La moustache la plus célèbre de la Loire est portée par l’homme qui élabore quelques-uns des vins les plus enthousiasmants de la région. Verticale
Ici aussi, l’épisode de gel a fait des dégâts. « 50 % des vignes sont meurtries », explique Jacky Blot, docteur ès chenin de Montlouis-sur-Loire. Le panache habituel de l’infatigable vigneron des domaines de la Taille aux Loups et de la Butte repart de plus belle. Entre deux confinements, il reçoit critiques internationaux, sommeliers, chefs étoilés et sa clientèle passionnée de grands chenins. Ils sont en effet de plus en plus nombreux, célébrités comme profanes, à prendre le chemin de la cave de Husseau, où les dégustations rythment les heures de la journée. En soirée, Pierre Arditi est annoncé pour le dîner. On commence avec le montlouis village, la cuvée Rémus, qui existe depuis 1995. « Mon premier millésime, c’est 1988 », explique le maître des lieux. « J’ai enchaîné avec 1989 et 1990, deux millésimes où l’on n’avait pas trop de questions à se poser. Rien à voir avec les tristes 1991 et 1992. Je me souviens qu’on avait lancé un vin de voile, gentil mais pas à la hauteur de nos espérances. En 1993, je fais des essais sur des élevages plus longs. On a renouvelé l’expérience en 1995 et c’est dans ces conditions qu’on a créé Rémus.
Un vrai succès dès le début. À cette époque, j’intégrais tous mes parcellaires dans cette cuvée. Ça a vraiment changé à partir du début des années 2010, lorsque le domaine s’est étendu après l’acquisition du clos de Mosny et d’une partie du clos Michet. » La carte des crus change, avec un développement des cuvées parcellaires. Aujourd’hui, Rémus représente un quart des vins secs. La cuvée réunit les jeunes vignes, les plus petites parcelles et quelques lots issus de parcellaires, toujours sélectionnés avec la plus haute exigence de qualité. Comme pour l’ensemble de la production, Rémus est élaboré à partir de raisins issus de l’agriculture biologique. Côté vinification, on notera l’absence de fermentation malolactique. Année après année, Jacky Blot a beaucoup affiné son style, signant des blancs toujours plus traçants et ciselés. L’identité finement fumée et la force minérale du terroir de Montlouis s’expriment crescendo, aussi bien dans cette cuvée que dans ses clos-michet, clos-de-mosny et hauts-de-husseau.
Rémus, la verticale
1996
Couleur dorée, nez de cire, notes de safran et de miel. Dualité du grand chenin entre maturité aboutie, qui fait penser au moelleux, et immense droiture. Touche truffée bienvenue dans la finale. Un témoin d’une époque où la maturité s’effectuait sur un cycle plus long qu’aujourd’hui.
92/100
1999
Millésime de haute maturité. Quelques pluies pendant les vendanges n’ont pas permis la très grande année qui s’annonçait pour les liquoreux. Il a fallu beaucoup trier. On conserve de cette année solaire un nez d’ananas qui agrémente l’entrée au palais et la juste tension de l’ensemble qui vient redonner de l’élan. Il n’a pas la profondeur du 1996, mais contre toute attente ce millésime évolue parfaitement.
90/100
2000
Millésime plus confortable que le précédent. Le chenin a exprimé toute sa noblesse aromatique, avec des accents d’agrumes confits, d’épices et de fruits secs. Superbe fusion de l’énergie et de l’onctuosité.
93/100
2002
Le vent du nord-est a agi ici comme un chef qui fait réduire une sauce, en éliminant l’eau des baies de manière naturelle. C’est une façon de parfaire le degré sans dégrader l’acidité. Millésime de très grande pureté, avec une bouche parfaitement ciselée et une finale montante magnifique.
94/100
2005
Même si ce 2005 ne contient pas de sucres résiduels, ses arômes de vanille, de caramel blond et d’épices lui donnent un aspect confortable et gourmand. « On a vendangé cinq jours trop tard », explique Jacky Blot. « C’est l’époque on l’on prend vraiment conscience de l’importance d’être très juste dans nos dates de vendanges. » Millésime de transition, décisif pour la suite et le style futur de la cuvée.
90/100
2007
Plus équilibré que 2005 et séducteur par ses notes d’agrumes et d’abricot sec qui se marient parfaitement à la tension juteuse.
91/100
2008
Équilibre parfait permis par une juste date de vendanges. Profil tranchant et sensation minérale d’une grande pureté. À la fois dense et subtil, ce 2002 a lui aussi profité du vent de nord-est. Toujours très jeune et cristallin comme de l’eau de roche dans sa finale.
96/100
2009
Attaque onctueuse et vite soutenue par une tension qui a de la conversation.
Ce millésime de haute maturité est ramassé à la date idoine, ce qui le différencie du 2005. Les équilibres sont ici respectés.
95/100
2010
Le tranchant du rasoir, les sels minéraux du terroir, tout y est, avec ce qu’il faut d’épaisseur. Peut-être un peu en dessous du 2009 le jour de notre dégustation.
94/100
2012
Cristallin et pur, ce vin svelte dans sa jeunesse a pris de l’étoffe. Texture soyeuse et minérale digne d’un grand millésime.
93/100
2014
Millésime de maturité facile. Le style est élégant et plein avec un joli jus fruité, séveux et épicé. Il évolue assez rapidement et se livre plus que le 2012. À boire maintenant, il donne déjà beaucoup de plaisir.
91/100
2015
Accents de fruits jaunes au nez, bouche traçante avec une finale saline précise. Un rémus de classe et de garde. On sent la superbe qualité de raisin, ramassé au moment opportun. À attendre au moins cinq ans.
94/100
2016
On sent le minéral s’installer progressivement en bouche, avec une belle intensité et une finale saline. Dans la logique et le style très minéral du 2008.
95/100
2017
Flaveurs de citron vert, tension élégante en bouche. Il se livre facilement.
On prend déjà du plaisir avec ce rémus.
91/100
2018
C’est ample en attaque, plein de tension subtile et parfaitement dynamique grâce à un rebond final charmeur. Encore sur la retenue, ce qui est parfaitement normal.
92/100
2019
Plus lisible que le 2018 dès son attaque, un rémus monumental qui ouvre la cage thoracique. Son intensité pure se révèle pleine de vitalité. Finale de cathédrale gothique poussant à l’élévation.
96/100
Le domaine en 2019
Clos Michet
Parcellaire le plus solaire du domaine. Très séducteur, il se révèle dense en matière au premier toucher de bouche. La suite, tout en relief, offre à la fois sensualité et retenue.
97/100
Clos de Mosny
Le silex apporte un tranchant qui pousse les caudalies loin dans le temps. Beaucoup d’éclat dans ce vin qui rebondit en permanence en bouche, c’est superbe. Futur exceptionnel en prévision.
98/100
Les Hauts de Husseau
Ce terroir froid tire pleinement partie de ce millésime solaire. On sent le calcaire qui étire le charnu raffiné de la bouche. Grande fusion entre tous les éléments, finale d’une parfaite pureté. Compter les secondes ne sert à rien, passons aux minutes.
99/100