La montée en puissance régulière du cabernet franc dans l’assemblage fait de Château Nénin un pomerol de plus en plus intéressant. Voici une verticale 1961-2017 qui en dit long
La famille Delon achète Nénin à ses cousins Despujols en 1997, pour diversifier ses propriétés viti-vinicoles qui étaient jusque là exclusivement médocaines (Potensac et Léoville Las-Cases). Elle agrandit cette propriété, qui était déjà la seconde en taille de son appellation, avec quelques parcelles de l’ex-château Certan-Giraud qui la jouxtaient pour la porter aux trente-deux hectares actuels. Pratiquement d’un seul tenant, l’ensemble se situe sur la partie haute de l’appellation et voisine Trotanoy et Le Pin, sur des terres plus graveleuses et sableuses qu’argileuses, mais avec une grande complexité superficielle liée aux apports alluviaux de la Dordogne. Le merlot (75 % de l’encépagement) y puise sa générosité et sa race pendant qu’un programme ambitieux de replantation de cabernet franc commence à produire ses effets dans les derniers millésimes, qui gagnent en finesse, en droiture et en complexité. Dans une dizaine d’années, on devrait voir ce cépage entrer pour un tiers dans le grand vin. En vingt ans, le vignoble a été complètement restructuré avec une discipline de viticulture propre à la famille et l’imposant château, sans équivalent à Pomerol à part Sales, a été complètement et superbement restauré, tout comme les installations techniques. Parce qu’il appartient à des Médocains, le cru est resté un peu à l’écart de la vie locale. Désormais, sous l’impulsion de Jean-Hubert Delon et de son fidèle directeur Pierre Graffeuille, les vins se dégustent à la propriété et révèlent leur éminente noblesse de style et capacité de vieillissement.
2017
Grande couleur. Le vin le plus accompli de toute la dégustation, aussi bien dans les composants aromatiques que dans la texture et le soutien tannique, et certainement un point de référence pour les années à venir. La part de cabernet franc commence à bien marquer l’ensemble de son raffinement et de sa fraîcheur et harmoniser tous les apports du terroir. Vin de grande race.
2016
Corps excellent, notes de réglisse de zan, finale sur un retour de fraîcheur mentholée, caractère pomerolais affirmé. Vin bien représentatif de son millésime. Petite préférence pour l’élégance du 2017.
2015
Charmeur, solaire, moelleux, peut-être consensuel et adapté au goût international, mais moins précis et original que 2016 ou 2017.
2014
Le dernier millésime à étiquette jaune, plus sérieux et classique dans son corps et sa texture que le 2015, marqué par la tension et les épices apportés par 32 % de cabernet franc. Moins harmonieux que le millésime 2017, mais racé et complet pour l’année.
2013
Bien sélectionné et tout à fait honorable pour l’année, très propre au nez, un peu court en bouche.
2012
Très joli nez aromatique, sur le cuir fin, la truffe, les fruits noirs. Belle maturité de raisin. Peut-être un peu trop boisé encore, mais généreux et avec du style.
2011
Il n’a pas l’élan ou le charme aromatique du 2012 et il termine plutôt court. Dans le contexte du millésime, on attendait mieux.
2010
Vin de grande classe, et de grand format, au nez merveilleux de réglisse, de fleurs épicées, d’une étoffe somptueuse. Bref, ce qu’on attend d’un beau pomerol en très grande année et, surtout, aucune trace de surmaturité ou de lourdeur alcoolique. Il donne une belle idée du potentiel du cru.
2009
On sent plus l’alcool, mais le nez est généreusement truffé, en pomerol de race et de style, ce qui surprendra une minorité de détracteurs locaux, en puissance et en chair. Dans son duel avec le 2010, ce dernier l’emporte haut la main par son équilibre plus saisissant et surtout sa complexité.
2007
Excellente surprise. Le nez ravit par ses éléments à la fois très terriens (truffe noire évidente) et porteurs de fraîcheur, à l’inverse de tant d’autres 2007 vieillissants. Difficile de ne pas être séduit par la finesse des sensations tactiles et surtout par son intense persistance. Très merlot, mais un merlot de beau pomerol. Il est à point.
2006
Différent du 2005, presque opposé. Le boisé fin est encore sensible, pas du tout asséchant, le vin est assez aérien, frais, réglissé, pur, mais sans la sensualité du 2007.
2005
Puissant et truffé au nez, mais avec des notes de pruneau un peu lourdes pour les amateurs de vins fins. Il a du volume et de la suite en bouche. Dans son état actuel, il appelle la table et le gibier à plume, qui lui permettra de s’exprimer avec plus d’assurance.
1998
Nez harmonieux, boisé bien fondu, étonnante finesse de texture, chaleureux mais frais en fin de bouche, et toujours ce va-et-vient entre réglisse et truffe qui signe la partie Certan du terroir.
1978 et 1975
Deux bouteilles imparfaites, liées à des bouchons qui ont mal tenu et peut-être marqués par les déviations chlorées si fréquentes à l’époque. Sans doute la netteté des millésimes précédents accentuait ces différences.1970
Beaucoup plus agréable que 1975, raisin mûr, réglissé, souple, évolué sans décadence, sans avoir l’ampleur ou la race d’un gaffelière, par exemple, dans ce même millésime ou d’un trotanoy.
1966
Comme souvent dans cette décennie, le raisin vendangé trop tôt sans doute explique la conservation des notes végétales, typées poivron, plus de quarante ans plus tard.
1961
Plus riche évidemment que le millésime 1966, avec une robe d’un somptueux acajou, super terrien au nez, iris, sous-bois, truffe, et aussi menthol. Petit rancio de vieillesse, parfaitement acceptable et donnant à la fin de bouche une intéressante complexité où les éléments terriens se complètent par du tabac, voire du cèdre, et une évolution constante dans le verre. Beau vieux vin à réserver aux connaisseurs.