HL, les fières initiales signent l’étiquette. Mais rien de fier chez Hubert Lapierre, aujourd’hui en tranquille retraite, qui fut l’un des plus grands stylistes du beaujolais, l’un des plus modestes aussi, l’un des plus attachants. Le caractère de ses vins me sert toujours à juger les vins actuels et à remettre à leur place les fausses gloires ou les déviances hélas si à la mode. Il possédait des vignes à Chénas dans les deux appellations chénas et moulin-à-vent. Les chénas étaient produits sur les lieux dits Les Des Champs, en demi-pente, donnant des vins souples, parfumés, assez faciles à comprendre immédiatement, et les Brureaux, vignes de plein coteau qui apportaient race et longévité. L’assemblage des plus vieilles vignes donnait lieu à une cuvée spéciale, élevée en fût de chêne, qui était l’une des très rares à me convaincre. En général le bois durcit le tannin des vins de gamay, en obscurcit le fruit et en sèche l’évolution en bouteille, sauf sur quelques terroirs privilégiés, la plupart se trouvant comme par hasard à Chénas.
En 2011, les raisins avaient l’équilibre idéal pour Hubert, et comme c’était son dernier millésime officiel, son fils ne souhaitant pas reprendre l’exploitation, il avait particulièrement soigné les vinifications. Il aimait les vins délicats, sans emphase, faciles à boire, mais sans démagogie dans la recherche du fruit. Cette bouteille qui a bénéficié d’un excellent bouchon de liège dûment étampé du nom du vigneron et, sur le miroir, du millésime, contrairement aux gougnafiers qui continuent à boucher nu, ou se contentent de « mise en bouteille au domaine » ou « dans nos caves » est une quasi perfection. Le nez tout en délicatesse associe le floral et le minéral avec un très grand nombre de nuances, le corps est d’un équilibre souverain, la buvabilité exemplaire et, surtout, les sensations tactiles sont raffinées. On est loin du vernis à ongle ou des réductions animales ou des vins de petit maître inconstant. Le type de vin de ce grand chénas fait honneur à un cru trop souvent déclassé en simple bourgogne, mais n’a pas disparu. Hubert Lapierre a en effet vendu sa meilleure vigne de moulin-à-vent, sur les Michelons, à Fabien Duperray qui, on le sait, conduit viticulture et vinification sur des sommets absolus qui montrent la voie à tout le Beaujolais. Et, pour moi qui les connais bien, dans un style qui, sans utiliser de barrique après avoir tout essayé, se situe dans la filiation de ce merveilleux 2011, sans doute en plus puissant et encore plus pur sur le plan du parfum, mais avec une élégance dans le toucher de bouche similaire.
Domaine Hubert Lapierre, cuvée fût de chêne, chénas 2011