Cet édito est tiré du numéro #28 d’En Magnum. Vous pouvez l’acheter à partir de demain vendredi sur notre site, sur cafeyn.co et chez votre marchand de journaux
Dans le grand bouleversement environnemental qui nous assaille, la civilisation du vin a, non pas une, mais beaucoup de cartes à jouer. La viticulture n’est pas une agriculture comme les autres. Elle n’est plus vivrière et peut donc, en ce sens, plus facilement entamer des tournants écologiques drastiques là où d’autres productions sont écartelées entre l’impératif de sauver la planète et celui de nourrir la planète. Sa dimension symbolique, historique, mystique, donne aux engagements des vignerons une force et une signification particulières. Enfin, contrairement à d’innombrables autres secteurs de l’activité humaine, le mondovino n’est pas dominé par un oligopole de grandes entreprises, mais au contraire éclaté en une myriade d’acteurs, qui agissent ou réagissent chacun à leur façon, selon leurs convictions personnelles et parfois les attentes de leurs marchés respectifs. Il ressort de cet éparpillement structurel une étonnante impression d’ébullition quant à la prise de conscience environnementale et des solutions que chacun, à son échelle, peut y apporter.
Il y a quarante ans, le vin a compris, en ordre dispersé et avec de multiples stratégies, qu’il était grand temps de remédier à la routine médiocre et productiviste qui s’était emparée de son industrie. Il a aussi pris conscience, vingt ans plus tard, individuellement plus que collectivement, qu’il se devait de renverser la table de ses pratiques écologiques. Il a entamé une marche chaotique et excitante pour cette mutation essentielle, avec ses hérauts modestes ou fameux, ses multiples initiatives et ses résultats encore trop partiels. Ces bouleversements et ces nouvelles pratiques ont souvent correspondu à des choix forts de vigneronnes ou de vignerons de caractère, au départ souvent isolés dans leur microcosme, puis peu à peu rejoints par beaucoup d’autres, représentant tous les types de structure viticole et toutes les tailles d’entreprises. La révolution bio dépasse aujourd’hui largement le cadre d’une idéologie politique, mais aussi celui des labels qui sont censés l’ordonner. C’est ce récit foisonnant, parfois erratique, au final fondamental, que nous vous racontons dans le 28e numéro de En Magnum.