Me voilà prisonnier solitaire pour plusieurs semaines de ma petite maison de Rochegrès, sur un des meilleurs coteaux de l’appellation moulin-à-vent. Notre petit réseau Bettane+Desseauve fait front et nous nous échangeons nos consolations de dégustation. J’ai immédiatement cherché dans ma cave un vin fait juste devant chez moi, malheur, j’avais oublié qu’ils avaient regagné ma cave kimméridgienne de Bougival. Heureusement, trois cents mètres plus loin commence dans le prolongement du même lieu-dit l’appellation fleurie.
Colonies de Rochegrès, toutes les nuances du terroir
Sous cette appellation, mon ami Frédéric Burrier, grand propriétaire terrien à Pouilly-Fuissé et aussi dans le nord-Beaujolais, produit avec un élevage long qui lui est propre une cuvée intitulée Colonies de Rochegrès qu’il vinifie désormais sur place dans une petite cuverie toute neuve. Son 2014 commence à évoluer dans sa couleur et ses épices. On est ici aux antipodes du style gamay « glouglou » favorisé par les vignerons à la mode qui pensent avant tout aux assoiffés de comptoir, catégorie d’ailleurs estimable de bons buveurs. À condition que le fruité du vin soit pur, ce qui n’est pas toujours le cas. D’autres amateurs, dont je suis, sont plus sensibles au caractère donné par le lieu et qui exige une façon de travailler différente, un raisin impeccable, récolté à pleine maturité, un vrai travail d’élevage. On y gagne toutes les nuances données par les sables granitiques purs de ces coteaux sud, directement posés sur la roche mère, d’où le nom de Rochegrès. Les colonies sont situées un peu plus haut sur le coteau, sur une exposition un peu moins solaire et, mystérieusement alors que rien ne change dans le sol, le vin prend vraiment un caractère « fleurie », c’est-à-dire un bouquet floral épicé, très original, qui peut rappeler quelques syrahs de côte-rôtie – cépage d’ailleurs malicieusement planté par Frédéric pour un confidentiel et remarquable vin de pays. Il faut boire ce type de vin à table.
Même sans lourdeur alcoolique (regardez la contre-étiquette, 12°5), il n’est pas fait pour la soif, mais pour la saveur, l’accord avec la côte de veau, texture et goût, qui l’accompagnait.
Château de Beauregard, Colonies de Rochegrès, fleurie 2014
Légende photo d’ouverture : Qui dit qu’il n’y a pas de belle viticulture en Beaujolais ? Ici, à Rochegrès, les équipes du château des Jacques excellent. En arrière-plan, on aperçoit les vignes du lieudit Rochelle et au premier plan la petite cabotte, comme il la nomme lui-même, de Michel Bettane.