Nuit noire

La catastrophe du gel nocturne qui a frappé de très nombreux vignobles n’a épargné quasiment aucune région. Cette « gelée noire », c’est-à-dire un épisode de plusieurs heures de températures négatives, souvent pendant deux nuits consécutives, surgissant au moment où le cycle végétatif s’était déjà mis en route, résume de manière dramatique l’un des effets paradoxal du réchauffement climatique : précocité du cycle végétatif d’un côté, épisodes climatiques ravageurs (gels de printemps, grêle de début d’été, tempêtes, etc.) de l’autre. Très peu de moyens physiques peuvent lutter contre plusieurs heures de gel nocturne, et encore moins sont accessibles à des économies viticoles, souvent précaires. Au final, reste la détresse, parfois le désespoir : en hommage aux vigneronnes et vignerons, nous publions ici le beau et émouvant texte publié par le groupe Parole de Femmes sur Facebook. Il concerne trois vigneronnes de grand talent, Nan Ping Gao au château la Bastide à Escales, Delphine Maymil du château Maylandie à Ferrals, Laurence Rigal du château du Grand Caumont à Lézignan, mais possède une portée universelle pour l’ensemble de la communauté vigneronne dont nous partageons la détresse.
Thierry Desseauve

« Aude noire en une nuit d’encre prolixe à fusiller tout un territoire viticole laissant exangue vigneronnes et vignerons.
La veille en balade dans la nature, j’ai éprouvé un plaisir immense à voir s’habiller d’un très beau vert prometteur Mesdames les souches. Joie de pouvoir immortaliser cet instant sur la pellicule.
Ce vert donnant espoir d’une future récolte de beaux fruits en grappes, matière première à faire naitre de beaux nectars pouvant se décliner en blanc, rosé, rouge en Corbières, Minervois et autres appellations de chez nous.
Dans le monde professionnel lié au bon vouloir de Dame nature, rien n’est jamais acquis et cette perfide Dame, capricieuse à souhait et maitresse absolu a fait la très forte tête en décidant se s’habiller de noir et d’innonder de sa peste brune nos vignobles.
En seulement quelques heures elle a su anéantir des mois de travail.
Certes tout ceux qui n’ont pas les pieds ancrés dans la terre vont dire (je les entend … ils sont assurés, ils vont avoir des aides, ils se plaignent tt le temps, mais ils vivent bien, ils sont mécanisés et ne se tuent pas au travail) … les éternels clichés qui ont la vie dure.
Cette promptitude humaine qui fait que l’on soit propice à critiquer et juger. Pourquoi ? Et de quel droit ?
Pour le comprendre, la terre il faut l’aimer et l’avoir foulée.
Loin de moi de me porter en donneuse de leçon, mais témoin par les liens du sang et par amitié vraie envers 3 de nos vigneronnes adhérentes de notre réseau Parole de femmes Aude, ma blessure est aussi profonde.
Soutien inconditionnel envers Nan Ping Gao vigneronne du Chateau la Bastide à Escales dont j’ai pu constater la détresse dans ses yeux , Delphine Maymil du château Maylandie à Ferrals de sa voix émue, Laurence Rigal du château Grand Caumont à Lezignan, soucieuse puisque pour l’instant à distance en lien avec son régisseur qui touché en plein coeur, n’a pas eu la force de prendre des photos.
Toutes les 3 impactées sur leur vignoble respectif : de 90% Pour Nan Ping, 50% pour Delphine et autour de 70% pour Laurence.
Victimes depuis plus d’un an, comme toutes les professions de ce fléau Covid aux lourdes répercussions, les voilà maintenant frappées par cette satanée gelée noire.
Pour l’instant, nous ne pouvons que les soutenir par la pensée, un petit mot, un sourire … songeons à des jours plus heureux où nous réunir sera revenu dans le domaine du possible et ensemble nous mènerons la danse d’un hymne à leurs vins.
Courage et soutien indéfectible envers toutes les 3 et toutes les vigneronnes et vignerons de l’Aude et d’ailleurs impactés, ainsi que tous les arboriculteurs et tous les autres métiers en lien avec la terre.
Écoute et solidarité vaincrons. »
Photo : Parole de femmes
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