Sauver l’honneur
Les pluies diluviennes qui viennent de s’abattre en Bordelais désespèrent les producteurs de Sauternes qui voient s’effondrer la perspective du développement d’une belle pourriture noble. Quelques tris de raisins passerillés vers la fin du mois d’août ne pourront jamais donner un vin complet, ils sauveront tout juste l’honneur. On se servira aussi de la technologie, séchage du raisin ou tries sous le pressoir par le froid, pour des produits plus simples. Plus que jamais la production de vin sec de qualité semble indispensable pour la survie commerciale des producteurs.
Des raisins magnifiques
Pour tous les autres types de vins, les vendanges commencées vers le 20 août pour les sauvignons se sont terminées avant ces pluies avec, pour les raisins rouges, la chance de bénéficier de quelques averses de septembre. Elles ont fait repartir la maturité des raisins un temps ralentie par la chaleur et la sécheresse de l’été. Avec quelques inégalités liées à la variation du volume de pluie d’une commune à l’autre, tous les châteaux ont rentré des raisins magnifiques. On a rarement vu des merlots plus parfaitement mûrs, sans la lourdeur d’années chaudes comme 2009 ou 2018, des cabernets francs aussi accomplis. Quelques cabernet-sauvignon ont été vendangés un peu trop tôt et ne seront pas aussi remarquables. Beaucoup de producteurs ont courageusement et sagement attendu le dernier moment pour vendanger et ont rentré une qualité formidable. Les premières cuves dégustées à Margaux, Saint Julien, Léognan, Pomerol et Saint-Émilion confirment les promesses du raisin. Les blancs secs ne recherchant pas des arômes variétaux stéréotypés seront remarquables par leur volume de bouche n’excluant ni la fraîcheur, ni la finesse.
Nous pouvons pour les autres régions viticoles confirmer une qualité globale parmi les plus élevées des vingt dernières années, malgré l’étrangeté des conditions climatiques et, parfois, la violence de leur répartition. Pour parvenir à cette qualité le travail à la vigne est indispensable et a un coût que le marché souvent n’accepte pas. Beaucoup de propriétés, hélas, sont au bord de la faillite et succomberont si le millésime ne se vend pas.
Légende photo : Une grappe de merlot à Château Meyney