Jeudi 10 février, le Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne a organisé son séminaire Vinosphère qui a réuni 250 participants. L’occasion de balayer les sujets qui préoccupent le vignoble, avec deux points forts : une étude sur les millenials et un plan d’action pour décarboner la région.
On a parlé de (presque) tout à Vinosphère, la Covid et son impact sur le marché, le dépérissement du vignoble, les enjeux du digital… Les participants ont même pu visiter le chantier de la Cité des Climats et des Vins de Bourgogne qui sort de terre à grande vitesse. Deux sujets ont retenu notre intérêt. Le premier, une étude lancée par le BIVB sur les millenials, ces jeunes consommateurs nés dans les années 80 et 90. Une première phase qualitative a été bouclée sous la direction de Manoel Bouchet qui préside la commission Marchés et Développements du BIVB, avec le concours de l’agence Kantar. L’occasion de poser les enjeux de la perception du vin par cette génération, et donc sa consommation ou pas. Le consommateur-type de vin, le boomer, est aujourd’hui retraité et vieillissant. Sa consommation baisse. La filière doit s’assurer que le consommateur de demain, et déjà d’aujourd’hui, sera bien au rendez-vous. L’enquête a été menée dans trois pays, France, Angleterre, États-Unis, 42 répondants par pays. Personne ne sera surpris d’apprendre que le vin est perçu par ces jeunes comme un univers nébuleux, figé et intimidant. De nombreuses études montrent que les jeunes consommateurs tendent à se détourner du vin pour aller vers des boissons perçues comme plus cool et moins chères, la bière, le cidre. Le BIVB prend les devants pour inciter les producteurs à réfléchir maintenant à ces questions, rester authentique tout en étant moderne et accessible. Ce qui met en valeur des repères clefs pour ces millenials, l’engagement environnemental, ses habitudes avec les réseaux sociaux pour principale source d’information. On n’a pas été surpris de voir surgir, au détour d’un slide Powerpoint, le visage d’Emile Coddens, nouvelle star des réseaux qui, avec 30 000 followers sur Instagram et plus de 520 000 sur TikTok, est une des figures qui parle à cette nouvelle génération.
Marc-André Selosse n’a pas hésité à marquer les esprits lors de son discours de conclusion, disant aux bourguignons « Je pense que le pinot noir ne poussera plus ici en 2100. Il faut penser évolutivement. »
L’autre gros sujet c’était un plan de décarbonation de la filière viticole bourguignonne avec le plan « Objectif Climat ». La commission technique du BIVB, présidée par Jean-Yves Bizot, travaille main dans la main avec Sophie Wolff de l’ADELPHE, association chargée du tri des déchets, et le consultant Didier Livio qui planche sur ces sujets depuis trente ans. Aujourd’hui le bilan carbone de la filière viticole bourguignonne c’est 372 000 tonnes par an, soit l’équivalent de la ville de Lens. L’idée est de se caler sur les engagements de la COP 21, ramener l’augmentation moyenne de la température à 1,5 degrés seulement à l’horizon 2050. Pour cela, il faut agir maintenant sur plusieurs leviers. Pour les producteurs de vins de Bourgogne, ce sont la bouteille, l’agroécologie, le fret, l’énergie et les déplacements. La bouteille représente par exemple 34 % de ces émissions de carbone. L’idée est évidemment de la rendre plus légère, et d’arrêter d’envoyer des bouteilles de 900 grammes à l’autre bout du monde. Mais aussi d’agir au niveau des producteurs de verre en privilégiant ceux qui font fonctionner leurs fours avec des énergies renouvelables. Toute la réflexion globale consiste à dire que ces enjeux seront déterminants demain. Plutôt que d’avoir à compenser des mauvais bilans carbones dans le futur, avec des droits à polluer qui seront de plus en plus chers, autant agir dès maintenant. Chaque euro investi aujourd’hui par la filière sera plusieurs euros économisés demain. L’objectif est d’arriver à un plancher de production de CO2 de 150 000 tonnes d’ici à 2035. L’autre versant du projet est de jouer sur la décarbonation, pour compenser ces 150 000 tonnes, notamment en entretenant au mieux les parcelles boisées des villages viticoles pour augmenter leur capacité à absorber le carbone. Le but de la Bourgogne est de faire école, son plan d’action pouvant être repris et appliqué dans d’autres régions. L’écologie est un enjeu majeur qui a été au cœur de la conclusion proposée par Marc-André Selosse, professeur au Museum d’Histoire Naturelle, et qui rejoint le premier sujet : parler aux générations qui seront aux commandes dans dix ou vingt ans, l’environnement sera au cœur de leurs habitudes de consommation. Et ceux qui polluent ne seront plus consommés.