cru assemblée par Ludivine Griveau et ses équipes avec trois climats, les renardes, les bressandes et les chaumes, a atteint 810 000 euros, surpassant de 10 000 euros le précédent record. Chargée d’émotion cette année, elle était dédiée à Louis-Fabrice Latour, haute figure de la région décédée prématurément début septembre. Sa femme Patricia et sa fille Éléonore ont pris la parole en début de vente. Le fruit de cette vente ira à deux associations qui s’occupent d’enfants malades ou vulnérables, Princesse Margot et Vision du Monde. Alors que c’est généralement un généreux donateur étranger qui emporte cette pièce, les maisons Louis Latour et Joseph Drouin s’étaient entendues pour monter jusqu’à 700 000 euros. Leurs collègues de la Fédération des Négociants Éleveurs de Bourgogne se sont associés à eux pour compléter l’offre dans un bel élan de solidarité confraternelle. « Elle reste à la maison » a dit Benoit Magimel. Frédéric Drouhin, d’un naturel réservé, a même fendu l’armure : « Nos deux familles ont vécu des moments personnels très forts, avec le départ de ma fille Romane et celui de mon ami Louis-Fabrice Latour », tous deux emportés par un cancer.
Un marché qui s’emballe
Au-delà de la liesse et de l’émotion, cette vente est aussi un signal pour le marché. Si les hausses étaient progressives depuis 2010, cette édition cumule un nombre de pièces important avec des prix records. Rien ne semble pouvoir calmer la fièvre des enchérisseurs, impossibles à rassasier en grands vins de Bourgogne. Le prix moyen d’une pièce de blanc est de 55 533 euros (en hausse de 14,18 %) et le prix moyen d’une pièce de rouge de 30 232 euros (quasi stable). Soit un prix moyen bouteille de 185 euros en blanc et de 100 euros en rouge, sans les frais d’élevage ou d’embouteillage. Pour les grands crus, c’est beaucoup plus. Les Français parlent parfois de ces vins avec une pointe d’amertume, tandis que la riche clientèle étrangère, particulièrement asiatique, se les dispute avec enthousiasme. Comme l’indiquait sur Facebook une Chinoise qui a assisté à la vente, ces vins sont souvent pris pour un investissement rentable, un actif, pas seulement un vin prestigieux. Un glissement d’usage qui doit rendre les Bourguignons prudents. L’adage romain le dit « Il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne ». (Cela dit, tempérons l’affolement de notre chroniqueur. S’agissant d’une vente de charité, il n’est pas acquis que ce soit un exact reflet du marché à venir, NDLR).
Crédit photo: Hospices de Beaune